06 mai 2024

Cancer : un développement tumoral indépendant des mutations de l’ADN

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En résumé

Cette avancée a été obtenue par Giacomo Cavalli, Anne-Marie Martinez et l’équipe « Chromatine et biologie cellulaire » à l’Institut de Génétique Humaine de Montpellier.

449 696 €

Financement accordé à Giacomo Cavalli en 2023 pour un projet d’ « Equipe FRM ».

Depuis maintenant plusieurs décennies, on pense que le cancer découle majoritairement d’une accumulation de mutations dans des gènes clés de la cellule, conduisant à sa multiplication anarchique.

Des chercheurs ont mis en évidence que les cellules peuvent devenir cancéreuses par des phénomènes indépendants des mutations de l’ADN, des modifications dites « épigénétiques ».

Cette avancée laisse entrevoir de nouvelles perspectives de recherche pour améliorer la prise en charge des cancers.

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La découverte en détails

La nécessité de développer de nouvelles approches

Le cancer reste une pathologie redoutable : plus de 430 000 personnes en étaient atteintes et environ 150 000 décès ont été répertoriés, en France, en 2023. Si de nombreux progrès ont été réalisés dans la prise en charge des cancers, ces dernières décennies, via notamment l’avènement des immunothérapies et des thérapies ciblées, certains d’entre eux sont difficilement curables. Le développement de nouvelles approches de traitement est encore d’actualité.

Pour cela, les chercheurs explorent les mécanismes moléculaires au cœur du processus de cancérisation, un préalable essentiel à l’identification de voies thérapeutiques. Des avancées sont régulièrement réalisées. Ainsi, une équipe française a mis en évidence un phénomène de cancérisation des cellules qui ne passe pas par des mutations au sein de l’ADN : une première qui interroge sur le modèle actuel du développement tumoral et ouvre de nouvelles perspectives.

Le modèle actuel de la cancérogenèse

Le cancer résulte de la prolifération anarchique de certaines cellules de l’organisme.

D’après les données scientifiques jusqu’ici disponibles, les chercheurs pensaient que cette multiplication incontrôlée était majoritairement la conséquence de l’accumulation de mutations dans des gènes clés impliqués dans la régulation de la vie des cellules. Ainsi modifiées, ces cellules bénéficient de nouvelles propriétés : multiplication illimitée, capacité à envahir les tissus environnants…

Seulement ce modèle présente des limites. Certaines tumeurs pédiatriques ont par exemple un très faible nombre de mutations. Cela a poussé certains chercheurs à étudier des voies alternatives aux mutations dans le contrôle de l’expression des gènes : des modifications dites « épigénétiques ».

Des processus épigénétiques à l’œuvre

Des changements dans l’activité des gènes peuvent s’opérer sans que l’ADN ne soit modifié, donc sans mutation : on parle d’épigénétique.

Les modifications épigénétiques, ou facteurs épigénétiques, sont induites par l’environnement et sont matérialisées par des marques biochimiques sur la molécule d’ADN ou bien sur des protéines qui structurent l’ADN.

Ces modifications expliquent en partie pourquoi, malgré un patrimoine génétique identique, les cellules d’un individu sont très différentes, les gènes activés variant d’une cellule à l’autre.

On sait aujourd’hui que des modifications épigénétiques sont impliquées dans le développement de maladies. Dans le cancer notamment, de précédentes études ont montré que certains facteurs épigénétiques sont souvent dérégulés chez l’humain : ils y sont présents en trop grand nombre ou, à l’inverse, en trop faible quantité.

Giacomo Cavalli et ses collaborateurs ont focalisé leur attention sur certains de ces facteurs, les protéines du groupe « Polycomb », qui régulent l’activité de gènes chargés de limiter le risque d’apparition de tumeurs. Le modèle d’étude utilisé était la drosophile, la « mouche du vinaigre », un insecte qui possède en commun avec l’humain de nombreux gènes de la régulation de la vie cellulaire et du développement tumoral.

Un état tumoral induit dans les cellules

Les chercheurs ont inhibé dans un premier temps les protéines Polycomb dans ces modèles. Ils ont alors observé des perturbations dans l’expression des gènes qu’elles régulent, les gènes « suppresseurs de tumeurs » qui, comme leur nom l’indique, limitent de développement tumoral. Ce blocage générait un « état tumoral » dans la cellule, levant les verrous génétiques à sa multiplication.

Par la suite, l’équipe a restauré la fonction des protéines Polycomb. Elle a alors réalisé une observation intéressante : cette réintégration ne rétablissait pas pleinement l’activité de tous les gènes régulés. Certains d’entre eux devenaient insensibles aux régulations effectuées par Polycomb. L’« état tumoral » se maintenait ainsi dans le temps et continuait à progresser.

Ces observations montrent qu’il y aurait une forme de « mémoire » du statut cancéreux dans ces cellules, alors même que le signal qui l’a provoqué a été restauré. Certaines modifications épigénétiques pourraient alors suffire à initier la formation d’une tumeur.

Ce projet met en évidence une voie de cancérisation différente de celle couramment admise par la communauté scientifique. Cibler ce phénomène pourrait ainsi s’avérer pertinent pour le développement d’approches innovantes contre le cancer.

Source : Communiqué de presse CNRS « Découverte de cancers d’origine épigénétique sans mutation de l’ADN » du 24 avril 2024 ; Parreno V et al. Transient loss of Polycomb components induces an epigenetic cancer fate. Nature 2024. DOI

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