Science ouverte : « promouvoir l’ouverture, l’accès et le partage des résultats de la recherche »
03 octobre 2024
De la Terre qui serait plate au vaccin Covid contenant une puce électronique, les « fake news » se diffusent à grande vitesse via les technologies numériques. Comment ces infox, ou informations mensongères, qui contribuent à la désinformation du public, voire au complotisme, peuvent-elles séduire ? Que faire pour lutter contre ?
Deux scientifiques répondent et partagent leurs réflexions.
Catherine Bréchignac
Physicienne, Membre de l’Académie des sciences, Ambassadrice déléguée à la science, la technologie et l’innovation
Hugo Mercier
Chercheur en sciences cognitives au CNRS, Coresponsable de l’équipe « Intelligence collective » à l’Institut Jean-Nicod, Paris
Aujourd’hui, les connaissances scientifiques se sont étendues et sont devenues extrêmement complexes. On raisonne désormais à une échelle globale sur des systèmes complexes dans leur entièreté – comprendre le fonctionnement du cerveau par exemple –, on fait appel aux statistiques ; une approche difficilement saisissable pour le grand public. De plus, dans le langage courant, on confond science et recherche en employant indistinctement le mot « science ».
C’est pourtant différent : la recherche avance dans l’inconnu, tâtonne – avec une méthode rigoureuse –, fait des erreurs qui elles-mêmes participent au savoir, pour construire la science. Ces erreurs peuvent aussi laisser penser au public que la science peut être facilement remise en question, commentée, voire inventée. D’où les « fake news ».
Mais la science n’est pas une opinion ! Et là où la science demande un temps long d’explication, la « fake news », avec son argumentaire simplifié – et faussé –, est plus immédiate. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais le numérique a considérablement accéléré la diffusion des « fakes news ».
Selon moi, leur attrait tient à la combinaison de plusieurs facteurs. Tout d’abord, elles jouent sur l’émotion : peur, indignation ou colère. Ensuite, la simplicité de leur énoncé présente un raisonnement faussement déductif. Ce semblant de raisonnement conforte l’émotion et flatte l’ego, donnant à la personne qui le reçoit le sentiment d’appréhender une vérité, de comprendre un mystère qui n’est pas à la portée de tout un chacun. Cette satisfaction pousse la personne à se conforter dans cette croyance plutôt que d’aller aux sources de l’information.
Pour éviter le retour de l’obscurantisme, il faut encourager les jeunes à apprendre et encore apprendre, renforcer la culture scientifique et enseigner l’histoire des sciences.
Auteure de Retour vers l’obscurantisme, éd. Le Cherche midi, 2022.
Pour comprendre le phénomène des « fake news », il faut savoir comment fonctionne le raisonnement humain. Que se passe-t-il quand on évalue une information qui nous est communiquée, quand on résout un problème, lorsque l’on prend une décision ?
Nos travaux ont montré qu’on a d’abord une intuition, très rapide. Qu’elle soit juste ou fausse, le raisonnement que l’on met en place ensuite ne permet que très rarement de corriger cette première intuition. Au contraire, il va généralement la renforcer en cherchant des arguments pour la justifier. C’est ce que les psychologues appellent le « biais de confirmation ». Tout se passe comme si on se préparait à défendre notre jugement, ce qui est d’ailleurs souvent le cas en société. Le raisonnement a ainsi une fonction sociale : il permet de générer des arguments, d’évaluer ceux des autres… Mais aussi, heureusement, de changer d’avis devant de bons arguments ! Ce processus, en revanche, demande du temps et de s’intéresser au sujet. En réalité, les gens acceptent quasiment tous la science fondamentale, en particulier dans les sociétés dotées d’une éducation scientifique.
Alors quid des « fake news » ? D’abord, elles ne représentent qu’un petit pourcentage des informations qui circulent. Elles existent parce qu’il y a une demande, un besoin chez certains de renforcer leurs croyances préalables. Et si cela vient d’une personne qui a figure d’autorité, c’est encore plus efficace. En cela, les réseaux sociaux y ont leur part, en mettant en avant le pire des idées, des caricatures d’information qui favorisent la polarisation des opinions.
Une « fake news » ne fait donc pas changer d’avis. Ce qui est déterminant, ce sont nos croyances, construites tout au long de la vie. C’est pourquoi l’éducation est un levier majeur.
Auteur de Pas né de la dernière pluie, éd. humenSciences, 2022.
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