Comment la maladie de Verneuil est-elle prise en charge ?
20 novembre 2024
Atteintes d'endométriose, deux femmes nous racontent : leur errance diagnostique, leur prise en charge, mais aussi, leurs espoirs en la recherche.
« Sportive de haut niveau, je n'ai été réglée quetardivement, à l'âge de 17 ans. Dès le premier cycle j'ai commencé à souffrirle martyr, au point de ne pas pouvoir sortir de chez moi et de rester clouée aulit de douleur. On m'a alors mise sous pilule, ce qui ne m'a pas soulagée, etj'ai continué à subir ces douleurs, pendant mes règles et en dehors, jusqu'àmes 30 ans. C'est à cet âge que j'ai déménagé, ce qui m'a contrainte à changerde gynécologue. Dès le premier examen, ce dernier m'a diagnostiqué une endométriose,que les échographies et autres médecins n'avaient jamais vue en 13 ans.
Depuis, j'ai déjà subi deux opérations chirurgicales,une troisième devrait bientôt être de nouveau nécessaire. Les traitementshormonaux qui me sont prescrits sont très lourds. Qu'il s'agisse de médicamentsoraux ou d'injections, ils entraînent des effets secondaires trèspénibles : troubles de l'humeur, prise de poids, fatigue intense. J'ai eula chance inouïe de tomber enceinte naturellement, au moment même où j'allais abandonnerl'idée d'avoir un jour un enfant puisque mon centre de PMA venait de m'annoncerque je n'avais plus d'ovocytes et que ma dernière option était d'avoir recoursà un don.
Le plus difficile à vivre dans cette maladie trèshandicapante, c'est qu'elle est invisible.
Je fais partie des familles que le Dr Carole Abo étudie pour explorer les pistes génétiques de la maladie_. Ma sœur souffre elleaussi d'endométriose, et l'on pense que ma mère et ma tante en ont souffertégalement, même si elles n'ont jamais été diagnostiquées._
J'espère que la recherche trouvera enfin un moyen deguérir cette maladie qui, dans ses mécanismes d'évolution et du fait de sonincurabilité, est vraiment comme un cancer, mais dont on ne meurt pas. »
Nathalie, 39 ans
« Ma sœur cadette, aujourd'huiâgée de 29 ans, est atteinte d'endométriose profonde depuis de nombreusesannées. Entre sa puberté et la découverte de cette maladie, elle a vécu un calvaire,avec des douleurs lombaires si fortes qu'à partir de l'âge de 22 ans, elle a dûs'aider d'une canne pour marcher. Pour elle, le diagnostic a été posé il y aquatre ans seulement. Opérée en urgence, elle a depuis été opérée deux autresfois, des opérations très lourdes qui laissent des traces au niveau digestif etreproductif. Elle ne pourra pas avoir d'enfant naturellement et suit un difficileparcours de PMA depuis quatre ans.
J'ai eu la chance, entreguillemets, d'un parcours plus facile. Une puberté normale et peu de symptômes,certainement atténués par la pilule contraceptive qui m'a été prescrite dèsl'âge de 16 ans. Je l'ai arrêtée à 30 ans, pendant près de deux ans. C'est durantcette période que les symptômes se sont manifestés, entraînant des douleursd'une intensité que je n'avais jamais connue. C'est alors ma sœur qui a insistépour que je me fasse dépister à mon tour, sachant qu'une femme dont la mère ou la sœur est atteinte a unrisque 6 fois plus élevé d'être touchée elle aussi.
Ensuite, il m'a fallu attendrede longs mois avant d'avoir un diagnostic, entre les échographes et lesgynécologues qui ne voyaient rien, et les délais de rendez-vous avec lesspécialistes qui peuvent être très longs. J'ai fini par trouver, mais comme denombreuses femmes confrontées à l'endométriose, j'ai dû me débrouiller touteseule pour m'orienter.
Aujourd'hui, je fais l'objetd'une prise en charge pluridisciplinaire. Je suis accompagnée par unegynécologue, une spécialiste de la douleur, un radiologue, une nutritionniste etd'autres spécialistes en médecines complémentaires. La surveillance et le suivisont très réguliers, au minimum tous les six mois. L'objectif principal étantd'essayer d'éviter une opération. Jusqu'à maintenant, les traitements (principalementla pilule contraceptive en continu) ont pu freiner l'évolution de la maladie etdes lésions principales, même si la maîtrise des kystes est plus compliquée parcequ'ils peuvent parfois continuer à grossir et à évoluer malgré les traitements.
Outre ce suivi qui n'est passans conséquence sur ma vie, je m'estime assez chanceuse. J'ai réussi àapprendre à vivre avec cette maladie et je fais tout ce que je peux pouressayer d'en réduire autant que possible ses impacts. Je refuse que l'endométrioseme définisse et qu'elle m'empêche de mener à bien ma vie personnelle ouprofessionnelle.
Ce qui m'interroge de plus enplus, étant donné mon âge, ce sont les conséquences que celle-ci peut avoir surma fertilité. Aujourd'hui, les médecins ne sont pas capables de prédire si celaposera ou non souci, dans la mesure où je n'ai encore jamais été dans un projetde grossesse. Commence donc à se poser la question de la préservation de mafertilité, et donc notamment de la congélation de mes ovocytes. Je ne sais passi je le ferai car cela suppose des traitements hormonaux lourds et trèscontraignants, qui peuvent aussi aggraver l'endométriose.
Toute ma famille participe au_projet de recherche du Dr Abo. Ma mère, mon père, ma sœur et moi. La génétiquede notre famille est étudiée comme celle des autres familles de la cohortepour, je l'espère, pouvoir en tirer des conclusions. J'espère que cela permettrade mettre en lumière des éventuels facteurs héréditaires de la maladie entresœurs, cousines, mères-filles. Plus on pourra prendre en charge les patientestôt, grâce à ces potentielles prédispositions, plus on pourra essayer deréduire les conséquences de cette maladie sur la vie des femmes qui en sontatteintes._ »
Stéphanie Chézeaux, 34 ans