11e Marche des Roses contre le cancer du sein
13 décembre 2024
Les avancées de la recherche sur la maladie d'Alzheimer ces derniers mois devraient marquer un tournant pour les patients : deux immunothérapies autorisées aux Etats-Unis, des données en faveur d'une prévention possible des troubles cognitifs, plusieurs biomarqueurs sanguins Ces progrès considérables sont le fruit de nombreuses années de recherche. La FRM a réuni 4 experts du domaine qui ont décrypté pour nous l'actualité et nous ont fait part des pistes les plus prometteuses.
Dr Julien Lagarde, neurologue dans le service de Neurologie de la mémoire et du langage, GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences, Hôpital Sainte-Anne, Paris, et chercheur dans le laboratoire BioMaps à Orsay.
Cécilia Samieri, directrice de recherche Inserm, épidémiologiste au Centre de Recherche en Santé Publique de Bordeaux.
Luc Buée, directeur de recherche CNRS, directeur du Centre Inserm Lille Neuroscience et Cognition au CHU de Lille.
Gilles Bonvento, directeur de recherche Inserm, directeur du laboratoire des maladies neurodégénératives, au CEA de Fontenay-aux-Roses.
Les experts sont unanimes, la mise sur le marché récente aux Etats-Unis de deux immunothérapies ainsi que les résultats positifs d'une 3ème molécule représentent les plus grandes avancées que la clinique ait connu ces 20 dernières années.
« Malgré les nombreux échecs des essais thérapeutiques précédents, les chercheurs ne se sont jamais découragés ! constate Julien Lagarde. Concernant les 2 immunothérapies commercialisées, l'aducanumab et le lecanumab, « leur effet biologique sur les plaques amyloïdes, des lésions cérébrales observées chez les patients, est indiscutable. En revanche, leur efficacité sur les symptômes est plus limitée même si, d'après l'étude publiée récemment, celle du lecanemab semblerait un peu plus convaincante. ». Une demande d'autorisation auprès de l'agence américaine du médicament, la FDA, est en cours pour le donanemab, qui montre également un ralentissement du déclin cognitif et fonctionnel chez les patients.
Les effets secondaires sont fréquents mais le plus souvent asymptomatiques. Il s'agit principalement des ARIA (anomalies d'imagerie liées à l'amyloïde), qui peuvent être de type œdémateux ou hémorragique. Pour les chercheurs il reste à les expliquer en détails et à identifier les patients chez qui ces immunothérapies seront le plus efficaces, en limitant au maximum les risques.
A noter que le lecanemab est soumis à l'Agence Européenne du Médicament.
La prise en charge ne pourra pas se limiter à ces immunothérapies ciblant l'amyloïde ou même la protéine Tau, elles seront nécessairement combinées à d'autres traitements, visant notamment à moduler l'inflammation cérébrale.
Les études récentes sur les mécanismes biologiques de la maladie d'Alzheimer montrent une contribution très importante de l'inflammation, via les cellules gliales, les cellules de soutien des neurones. « Ce champ d'investigation a toute son importance, explique Gilles Bonvento, puisque 50 % du cerveau est constitué de ces cellules, l'autre moitié de neurones. Les cellules gliales jouent un rôle à différents niveaux de la physiopathologie de la maladie d'Alzheimer, comme la neuro-inflammation et les dérégulations du métabolisme énergétique. » Ces recherches permettront à la fois d'identifier des cibles thérapeutiques pour notamment moduler l'inflammation, et de trouver des nouveaux biomarqueurs de la maladie.
Luc Buée se réjouit d'une autre piste prometteuse : « Un oligonucléotide antisens [NDLR : molécule d'ARN de synthèse] montre une véritable diminution, voire une réversion, des lésions cérébrales liées à la protéine Tau, en phase 1 d'essai clinique. L'étude n'a inclus que 12 patients mais c'est encourageant. »
De nombreuses publications scientifiques ont récemment montré que l'utilisation de biomarqueurs sanguins pour le diagnostic et le pronostic de la maladie d'Alzheimer se rapproche d'une application clinique.
« Ce n'est pas encore transférable en clinique, mais à mon sens, on n'en est plus très loin, peut-être en combinaison avec d'autres marqueurs de la neurodégénérescence, rapporte Cécilia Samieri. Ces biomarqueurs sont surtout étudiés dans des cohortes, c'est-à-dire dans des populations à un âge donné et avec des caractéristiques particulières. Ils doivent être validés à l'échelle de la population générale pour être sûr de leur sensibilité et de leur spécificité, ce qui demande un énorme travail. »
Gilles Bonvento confirme mais modère les résultats publiés : « Une des difficultés sera de s'assurer qu'ils sont bien spécifiques de la maladie d'Alzheimer et pas d'autres maladies neurodégénératives, et de standardiser les mesures car ils sont en général très peu concentrés. En tout cas, on est bien loin de poser un diagnostic certain via un dosage sanguin, mais il est clair que ce sera un élément supplémentaire clé à disposition des cliniciens pour suivre la maladie et faciliter le développement de la médecine de précision. »
Nutrition, activité physique, richesse du réseau social de nombreuses données statistiques suggèrent que c'est en agissant sur un ensemble de facteurs que l'on réussira à ralentir au maximum l'évolution des troubles cognitifs, dont ceux rencontrés au cours de la maladie d'Alzheimer.
« Les études de cohorte montrent que la prévention est efficace mais rien n'est encore prouvé au niveau population générale, sauf pour la santé cardiovasculaire », précise Cécilia Samieri. Il est en effet établi que préserver sa santé cardiovasculaire dès 40 ans, et même avant, protège le cerveau, mais les mécanismes ne sont pas compris. « Un essai clinique de phase 3 est en cours en France pour évaluer l'effet préventif de la supplémentation en caféine, explique Luc Buée. Elle est en effet très importante dans l'apprentissage et la mémoire. »
Au même titre que la médecine de précision, pourrons-nous établir une prévention de précision ? « Nous nous demandons si une seule stratégie de prévention peut être valable pour toute la population ou si telle ou telle stratégie serait plus efficace sur certains sous-groupes de personnes, précise Cécilia Samieri. C'est vraiment un problème tentaculaire que l'on est en passe de résoudre grâce aux avancées de l'épidémiologie moléculaire, qui permet de caractériser les expositions des individus avec une précision inégalée tout en faisant le lien avec le génome. »
De nombreuses recherches sont en cours pour comprendre comment ces facteurs de prévention influencent le développement de la maladie, ce de façon précoce, pour essayer de comprendre et d'identifier les mécanismes qui sont à l'origine du ralentissement de l'évolution des symptômes.
« On sait que des altérations métaboliques apparaissent dans le cerveau des dizaines d'années avant l'apparition des symptômes, et il est fort probable que les facteurs environnementaux au sens large jouent sur ces mécanismes de manière précoce », précise Cécilia Samieri. Les chercheurs s'interrogent également sur d'éventuelles interactions entre ces facteurs environnementaux et certains facteurs génétiques qui modulent le risque de maladie d'Alzheimer, notamment le plus connu APOE. « Chez les personnes de 40-50 ans porteuses du facteur de risque APOE4, il semblerait qu'une supplémentation en omega 3 à longue chaîne soit associée à une réduction des marqueurs de vieillissement cérébral. Et de manière surprenante, avoir un mode de vie sain ralentirait même le déclin cognitif chez les personnes à risque génétique élevé de maladie d'Alzheimer. C'est un véritable message d'espoir ! », conclut Cécilia Samieri.
A l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la maladie d’Alzheimer, le 21 septembre, la FRM organise depuis 6 ans sa campagne de mobilisation nationale afin de faire avancer plus fortement la recherche médicale française sur la maladie.
Personnalités, chercheurs, personnes concernées par la maladie ont rejoint notre mobilisation.
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