Comment la maladie de Verneuil est-elle prise en charge ?
20 novembre 2024
Laurent Abel est directeur de recherche de classe exceptionnelle à l'Inserm. Il est à la tête du laboratoire international « Génétique humaine des maladies infectieuses : prédisposition complexe » à l'Institut Imagine, à Paris, et à l'Université Rockefeller, à New-York. Son parcours, ses recherches, mais aussi ses sources d'inspiration et de motivation… décryptage d'une vocation.
Avec son collègue Jean-Laurent Casanova, qui codirige à ses côtés le laboratoire sur le versant « prédisposition monogénique », il travaille depuis 35 ans sur le rôle de la génétique humaine dans la vulnérabilité aux maladies infectieuses. Ses découvertes sur l'origine génétique des formes sévères de nombreuses infections et, dernièrement, de la Covid-19, représentent un nouveau paradigme. Non seulement elles éclairent le fonctionnement du système immunitaire, mais elles offrent des perspectives inédites dans la prévention et la prise en charge de ces pathologies.
Nous ne sommes pas égaux face à l'infection par un microorganisme, qu'il soit viral, bactérien ou fongique. Notre système immunitaire est très efficace pour lutter contre les intrus et la majorité d'entre nous ne présente pas de symptôme voire des manifestations bénignes, rapidement résolues. En revanche chez certains, la rencontre avec le même agent pathogène provoque une forme sévère de l'infection. Si la pandémie de Covid-19 a récemment mis en lumière cet aspect auprès du grand public, dès la fin des années 1990 Laurent Abel et ses collègues avaient émis l'hypothèse pionnière de la piste génétique pour expliquer cette variabilité entre individus. Une allégation aujourd'hui confirmée : des anomalies génétiques entraînent des déficits immunitaires à l'origine de formes graves de maladies infectieuses.
Il faut dire que Laurent Abel et Jean-Laurent Casanova étaient voués à se rencontrer. Très tôt ils ont partagé la même vision, originale des maladies infectieuses, avec des approches complémentaires : Laurent Abel en épidémiologie génétique, à l'aide de méthodes statistiques appliquées à la génétique ; Jean-Laurent Casanova en biologie expérimentale. Leur association donne naissance, en 2000, au Laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, puis, en 2008, à un laboratoire jumeau, à l'Université Rockefeller, à New York.
Chaque année, et grâce à la générosité de donateurs, la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM) distingue des chercheurs d'exception reconnus pour leurs travaux innovants et prometteurs. Une occasion unique, pour la FRM, de mettre en lumière des scientifiques d'exception qui, en vouant leur vie à la recherche, ouvrent la voie aux thérapies de demain.
Cette année, Laurent Abel est lauréat du Grand Prix de la Fondation pour la Recherche Médicale. Créé à l'initiative de la FRM, le Grand Prix, d'un montant de 120 000 €, est décerné chaque année. Il rend hommage à une personnalité du monde scientifique de renommée internationale pour sa contribution exceptionnelle au progrès de la connaissance scientifique dans le domaine médical.
Grâce à l'évolution concomitante des techniques de séquençage du génome, ils valident leurs premières hypothèses et la thématique du laboratoire prend de l'ampleur. Laurent Abel se penche sur des cas rares et sévères de maladies provoquées par des agents infectieux pourtant très répandus, comme l'encéphalite herpétique. Le virus herpès qui en est à l'origine est en effet présent chez 90 % de la population, mais une personne sur 100 000 seulement environ développe cette forme très grave de l'infection.
Le chercheur poursuit en parallèle ses recherches sur d'autres maladies encore mal connues malgré les recherches dont elles font l'objet : la lèpre son premier objet d'étude, les hépatites virales, ou la tuberculose. Dernièrement, l'équipe a mis en évidence la première mutation génétique commune prédisposant à la tuberculose et expliquant 1 % des patients d'origine européenne.
Par ailleurs, la pandémie de Covid-19 mobilise fortement le laboratoire depuis 2020. Laurent Abel et son équipe se sont là aussi illustrés en montrant qu'environ un quart des formes sévères de la Covid-19 sont dues à des anomalies génétiques ou immunologiques. En affectant le fonctionnement des interférons alpha, molécules impliquées dans la première ligne de défense de l'organisme, ces anomalies favorisent la multiplication et la dissémination du virus Sars-Cov-2 dans l'organisme, avec la réaction inflammatoire cataclysmique qui s'ensuit.
Ainsi, l'identification de profils particuliers de vulnérabilité génétique face aux maladies infectieuses a progressivement contribué à lever le voile sur les voies complexes de notre système immunitaire. Les travaux pionniers de Laurent Abel et de son laboratoire mènent aujourd'hui à des pistes innovantes pour le traitement et la prévention des formes sévères de ces pathologies. En partenariat avec l'industrie pharmaceutique, le chercheur s'est notamment engagé dans la conception de tests de dépistage des personnes à risque de formes sévères de la Covid-19. De l'étude des populations par les biostatistiques et la modélisation mathématiques aux approches préventives et thérapeutiques innovantes, Laurent Abel a fait émerger un nouveau paradigme, celui de la vulnérabilité génétique aux infections. Et a bouleversé le point de vue sur les plus grandes maladies infectieuses.
Médecin de formation, Laurent Abel est récompensé par la Médaille d'argent de la Faculté de médecine Paris Ouest de l'Université René Descartes (Paris V) en 1988. Attiré par les biostatistiques, il prépare un doctorat en épidémiologie génétique à l'Université Paris-Sud (Paris XI). Initié par Josué Feingold, il découvre cette discipline appliquée aux maladies infectieuses. Ce sujet le passionne et il décide de consacrer sa carrière à la recherche sur la génétique des maladies infectieuses. Il débute par l'étude de la lèpre, permettant d'identifier la présence d'un gène majeur prédisposant à cette maladie dans des analyses de grandes familles vivant dans une île des Antilles françaises, la Désirade. Il développe en parallèle de nouvelles méthodes visant à optimiser ces analyses génétiques, notamment lors de son post-doctorat aux Etats-Unis.
Sa rencontre scientifique avec Jean-Laurent Casanova donne naissance, en 2000, au laboratoire « Génétique humaine des maladies infectieuses », à l'Institut Imagine à Paris. Les premiers succès les conduisent à accéder à la demande de l'Université Rockefeller, à New-York, pour y fonder un laboratoire jumeau. Depuis, les équipes françaises et américaines travaillent en commun sur tous les sujets.
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