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Autorisé aux Etats-Unis, au Japon, et plus récemment au Royaume-Uni, le lecanemab (Leqembi®) n'a pas reçu le feu vert de l'Agence européenne des médicaments (EMA) et n'est donc pas disponible aujourd'hui en France. Qu'est-ce que le lecanemab, cette molécule qui permet de réduire de 27% le déclin cognitif dans la maladie d'Alzheimer, et pourquoi l'Europe refuse-t-elle pour le moment son utilisation ?
Les réponses du Pr David Wallon, Neurologue et Directeur du Centre Mémoire, de Ressource et de Recherche, CHU de Rouen.
L'Agence Européenne du Médicament (EMA), après avoir initialement bloqué sa mise sur le marché en juillet dernier, a réévalué l'autorisation du lecanemab en Europe et notamment la balance bénéfice-risque du lecanemab (Leqembi®).
Elle a ainsi émis un avis positif pour sa mise sur le marché dans le traitement « des troubles cognitifs légers (problèmes de mémoire et de réflexion) ou de démence légère due à la maladie d'Alzheimer (maladie d'Alzheimer au stade précoce) » et « chez des patients qui n'ont qu'une seule copie du gène ApoE4 – un facteur de risque de la maladie - ou qui n'en ont aucune ». Ces patients présentent en effet un risque plus faible d’effets secondaires graves liées au traitement, impliquant des hémorragies cérébrales, que ceux en possédant deux copies.
Un premier pas prometteur pour tous les malades, leurs proches, et les soignants qui accompagnent au quotidien les patients contre cette terrible maladie.
Interview
Quelle est cette nouvelle molécule autorisée aux Etats-Unis et au Japon ?
Pr David Wallon : Le lecanemab est un anticorps anti-amyloïde qui va fixer le peptide amyloïde [NDLR : une des molécules en cause dans la maladie] et essayer de favoriser son nettoyage du cerveau. C'est un traitement issu de la recherche, qui a reçu récemment des autorisations de la part de l'agence de régulation du médicament aux États-Unis, la FDA, et la même chose également au Japon.
En Europe, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a récemment pris une position inverse et n'a pas approuvé le médicament, car elle estime que la balance entre le bénéfice et les risques n'était pas favorable. Le bénéfice étant ici la diminution du déclin cognitif, par rapport au placebo, de 27%.
Pourquoi l'Agence européenne des médicaments l'a-t-elle refusé pour le moment ?
Pr David Wallon : Parce qu’il y a tout de même des effets indésirables, qui sont connus, et qui sont bien spécifiquement liés au médicament. Ce sont des réactions qui sont déclenchées par la présence de ces anticorps. Comme ces derniers sont là pour nettoyer les dépôts amyloïdes et les emmener vers le système circulaire, vers le sang, pour être éliminés ensuite, il peut y avoir une réaction inflammatoire au niveau cérébral. Ce qui va fragiliser la paroi des vaisseaux et provoquer, le plus souvent, des micro-saignements. Parfois, lorsque c'est plus grave, des hématomes.
L’élément important, c'est de savoir à quelle fréquence cela survient. Les réactions inflammatoires ou les micro-saignements ne sont pas rares du tout. Dans certaines sous-catégories de patients, cela peut concerner jusqu'à 30 % d’entre eux. Mais au global, seuls 10 à 15 % des patients font ces réactions. En revanche, elles sont dans 95 à 99 % des cas asymptomatiques, c'est-à-dire qu’il n’y a pas le moindre symptôme et elles sont seulement diagnostiquées grâce à l'IRM qui est fait dans le suivi.
L'agence qui régule les médicaments aux États-Unis, la FDA, a estimé que la balance bénéfice-risque était en faveur du traitement, et ce d'autant plus qu'il n'y a pas d'alternative et que c'est quelque chose qui est très attendu par les familles et les patients. En Europe, pour l'instant, l'EMA a répondu que la balance bénéfice-risque n'était pas favorable, et en l'état actuel des données, a préféré ne pas approuver le médicament, qui n’est donc pour le moment toujours pas disponible en Europe.
L'Agence européenne des médicaments pourrait-elle revenir sur ce refus ?
Pr David Wallon : Ce qui pourrait changer, par exemple, ce sont des données complémentaires. Ces 27 % ont été évalués sur 18 mois. Mais nous allons avoir des données d'extension. D’une part, parce que le plus souvent, dans un essai clinique et une fois celui-ci terminé, on propose aux patients qui ont participé de continuer à être traités. Ce qui permet d’avoir des données qui s'accumulent au-delà des 18 mois, même si c’était au départ l’objectif fixé. En d’autre part, puisque le médicament est aujourd’hui disponible aux États-Unis et au Japon [NDLR : et depuis également en Royaume-Uni, en Israël et en Corée du Sud], nous allons avoir des données en vie réelle : des données de patients réellement traités, qui n’ont pas été sélectionnés par les essais.
Alors, il va être possible de savoir s’il y a plus ou moins de problèmes, si le médicament est bien ou mal toléré, etc. Toutes ces données, le laboratoire va les recueillir pour conforter un dossier de soumission ou un dossier d'appel. Ce qu'on espère, c'est qu’une fois qu'ils vont pouvoir soumettre ces nouvelles données, peut-être qu’une décision différente sera prise.
Parce que très concrètement à l'heure actuelle, nous, on est toujours bloqués depuis 25 ans, avec une stratégie thérapeutique qui existe depuis longtemps…
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