Pollution environnementale : une menace de plus en plus connue, notamment liée à l'air

Quelques chiffres sur la pollution environnementale et la santé

Selon la Fondation Santé Environnement de La Mutuelle Familiale, 83 % des Français se déclarent intéressés par le sujet de la santé environnementale.

À raison, puisque, chaque année en France, plus de 40 000 morts prématurées sont dues aux particules fines d'après Santé Publique France.

La notion d'exposome

Par nos modes vie, nous sommes exposés continuellement et quasi systématiquement à de très nombreux polluants, via notre alimentation, l'eau que nous buvons, l'air que nous respirons, mais aussi nos contacts avec des objets et vêtements. « Cette somme de toutes les expositions environnementales auxquelles nous sommes soumis tout au long de notre vie, c'est ce que l'on appelle l'exposome. Il dépend aussi de nos habitudes de vie et de facteurs socio-économiques », explique Sophie Lanone, spécialiste des pathologies respiratoires à l'Institut Mondor de recherches biomédicales de Créteil. Qu'elle soit d'origine naturelle (poussières, micro-organismes) ou liée à des activités humaines (agriculture, transport, industrie), cette pollution a des impacts sur notre santé, « même s'il existe des différences importantes selon les périodes de la vie et la sensibilité de chaque individu », souligne la chercheuse.

Certains polluants ont des effets connus

Parmi les sujets qui soulèvent de nombreuses questions de politique sanitaire, on trouve par exemple l'exposition aux pesticides, dont le lien a été fait avec le risque de survenue d'une maladie de Parkinson chez les agriculteurs.

La présence de perturbateurs endocriniens dans l'eau et l'alimentation est aussi un sujet d'intérêt. Ces substances, qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système hormonal et induire des effets délétères sur l'organisme ou sur ses descendants, peuvent altérer la fertilité et favorisent certains cancers.

On peut aussi citer les résidus de médicaments dans l'environnement et le développement de l'antibiorésistance, ou encore les perfluorés que l'on retrouve dans certains revêtements antiadhésifs et textiles synthétiques qui augmentent le risque de certains cancers et maladies chroniques.

Pour comprendre l'impact de ces polluants, ce sont tous les champs de recherche qui sont mobilisés, de la recherche fondamentale à l'épidémiologie, en passant par la biologie expérimentale.

Grossesse et développement : des périodes à haut risque

La grossesse est un moment de grande vulnérabilité de l'organisme face aux polluants. « Certains polluants de l'air traversent la barrière placentaire et passent de l'organisme de la mère à celui de l'enfant. Or, durant la vie fœtale, les cellules se multiplient et se différencient plus rapidement que les cellules adultes, ce qui leur confère une plus grande sensibilité aux polluants » explique Valérie Siroux, chercheuse dans l'équipe d'épidémiologie environnementale appliquée au développement et à la santé respiratoire à l'Institut pour l'Avancée des Biosciences de Grenoble. « Cela peut entraîner des conséquences sur le développement des systèmes nerveux, respiratoire, immunitaire »

Il y a quelques années est née l'hypothèse de l'origine développementale de la santé et des maladies (ou DOHaD en anglais). L'idée est la suivante : les expositions environnementales subies durant la phase de développement peuvent avoir un impact sur la santé ultérieure, notamment via la régulation de mécanismes épigénétiques, des modifications chimiques présentes sur l'ADN qui induisent des changements dans la façon dont les gènes s'expriment. « De fait, l'organisme peut garder en mémoire une exposition précoce à des polluants, et en subir les conséquences durant toute la vie. Cette hypothèse résulte d'observations épidémiologiques faites depuis la fin des années 1980, qui montrent des associations entre un petit poids de naissance et l'apparition de maladies cardiovasculaires, respiratoires et de désordres métaboliques à l'âge adulte » raconte la chercheuse grenobloise.

Depuis, il a clairement été démontré que la pollution atmosphérique augmente le risque de petit poids à la naissance et des études suggèrent que ces liens pourraient s'expliquer par des modifications épigénétiques. Il existe donc bien un lien entre pollution, petits poids de naissance et maladies cardiovasculaires ou métaboliques.

Du laboratoire à l'épidémiologie

Pour étudier ces liens entre pollution et santé, les chercheurs travaillent notamment sur des modèles expérimentaux, des cellules en plein développement exposées à un polluant, par exemple.

Les études épidémiologiques sont aussi très importantes. « Pour qu'elles aient un véritable intérêt, elles doivent être menées sur des populations suffisamment importantes, avec des mesures précises de l'exposition à la pollution dune part, et des paramètres de santé d'autre part, précise Valérie Siroux. Pour ce qui est de la pollution de l'air par exemple, il n'y a malheureusement aujourd'hui aucun biomarqueur permettant dévaluer l'exposition individuelle. Il faut donc se baser sur des modèles d'exposition et les données recueillies par les capteurs de pollution atmosphérique. »

La chercheuse participe ainsi actuellement à la cohorte SEPAGES lancée en 2014 dans la région grenobloise : 484 couples et leur enfant sont suivis depuis le premier trimestre de grossesse de la mère, afin de caractériser précisément leur exposition aux contaminants de l'environnement et d'en étudier les effets sur la santé de la femme enceinte, du fœtus et de l'enfant.

La pollution de l'air est la plus étudiée

« Les premières publications scientifiques sur la pollution atmosphérique datent des années 1950. Elle est très étudiée, car elle est en partie facile à mesurer, raconte Sophie Lanone. Grâce à des filtres de différentes tailles, on peut facilement mesurer les taux de particules fines [NDLR : particules en suspension dans l'air, de composition très variée, et dont le diamètre est inférieur à 2,5 micromètres]. »

Dans l'air que nous respirons, on retrouve des polluants primaires, directement issus des sources de pollution (trafic routier, industries, chauffage, agriculture…) comme les oxydes d'azote, le dioxyde de soufre, des composés organiques volatiles, les particules fines et certains métaux. Et des polluants secondaires, issus de réactions chimiques entre les premiers. Il s'agit par exemple de l'ozone et du dioxyde d'azote.

Impact chez le nouveau-né

D'après une étude britannique publiée en 2017, la pollution aux particules fines serait responsable de 18 % des naissances prématurées dans le monde. Une étude de l'Inserm de 2012 estime qu'en France, elle serait aussi à l'origine de la moitié des naissances à terme d'un bébé de poids inférieur à 2,5 kg, avec pour conséquence probable un important retard de développement intellectuel. D'autre part, d'après une étude américaine publiée en 2021, l'exposition in utero aux particules fines durant la grossesse est associé à un taux plus important d'asthme chez les nouveau-nés.

Autres effets

Il y a aussi les risques « aigus » : en 2018, une autre étude américaine révélait qu'une exposition, même brève, aux particules fines pouvait être associée au développement d'infections respiratoires inférieures aiguës chez les jeunes enfants. Et tout récemment, des travaux menés en Espagne par l'Institute for Global Health ont montré que si la pollution de l'air n'augmente pas le risque être infecté par la Covid-19, elle accroit en revanche celui être atteint d'une forme grave de la maladie.

De plus en plus d'études identifient donc des liens entre pollution et santé. Et il ne s'agit pas que de pollution atmosphérique. Au printemps, une équipe du Muséum national d'histoire naturelle a ainsi montré que les enfants exposés avant la naissance à un mélange de produits chimiques communs risquaient un retard dans leur développement cérébral. Il s'agit plus particulièrement de quatre phtalates (des plastifiants) et de trois perfluorés (présents dans les revêtements antiadhésifs et textiles synthétiques).

Mais pour comprendre les mécanismes sous-jacents, d'autres études seront nécessaires. « Pour obtenir des résultats solides, il faut du temps, des moyens et beaucoup d'interdisciplinarité », conclut Sophie Lanone.

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