La dynamique du vieillissement cellulaire révélée par les maths
11 mars 2025


Une méthode originale, qui mêle génétique, observations sur cellules uniques et simulation informatique montre son intérêt pour comprendre le processus de vieillissement d’une population de cellules. Elle éclaire aussi le phénomène d’échappement, qui mène à l’instabilité et à une nouvelle prolifération. De quoi potentiellement expliquer le point de départ de certaines maladies comme le cancer.
Cette avancée a été obtenue par Maria Teresa Teixeira, Directrice de recherche, à la tête de l’équipe « Biologie des télomères », à l’Institut de Biologie Physico-Chimique (IBPC) à Paris. Elle évoque ses dernières découvertes sur les télomères – les extrémités des chromosomes –, un travail collaboratif qui a impliqué des chercheurs du CNRS, Sorbonne Université, de l’INRIA et Centrale Marseille.
J’ai commencé à travailler sur la génétique moléculaire et cellulaire de la levure 1 dès mon doctorat à l’Institut Pasteur, et depuis j’en ai fait mon modèle d’étude. À la fois cellule similaire aux nôtres et organisme unicellulaire autonome, c’est un outil très intéressant ! La levure se cultive aisément, a une génétique bien établie et est de manipulation facile. Cet organisme simple permet donc d’investiguer des questions biologiques complexes.
En 2000, mon postdoctorat en Suisse a marqué le début de mes recherches sur les télomères – les extrémités des chromosomes qui raccourcissent au fur et à mesure des divisions cellulaires et finissent par induire le vieillissement cellulaire. Puis quand j’ai intégré le CNRS en 2004, j’ai poursuivi mes travaux à Lyon.
Depuis 2010, je mène ma propre équipe dans le Laboratoire de Biologie moléculaire et cellulaire des eucaryotes, à l’IBPC. Nous y questionnons le rôle des télomères dans le contrôle de la sénescence cellulaire, un vieillissement de la cellule caractérisé par la conservation de sa viabilité, mais sans division. Un état qui conduit, chez les être pluricellulaires, à la perte de la capacité de régénération des tissus et au vieillissement des organes.
Je pense que modéliser mathématiquement les phénomènes biologiques est une bonne approche pour les comprendre. L’idée – mais aussi le défi – était de tenter de capturer la très grande hétérogénéité du processus de sénescence 2 dans une population de levures. Cette hétérogénéité est présente à plusieurs niveaux. D’abord, les télomères d’une même cellule et entre les cellules ont des longueurs différentes, ensuite, dans une population de cellules manipulées génétiquement pour induire la sénescence, le processus est asynchrone car chaque cellule suit son rythme propre.
Afin de comprendre ce phénomène, nous collaborons avec deux équipes pour combiner deux techniques : d’une part, en collaboration avec l’équipe de Gilles Charvin, la microfluidique 3 pour observer la sénescence des cellules individuellement et, d’autre part, la modélisation informatique, en collaboration avec les équipes de Marie Doumic et de Zhou Xu, pour intégrer les données recueillies, les hypothèses biologiques qui en découlent et simuler ce comportement à l’échelle de la population de cellules. Les deux approches se nourrissent constamment l’une de l’autre.
Nous sommes parvenus à décrire certaines lois qui régissent l’évolution hétérogène d’une population de levure dans le temps. De manière étonnante, nous avons découvert 4 deux types de cellules au comportement très différent.
Le type A est composé de cellules qui entrent de manière abrupte en sénescence, après deux ou trois divisions très longues. Dans ce cas, c’est le télomère le plus court qui dicte cette évolution, nous avons d’ailleurs déterminé une taille-seuil qui la déclenche. Il y a par ailleurs un type B, constitué de cellules qui se divisent d’abord normalement, puis alternent des phases de prolifération et d’arrêt de la division avant d’entrer en sénescence de manière très hétérogène, sans lien apparent avec la taille du télomère initialement le plus court. Résultat, la structure de la population évolue au cours du temps : il y a d’abord une sélection des cellules de types A, puis avec leur entrée en sénescence, les types B deviennent majoritaires avant de devenir elles-mêmes sénescentes.
Au final, il reste dans la population des cellules « survivantes » à la sénescence, capables de proliférer et qui prennent le dessus ensuite. Notre hypothèse est qu’elles sont issues de remaniements génétiques ayant lieu au cours des phases successives de division et d’arrêt du type B, une période de plus grande instabilité.
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