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20 novembre 2024
04 janvier 2024
Les alertes médiatiques se multiplient, nourrissant l'inquiétude et la culpabilité de la plupart des parents. Certes, les écrans envahissent tous les domaines, avec un temps dédié toujours plus important. Alors, la consommation numérique est-elle vraiment néfaste pour le développement de nos petits, comme cela est répété à l'envi ? Les arguments scientifiques sont-ils au rendez-vous ?
Deux experts de la question apportent leur éclairage, nuancé.
Grégoire Borst
Professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l'éducation, directeur du Laboratoire de psychologie du développement et de l'éducation (Université Paris Cité, CNRS)
Séverine Erhel
Maîtresse de conférences en psychologie cognitive et ergonomie, membre du Laboratoire de psychologie, cognition, comportement et communication (Université Rennes 2)
NON
Le neurodéveloppement est la dynamique de l'organisation cérébrale qui commence in utero et continue jusqu'à 20-25 ans pour aboutir au cerveau adulte. Certaines périodes sont charnières : la plasticité du cerveau donc sa sensibilité à l'environnement y est plus forte car les connexions entre neurones se créent et disparaissent à un rythme extrêmement soutenu. C'est le cas notamment entre 0 et 3 ans, ou encore à l'adolescence. Mais à chaque âge, toute activité prolongée restructure le cerveau, comme l'apprentissage de la lecture ou la pratique d'un sport. Nous n'avons encore que peu de recul sur l'impact des écrans sur le développement cognitif ou socio-émotionnel. Les premiers résultats issus d'une vaste cohorte américaine, qui suit 10 000 enfants et adolescents de 8 à 25 ans, suggèrent que l'exposition aux écrans pourrait entraîner une accélération du développement cérébral. En revanche, nous ignorons encore si cet effet est positif ou négatif car cette étude n'est pas en mesure d'y répondre. De plus, il est important d'évaluer l'effet des écrans en tenant compte de l'ensemble des facteurs qui jouent sur le développement du cerveau (le milieu social d'origine, l'exposition au stress chronique, le poids à la naissance, etc.). En résumé, les études disponibles à ce jour suggèrent que si les écrans ont des effets négatifs, ils restent faibles dans la très grande majorité des cas. Nous ne sommes pas face à un problème de santé publique. Arrêtons donc d'envoyer des messages anxiogènes aux adolescents ! Ce qui est bien établi aujourd'hui, c'est que la lumière artificielle intense émise par les écrans interfère avec le sommeil, dont la qualité est essentielle pour les apprentissages, et qu'il faut donc couper les écrans une à deux heures avant le coucher.
NON, MAIS…
Il n'y a pas de consensus scientifique sur les effets des écrans actuellement, contrairement à ce que pourrait laisser croire le battage médiatique autour de cette question. Les études disponibles ne permettent pas de faire un lien de causalité direct entre l'exposition aux écrans et le développement des enfants et des adolescents. Elles ne montrent en majorité que des associations toujours très faibles entre l'exposition aux écrans et les caractéristiques individuelles (comme la santé mentale, le développement du langage ou des performances cognitives). De plus, la plupart des études s'appuient sur un « temps total d'écran » qui ne reflète aucune réalité tangible : télévision, smartphone, ordinateur, tablette, montre connectée les écrans sont en effet partout et leurs usages multiples. Peut-on comparer une heure de jeu vidéo et une heure de lecture sur une liseuse ? Le temps d'exposition ne renseigne en rien sur les bénéfices de l'activité. Nous pouvons cependant tirer quelques enseignements des études scientifiques des dernières années. Tout d'abord, la qualité des contenus, leur ergonomie et l'adaptation à l'âge de l'enfant sont essentielles. Ensuite, l'accompagnement par un adulte est très important, particulièrement pour les plus jeunes. Et, à travers lui, la verbalisation : elle est quasiment aussi importante, voire davantage, que le contenu même. Enfin, le temps d'écran doit être raisonné et ne pas se substituer aux autres activités dont un enfant a besoin pour se développer : l'activité physique, les relations avec ses pairs ou encore le sommeil, dont l'effet négatif du numérique est aujourd'hui difficilement discutable. On peut espérer que d'autres travaux mènent à une meilleure connaissance des activités et des pratiques, comme les bénéfices des environnements numériques pour l'apprentissage.
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