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25 avril 2023
Notre parrain Thierry Lhermitte s'est rendu à l'hôpital Bichat, à Paris, pour y rencontrer Ilyass Zouhry, jeune médecin qui poursuit un doctorat de sciences, encadré par le Pr Antonino Nicoletti et soutenu par la FRM. Il est spécialisé en anatomo-pathologie. Ses travaux de thèse explorent les réactions immunitaires qui peuvent entraîner le rejet du greffon lors de la transplantation cardiaque.
Cette rencontre a fait l'objet de la chronique santé de Thierry Lhermitte diffusée le lundi 24 avril 2023 dans l'émission « Grand Bien Vous Fasse » de Ali Rebeihi sur France Inter, à (ré)écouter ci-dessous.
Peut-on d'abord rappeler ce qu'est l'anatomo-pathologie ?
C'est une spécialité de la médecine assez méconnue et de moins en moins choisie par les jeunes médecins. Pourtant elle est passionnante et indispensable ! Ces spécialistes, appelés anatomo-pathologistes, sont seulement 1 700 en France à ce jour. Et pourtant c'est sur eux que reposent toutes les analyses des pièces opératoires et des biopsies, par exemple pour déterminer si on a une tumeur cancéreuse ou pas.
Ils examinent au microscope les tissus jusqu'au niveau des cellules, dont ils étudient la morphologie, les caractéristiques, pour établir un diagnostic, pour faire un pronostic ou encore pour prédire la réponse thérapeutique. Leur rôle est donc central pour la définition des traitements et les travaux d'Ilyass en sont l'illustration.
Ilyass Zouhry étudie donc le phénomène de rejet lors de la transplantation cardiaque ?
Absolument. Il est chef de clinique dans le service d'anatomo-pathologie, et il est en charge des biopsies du cœur chez les patients transplantés.
Il faut savoir que l'hôpital Bichat réalise 10 % des toutes les greffes cardiaques en France, soit environ 40 par an.
Pourquoi ces biopsies sont-elles réalisées ?
Pour surveiller l'évolution du greffon et anticiper le rejet éventuel. Tous les patients sont confrontés à ce risque, c'est pourquoi ils sont suivis très régulièrement par des biopsies, au début toutes les semaines, puis de manière plus espacée.
On le fait facilement, sous anesthésie locale : on passe un cathéther par la veine du cou jusqu'au cœur et on prélève avec une petite pince un fragment de quelques millimètres.
Quand on parle de rejet on comprend que le corps rejette le greffon, mais plus précisément, de quoi s'agit-il ?
Il existe en réalité deux sortes de rejets :
En quoi consiste ce rejet humoral ?
L'immunité est très complexe, vous le savez. Donc il faut d'abord expliquer que nous avons tous à la surface de nos cellules des molécules appelées HLA, qui permettent à notre système immunitaire de distinguer le soi du non-soi et de réagir quand il y a un intrus. C'est en quelque sorte un passeport pour les cellules.
Le rejet humoral est dû à des anticorps du receveur qui sont dirigés contre les molécules HLA du donneur. Et comme ces anticorps circulent dans le sang, ils s'attaquent en premier aux cellules qui tapissent les vaisseaux du greffon en provoquant une inflammation délétère et des lésions vasculaires qui finissent par entraîner la perte du greffon.
Quels sont les enjeux des recherches menées par Ilyass Zouhry ?
Il essaie de mieux comprendre ce rejet humoral pour améliorer le diagnostic au moment des biopsies de surveillance et, si possible, apporter des éléments pronostiques, pour anticiper le rejet.
Quelles avancées a-t-il obtenu ?
D'abord, il a montré que lors d'un examen standard d'anatomopathologie, donc en observant sous le microscope le tissu provenant de la biopsie du greffon cardiaque, si on prend en compte l'extension de l'inflammation, on pouvait améliorer le diagnostic de rejet.
Il a aussi découvert que les atteintes des vaisseaux du greffon sont hétérogènes, il y a des zones attaquées et des zones qui restent saines.
La question est : pourquoi ? Ilyass est en train d'investiguer une hypothèse :
Il pense que la colonisation des vaisseaux sanguins du greffon par des cellules du receveur pourrait intervenir, on appelle cela du chimérisme. Dans ces zones, si les vaisseaux du donneur sont tapissés par les cellules du receveur, les anticorps ne les détecteraient plus comme étrangers. Et du coup cela expliquerait les zones sans rejet humoral.
Et comment s'y prend-il pour valider cette hypothèse ?
Il utilise une technique toute nouvelle et carrément révolutionnaire, qui s'appelle la transcriptomique spatiale. Ça consiste à quadriller au niveau microscopique le tissu cardiaque issu des biopsies du greffon pour séquencer intégralement chaque petit carré et détecter tous les gènes exprimés. Donc ensuite il peut faire le lien entre les lésions de rejet qu'il observe au microscope et les gènes exprimés.
A-t-il des résultats ?
Pas encore sur le chimérisme, mais il a déjà montré, pour la première fois, que les différentes zones identifiées au microscope correspondaient à une hétérogénéité de l'expression des gènes au sein du greffon. Ce qui valide au point de vue moléculaire le suivi en anatomopathologie !
Grâce à cette approche très puissante, il espère aussi élucider des mécanismes qui pourraient devenir des cibles thérapeutiques pour tenter d'arrêter le processus de rejet.
A-t-il une piste ?
Oui, il a notamment découvert la formation de nouveaux vaisseaux lymphatiques à proximité des vaisseaux sanguins du greffon dans les zones où il se produit un rejet humoral.
La question maintenant c'est de suivre cette évolution dans le temps pour comprendre si c'est une cause ou une conséquence du rejet. Il a encore beaucoup de travail en perspective et très sûrement des découvertes qui pourraient changer le devenir des patients greffés du cœur, mais aussi pour d'autres organes car les mécanismes sont communs.
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