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13 décembre 2024
Si les machines intelligentes n'ont pas vocation à remplacer les médecins, elles vont néanmoins occuper une place de plus en plus importante dans le futur. Accélérer le diagnostic de certaines maladies, faciliter la décision thérapeutique ou même identifier de nouvelles pistes de recherche Les applications possibles sont vastes. Dans la lutte contre le cancer, par exemple, les progrès permis sont déjà nombreux.
L'intelligence artificielle (IA) est un domaine très vaste qui regroupe différentes méthodes de programmation de machines. Elles ont en commun d'être conçues pour imiter les modes de raisonnement propres aux humains.
On distingue deux grands types d'IA :
L'IA dite « faible » repose sur des programmes permettant à une machine d'exécuter une tâche plus ou moins difficile, comme par exemple gagner aux échecs, traduire un texte dans une autre langue ou encore proposer des articles à un consommateur en fonction de ses achats précédents
L'IA dite « forte » a pour but de créer des programmes permettant aux machines d'apprendre par elles-mêmes le bon comportement : on parle de « machine learning ». Plus la machine s'entraîne et plus elle est capable de reproduire le raisonnement humain, à condition de lui avoir fourni au départ les bons exercices avec corrigés !
L'IA « faible » est déjà présente dans notre quotidien. L'IA « forte », elle, est encore au stade expérimental. Dans le domaine médical, elle pourrait être très utile : les programmes fonctionnent à très grande vitesse et gèrent une très grande quantité de données ; ils seraient donc capables, dans une certaine mesure bien sûr, de surpasser l'être humain.
Récemment, plusieurs équipes internationales se sont illustrées en mettant au point des machines capables de diagnostiquer un mélanome à partir d'une simple photo, et ce de façon plus efficace que des dermatologues expérimentés ! Les machines ont d'abord appris à reconnaître un mélanome en examinant et en comparant des dizaines de milliers d'images de lésions cancéreuses avec de simples grains de beauté. Puis, elles ont été capables d'identifier des tumeurs atypiques avec plus de réussite que les médecins eux-mêmes.
Utilisant la même approche, des chercheurs Inserm et Inria de l'Université Grenoble Alpes ont mis au point en 2018 un programme capable de localiser et de diagnostiquer différents types de tumeurs cérébrales sur la base d'images obtenues par IRM quantitative, un type d'examen encore peu utilisé en routine par les médecins. Cette méthode d'imagerie innovante permet de quantifier des paramètres biologiques variés comme le débit sanguin, le diamètre des vaisseaux sanguins
L'analyse d'images médicales peut aussi être utile dans la décision thérapeutique. En collaboration avec des chercheurs de Centrale Supélec, l'Inserm, l'université Paris-Sud et l'entreprise TheraPanacea, l'équipe du Pr Éric Deutsch a conçu une machine capable de reconnaître la signature dite « radiomique » de tumeurs solides. Mesurée à partir d'une simple image de scanner, cette signature définit le niveau de cellules immunitaires ayant infiltré la tumeur et détermine un score prédictif de l'efficacité du traitement par immunothérapie (thérapie visant à stimuler le système immunitaire du malade contre la tumeur, ou à lever certains blocages mis en place par les cellules cancéreuses pour contrer le système immunitaire). Sachant que seuls 15 à 30 % des patients répondent à l'immunothérapie, cela permet donc de ne traiter que ces derniers. Jusqu'à présent, il n'existait aucun marqueur prédictif de la réponse à une immunothérapie de ce type.
Des équipes de cancérologie digestive de l'AP-HP et du Centre de recherche des Cordeliers (Inserm, Université Paris-Descartes) se sont quant à elles intéressées à la réponse à un traitement par radiothérapie et chimiothérapie combinées avant chirurgie chez des patients atteints d'un cancer du rectum. Toujours à partir du « machine learning », ils ont mis au point un programme permettant, à partir d'un scanner, de déterminer à l'avance les patients ayant une réponse complète à la radiochimiothérapie afin de leur éviter l'opération.
« L'enjeu n'est pas la compétition entre deux intelligences mais au contraire leur association. Comment l'intelligence humaine pourra utiliser l'intelligence de synthèse pour se faciliter la tâche »
Le développement de l'IA dans le domaine médical ne concerne pas seulement la cancérologie. Ainsi, l'équipe de Grenoble qui a travaillé sur les tumeurs cérébrales souhaite désormais adapter son programme au dépistage de maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson. Nombreuses aussi sont les entreprises qui s'intéressent au sujet.
Certaines travaillent par exemple sur le diagnostic rapide des accidents vasculaires cérébraux, sachant que le temps est un facteur majeur de réussite du traitement. D'autres s'intéressent à l'IA pour analyser des milliers de génomes dans le cadre de la recherche sur les maladies rares, ou pour déterminer de nouvelles cibles thérapeutiques. « L'enjeu n'est pas la compétition entre deux intelligences mais au contraire leur association. Comment l'intelligence humaine pourra utiliser l'intelligence de synthèse pour se faciliter la tâche », a souligné le député et mathématicien Cédric Villani, lorsqu'il a rendu en mars dernier son rapport sur le développement de l'IA en France. Dans la foulée, le gouvernement avait annoncé un plan de financement de 1,5 milliard d'euros sur quatre ans en faveur de l'IA. Une course à la technologie qui n'est pas sans soulever des questions éthiques, comme l'a souligné en juin dernier le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), interrogeant notamment la responsabilité en cas de faux diagnostic, ou le risque de déshumanisation de la médecine.
Article réalisé avec l'aide du Pr Eric Deutsch (Chef du département de radiothérapie de l'Institut Gustave-Roussy).
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