11e Marche des Roses contre le cancer du sein
13 décembre 2024
Notre parrain Thierry Lhermitte s'est rendu au Collège de France, pour visiter le laboratoire de Laurent Venance, spécialisé dans les neurosciences et l'étude de la mémoire. Avec son équipe, dont le Pr Bertrand Degos, neurologue à l'APHP, il essaie de mettre au point une thérapie innovante dans la maladie de Parkinson.
Pour tout savoir de cette rencontre, retrouvez la chronique de Thierry Lhermitte diffusée le lundi 23 mai dans l'émission « Grand Bien Vous Fasse » sur France Inter.
Qu'est-ce que la maladie de Parkinson ?
La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative, c'est-à-dire dans laquelle certains neurones (les cellules qui transmettent les messages nerveux) disparaissent progressivement dans le cerveau et entraînent différents symptômes, mais surtout des problèmes moteurs. On n'en connaît pas l'origine mais elle est multifactoriel : il y a à la fois une susceptibilité individuelle et des facteurs environnementaux. L'exposition aux pesticides est par exemple un facteur de risque établi. La maladie de Parkinson est d'ailleurs reconnue comme maladie professionnelle chez les agriculteurs.
Combien de cas recense-t-on en France ?
C'est la 2e maladie neurodégénérative après la maladie d'Alzheimer : cela représente environ 200 000 malades, soit 30 000 nouveaux cas par an. Mais ces chiffres risquent de doubler d'ici 2030 du fait du le vieillissement de la population ! C'est une maladie dont le diagnostic est posé tardivement en moyenne vers 75 ans.
Quels en sont les symptômes ?
Il y a 2 types de symptômes :
Des symptômes moteurs : au premier plan c'est le ralentissement des mouvements, ce que les médecins appellent l'akinésie. Les patients peuvent avoir aussi une raideur des muscles, une voix plus faible. Et il y a le tremblement de repos, bien connu. Mais en réalité il n'est présent que chez 70 % des malades. Il faut rappeler a contrario que tout tremblement ne veut pas dire maladie de Parkinson !
Savons-nous ce qui se passe dans le cerveau ?
On connaît les mécanismes qui conduisent aux problèmes moteurs : ils sont dus à la disparition de neurones particuliers qui sont situés dans une petite structure enfouie profondément à la base du cerveau, la substance noire compacte.
Or ces neurones sécrètent de la dopamine, une substance indispensable notamment à la planification et au contrôle des mouvements.
Et il y a un seuil critique : quand plus de 70 % de ces neurones ont disparu, c'est à ce moment que les symptômes moteurs apparaissent.
Est-ce qu'il y a des traitements à la maladie de Parkinson ?
Il n'y a pas de traitement curatif (au moment du diagnostic la plupart des neurones à la dopamine sont déjà morts), mais seulement symptomatiques. Le traitement de référence, qui soulage les symptômes moteurs, consiste à apporter la dopamine qui manque au cerveau : le patient prend un médicament, la lévodopa (ou L-dopa), qui est transformé en dopamine dans le cerveau. Ça marche généralement bien et la plupart des patients récupèrent une grande partie de leurs capacités motrices durant une période limitée.
Le problème, c'est qu'après 5 à 10 ans, inéluctablement, l'efficacité de la lévodopa diminue, il y a des fluctuations motrices. Et il y a aussi des effets secondaires qui apparaissent.
Quels sont ces effets secondaires ?
C'est l'apparition de mouvements anormaux, parasites et invalidants. En médecine ça s'appelle des dyskinésies. 90 % des patients présentent ces dyskinésies après 9 ans de traitement à la lévodopa.
Au début, on peut ajuster les doses et augmenter le nombre de prises de lévodopa sur la journée, mais arrive un moment où il faut l'arrêter car le malade n'est plus soulagé.
Donc là il faut changer le traitement. Il y a plusieurs possibilités :
Qu'est-ce que c'est la stimulation cérébrale profonde ?
Cela consiste à stimuler directement, par un courant électrique faible, une petite structure cérébrale située profondément dans le cerveau : le noyau sous-thalamique.
Pour cela, on implante donc au cœur du cerveau des petites électrodes. Elles sont reliées à un boîtier de stimulation placé sous la peau. Cette technique fonctionne remarquablement bien, les patients retrouvent à nouveau une motricité fluide !
Mais, malheureusement, seuls 7 à 10 % des patients peuvent en bénéficier. Comme il s'agit d'une opération de neurochirurgie très lourde, les critères sont en effet très stricts.
Et donc quel est le projet de Laurent Venance et de ses collègues ?
L'objectif, c'est de trouver une solution alternative à la stimulation cérébrale profonde qui soit moins invasive pour pouvoir bénéficier à davantage de patients.
Toujours en stimulant directement le cerveau pour avoir cette excellente efficacité, mais en ciblant des structures plus superficielles. L'équipe espère ainsi pouvoir stimuler en surface du crâne au lieu de devoir opérer.
Comment procèdent-t-ils ?
Ils avaient vu que le cortex moteur était trop actif, grâce à un modèle de rat qui mime la maladie de Parkinson. Pour simplifier, le cortex moteur, c'est une région superficielle du cerveau impliquée dans le contrôle des mouvements volontaires.
Or la stimulation cérébrale profonde agit sur ce cortex hyperactif, en l'inhibant, ce qui permet aux rats parkinsoniens de retrouver leur motricité. Leur raisonnement est que l'on pouvait donc tenter de substituer une cible profonde (ce fameux noyau sous-thalamique) par une plus superficielle.
Mais le problème, c'est qu'en stimulant directement une région aussi importante du cerveau, on risque d'agir sur des tas de cellules et d'interférer avec des tas de mécanismes indispensables. Et donc de s'exposer à des effets secondaires pires que le remède !
Donc il fallait affiner la cible ?
Exactement ! L'équipe de Laurent Venance a commencé par identifier pas à pas, au cœur du cortex moteur, les cellules nerveuses qui pouvaient être ciblées précisément. Le cortex (l'enveloppe superficielle du cerveau) est très complexe et très organisé. Il est composé de plusieurs couches de cellules différentes, qui ont chacune leur rôle et qui ont des connexions très précises.
L'équipe a réalisé des expériences de stimulation cérébrale profonde en enregistrant les différents types de neurones du cortex chez des souris parkinsonienne pour étudier leur comportement. En parallèle elle a aussi travaillé avec des modèles mathématiques qui reproduisent l'architecture des cellules du cortex moteur et ses réactions aux stimulations.
Résultat : ces chercheurs ont découvert les cellules du cortex moteur qui sont activés par la stimulation cérébrale profonde : ce sont des neurones particuliers, appelés interneurones. Ils sont chargés de réguler les neurones qui commandent le mouvement. Je vous ai résumé ça de manière lapidaire, mais ce sont des années de travail !
Au final, comment remplacer la stimulation cérébrale profonde ?
Par la lumière ! Ça s'appelle l'optogénétique : l'idée c'est de modifier génétiquement les neurones à cibler et leur faire exprimer une protéine (une opsine) qui sous l'effet d'une lumière spécifique va permettre leur activation. On peut donc « télécommander » l'activité des neurones ciblés par la lumière. Quand ils ont spécifiquement activés par la lumière, certains interneurones superficiels ont bien reproduit les effets de la stimulation cérébrale.
Actuellement, l'équipe place une petite LED à la surface du crâne et refait tous les tests de comportement sur les souris parkinsoniennes. Les premiers résultats ont l'air très prometteurs ! Et comme les applications de l'optogénétique en médecine commencent à se développer, Laurent Venance espère bien parvenir à développer cette solution innovante.
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