L’hepcidine, nouvelle cible potentielle dans le psoriasis

07 octobre 2024

Le psoriasis est une affection dermatologique inflammatoire courante. Il peut être très handicapant, notamment dans sa forme rare mais sévère, le psoriasis pustuleux, qui n’a pas de traitement définitif. La découverte du rôle central de l’hepcidine – une hormone connue pour réguler les niveaux de fer dans l’organisme – dans la genèse de la pathologie, ouvre aujourd’hui des pistes thérapeutiques innovantes.

Ces travaux ont été réalisés par l’équipe « Fer et immunité » dirigée par Carole Peyssonnaux à l’Institut Cochin, à Paris.

Qu’est-ce qui vous a amenée à vous intéresser à l’hepcidine ?

Au cours de mon post-doctorat à UCSD (University of California San Diego) de 2002 à 2006, je travaillais sur l’hypoxie et la réponse immunitaire innée 1 face aux infections bactériennes. Or c’est à cette période que le rôle d’une nouvelle hormone, l’hepcidine, venait d’être découverte par l’équipe de Sophie Vaulont à l’Institut Cochin. Produite par le foie, elle régulait l’homéostasie 2 du fer dans l’organisme. Comme l’hepcidine a une structure de peptide 3 antimicrobien, je me suis intéressée à cet aspect et montré qu’elle était en effet aussi produite par les cellules de l’immunité innée, les neutrophiles et les macrophages, lors d’infections bactériennes où le contrôle de la balance en fer est particulièrement crucial.

De retour en France, en 2007 j’ai rejoint l’Institut Cochin afin d’explorer si l’hepcidine, en plus de son rôle systémique, jouait un rôle local dans différentes conditions pathologiques (inflammation, infection, cancer…). J’ai montré notamment la forte production d’hepcidine par des cellules de la peau (les kératinocytes) chez des patients ayant une infection cutanée sévère et son rôle majeur dans le recrutement de neutrophiles, permettant d’empêcher la dissémination des bactéries dans la circulation sanguine.

Quels sont les résultats présentés dans votre dernière publication ?

Plusieurs études avaient montré une accumulation de fer dans la peau des patients souffrant de psoriasis. Nous avons découvert, à partir de biopsies de peau, que l’hepcidine était exprimée dans la peau des patients atteints de psoriasis, particulièrement dans ses formes sévères comme le psoriasis pustuleux.

Afin de comprendre si l’hepcidine jouait un rôle causal ou était seulement une conséquence de la maladie, nous avons développé plusieurs modèles murins (où le gène de l’hepcidine est spécifiquement inactivé ou surexprimé dans les kératinocytes). Notre conclusion : la surproduction d’hepcidine dans les kératinocytes de la peau est suffisante pour induire une accumulation de fer dans la peau et le développement de symptômes cutanés de la maladie (une prolifération des cellules cutanées qui se traduit par un épaississement de la peau, une inflammation locale avec un recrutement des neutrophiles).

Nous avons localisé ce fer dans le noyau des cellules, ce qui corrobore son rôle connu de carburant de la prolifération cellulaire. De plus, en étudiant l’ensemble des gènes activés dans ces cellules, nous avons retrouvé les mêmes signatures moléculaires que dans le psoriasis humain. L’hepcidine semble donc bien être impliquée dans la genèse de la maladie. Et nous confirmons par-là son rôle local, en plus de son rôle d’hormone via la circulation sanguine. Ce qui en fait une cible thérapeutique de choix.

Quelles sont les perspectives de vos travaux ?

Notre objectif aujourd’hui est de développer des anticorps capables de neutraliser l’hepcidine dans les lésions cutanées de psoriasis et tenter d’apporter une nouvelle solution thérapeutique innovante dans les formes sévères de la maladie, aujourd’hui sans traitement vraiment efficace. La FRM nous a apporté un soutien dans l’étape de prématuration, et Inserm Transfert également.

Nous étudions en parallèle le rôle de l’hepcidine dans d’autres organes, notamment l’intestin, où elle pourrait être impliquée dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin comme la maladie de Crohn. Cela pourrait mener à d’autres développements thérapeutiques !

Je tiens à remercier la FRM et les donateurs. Ces travaux n’auraient pas pu aboutir sans le soutien et la confiance de la FRM envers les projets de mon équipe.

Soutien FRM

  • 499 377

    Somme des financements alloués à Carole Peyssonnaux en 2021 pour une Equipe FRM et en 2022 pour un projet prématuration

Au cœur du labo

Légende

  • Accumulation de l’hepcidine (marquage marron en immunohistochimie) dans des biopsies de peau chez des patients atteints de psoriasis pustuleux (à gauche) par comparaison avec des patients sains (à droite). Clichés extraits de la publication.
  • L’équipe « Fer et immunité » dirigée par Carole Peyssonnaux à l’Institut Cochin à Paris.

 La publication :  Abboud E, Chrayteh, D, Boussetta, N et al. Skin hepcidin initiates psoriasiform skin inflammation via Fe-driven hyperproloferation and neutrphil recruitment. Nat Com 2024 : 15, 6718. Lien DOI

Lexique

  1. Réponse immunitaire innée : réponse rapide de l’organisme face à une agression (microbe par exemple) grâce à la mobilisation de cellules immunitaires particulières placées en première ligne de défense.
  2. Homéostasie : maintien constant des paramètres essentiels pour l’organisme (ici les niveaux de fer).
  3. Peptide : petite molécule formée d’un faible nombre d’acides aminés.

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