Maladies pulmonaires inflammatoires : développer des médicaments capables de traverser le mucus pulmonaire
Le point de vue de l'expertAsthme : dérèglement climatique, nouveaux traitements et enjeux de la recherche, avec le Pr Taillé
Il est aujourd’hui établi que les changements climatiques entraînent des répercussions sur la santé, notamment sur les pathologies pulmonaires, comme l’asthme. En quoi la qualité de l'air influe-t-elle sur l'asthme ? Quelle en est la prise en charge aujourd'hui ? Quels sont les enjeux que la recherche médicale doit encore relever ? Les réponses du Pr Taillé, pneumologue et responsable du centre l'asthme de l'hôpital Bichat (Paris).
L'asthme en chiffres
L’asthme touche environ 4 millions de personnes en France, selon l’Inserm. Au cours de la vie, on estime que 10 à 12 % de la population a, a eu ou aura de l’asthme, toujours d’après l’Inserm.
L’asthme sévère concerne environ 5 % des patients et est associé à plus de 60 000 hospitalisations et à près de 900 décès par an.
L’Organisation mondiale de la Santé a recensé environ 455 000 décès liés à l’asthme dans le monde en 2019, et a évalué à 262 millions le nombre de personnes atteintes.
Qu'est-ce que l'asthme ?
L’asthme est une pathologie inflammatoire qui touche les bronches, les conduits impliqués dans le transit de l’air vers les poumons. Les bronches peuvent mal réagir à certains stimuli. Conséquence : leur paroi s’enflamme vivement. À la suite de cette inflammation, deux mécanismes se mettent en place : la paroi bronchique se contracte et un mucus épais est sécrété. Ces phénomènes induisent un mauvais passage de l’air vers les poumons : c’est la crise d’asthme.
On comprend alors mieux les symptômes de cette crise, caractérisée le plus souvent par une respiration sifflante, une gêne respiratoire, une toux sèche ou encore une sensation d’oppression thoracique très souvent angoissante. L’asthme est une pathologie chronique. En dehors des crises, les bronches restent sensibles et inflammatoires.
On distingue deux types d’asthme : - Les asthmes allergiques (70 % des cas). L’origine des crises est liée à un allergène (pollen, acariens, animaux…). - Les asthmes non allergiques (qui semblent apparaître plus tardivement, chez l’adulte) : l’origine des crises n’est pas liée à un allergène.
Quels sont les facteurs déclenchant la crise d'asthme ?
De nombreux facteurs peuvent être à l’origine d’une crise d’asthme, notamment allergique : acariens, pollen, poussière, pollution atmosphérique, fumée du tabac, certains médicaments ou certains aliments, virus et autres agents infectieux…
A noter, l’asthme résulte de l’association de facteurs environnementaux et d’une prédisposition génétique.
Il existerait en effet une composante génétique à l’asthme, les parents qui ont un terrain allergique ont plus de risque d’avoir un enfant atteint par la maladie.
Comment diagnostique-t-on l'asthme ?
C’est l’examen par le médecin généraliste qui peut amener sur la piste de l’asthme.
Ainsi, des symptômes évocateurs comme une toux à l’effort, des réveils nocturnes, une symptomatologie se déclenchant en présence de certains composés ou encore une oppression thoracique pourront orienter le diagnostic.
Le praticien pourra également rechercher une notion de terrain familial, la présence de rhumes à répétition (comme un « rhume des foins », une maladie souvent associée à l’asthme).
Plusieurs examens peuvent également être réalisés. Classiquement, le patient passe des épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) qui visent à mettre en évidence l’obstruction des bronches en mesurant les volumes et débits pulmonaires. Comparées à des valeurs de références, ces mesures sont le reflet de l’atteinte respiratoire. Une radiographie pulmonaire peut aussi être prescrite afin d’éliminer certaines causes possibles des difficultés respiratoires.
Quel est le traitement de l'asthme ?
La prise en charge de l’asthme passe par un contrôle de la maladie, pendant mais aussi en dehors des crises. Tout d’abord le patient est invité à réduire au maximum ses contacts avec les agents irritants ou avec les éventuels allergènes à l’origine de ses crises.
Dans ce dernier cas une désensibilisation à l’agent allergène incriminé peut être proposée, elle consiste à induire peu à peu une tolérance de l’organisme face à ce facteur.
Concernant les thérapies médicamenteuses, on distingue les traitements de fond des traitements de la crise.
Les traitements de fond visent à réduire les symptômes au quotidien, à normaliser au maximum la capacité respiratoire et à empêcher la survenue des crises ou à en réduire la gravité. Les plus couramment utilisés sont les corticoïdes inhalés et les bronchodilatateurs d’action lente. On peut également citer l’apparition récente sur le marché d’une classe de molécules, les « antagonistes des récepteurs des leucotriènes ».
En cas de crise, on peut avoir recours aux bronchodilatateurs dits « d’action rapide » qui permettent de rétablir rapidement le passage de l’air.
Enfin, en cas d’échec de ces approches, de nouveaux traitements sont apparus pour les asthmes très sévères : les biothérapies. Ils visent à supprimer spécifiquement la réaction inflammatoire, et auraient donc un intérêt dans le traitement de l’asthme. Plusieurs molécules sont actuellement sur le marché.
Zoom surAsthme et changement climatique
Il est aujourd’hui établi que les changements climatiques entraînent des répercussions sur la santé, notamment sur les pathologies pulmonaires, comme l’asthme. Plusieurs effets ont ainsi été mis en évidence au cours de cette dernière pathologie.
En général, les symptômes de l’asthme peuvent être majorés en cas de fortes chaleurs ou, au contraire, de grands froids. A côté de cela, l’augmentation de l’humidité à la suite de fortes précipitations importantes peut aussi favoriser le développement de moisissures dans l’air, elles-mêmes facteur de sévérité dans l’asthme.
Dans l’asthme allergique, les hausses de températures entrainent des périodes de pollinisation plus précoces, mais aussi plus longues. Les pollens sont également relargués en quantités plus importantes ; cela rendrait certains d’entre eux plus allergisants, comme ceux du bouleau et d’ambroisie.
Les orages auraient aussi un impact sur la survenue de crises d’asthme. Ce phénomène serait notamment lié, selon une étude de 2018, à un mécanisme d’éclatement des grains de pollens en plus petites particules, qui se diffusent plus facilement dans l’environnement grâce aux rafales de vent. S’y ajouterait une plus grande pénétration de ces particules dans les poumons, favorisant la crise.
Le changement climatique induit aussi une hausse de certains polluants atmosphériques, qui augmenteraient aussi le pouvoir allergènes des pollens.
Autant de facteurs qui favoriseraient l’émergence et la sévérité des crises.
Quelles sont les axes de recherche sur l'asthme ?
Tout d’abord, il s’agit de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents de la pathologie, et de mieux dissocier les différents types d’asthme. Un gage pour dégager de nouvelles pistes thérapeutiques dans la maladie.
La recherche des liens entre asthme et climat constitue également une voie suivie par les chercheurs : il s’agit d’explorer les effets des changements du climat sur l’évolution et le développement de l’asthme, comme expliqué plus haut. Les chercheurs s’intéressent aussi à l’effet du microbiote intestinal et au retentissement sur la maladie de ses perturbations.
Des vaccins sont aussi en cours de développement pour prendre en charge l’asthme, notamment l’asthme allergique. Il s’agit ici de neutraliser certaines molécules impliquées dans la réaction inflammatoire, empêchant du même coup la survenue de la crise.
Enfin, autre thérapie d’avenir de la pathologie actuellement à l’essai : la thermoplastie bronchique. Elle est destinée aux asthmatiques très sévères (résistants à tous traitements) qui présentent un épaississement de leurs parois bronchiques lié à la pathologie. Les praticiens glissent par fibroscopie une sonde dans l’arbre bronchique sous anesthésie générale. La sonde est capable de délivrer des impulsions de chaleur, brûlant les cellules musculaires de la paroi bronchique en vue de la désépaissir. La thermoplastie bronchique offre des résultats prometteurs dans le cadre de l’asthme sévère résistant aux médicaments. Son indication pourrait être élargie aux autres formes d’asthme moins sévères.
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