Tout savoir sur la résistance aux traitements anticancers

Le principal facteur limitant de la guérison

Tous les experts s'accordent sur ce point : les résistances aux traitements constituent aujourd'hui le principal facteur limitant la guérison des patients atteints de cancer. Et pourtant, l'arsenal thérapeutique n'a jamais été aussi développé : la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie bien sûr, complétés depuis quelques années par de nouvelles armes comme les thérapies ciblées et l'immunothérapie qui ont permis de remporter de nouveaux succès contre le cancer. Oui, mais voilà, tout comme certaines bactéries sont douées de mécanismes de résistance aux antibiotiques - et ce phénomène pose un problème majeur de santé publique à l'échelle mondiale -, les cellules cancéreuses peuvent elles aussi, à leur façon, être résistantes aux traitements. Et ce, dès les premières étapes de la cancérisation, on parle alors de résistance primaire, ou bien elles peuvent acquérir cette capacité au fur et à mesure des traitements mis en place, il s'agit alors de résistance secondaire.

La notion d'efficacité des traitements

Lorsqu'on s'intéresse à l'efficacité d'un traitement anticancer, deux paramètres sont à prendre en compte : le taux de réponse à un traitement, c'est-à-dire la diminution de taille de plus de 30 % d'une tumeur, et la survie sans progression, le temps pendant lequel on obtient un taux de réponse satisfaisant. Or, toutes les tumeurs ne réagissent pas de la même façon aux différents traitements. Et parfois, alors qu'on ne voit plus rien à l'imagerie médicale par exemple, il peut rester quelques cellules cancéreuses qui ont résisté et qui pourront se réveiller des années plus tard et donner lieu à une récidive. Comprendre ces résistances, et comment elles influent sur les taux de réponse aux anticancéreux et sur la survie sans progression, est aujourd'hui l'un des enjeux majeurs de la cancérologie moderne.

Hétérogénéité tumorale et pression de sélection

Le phénomène de résistance primaire

Une tumeur cancéreuse n'est pas un amas de cellules identiques. Bien au contraire, elle est constituée d'une mosaïque de cellules aux caractéristiques moléculaires différentes, qui évolue dans le temps et dans l'espace : on parle d'hétérogénéité intratumorale, une propriété de la tumeur qui a de lourdes conséquences sur l'efficacité des traitements. Prenons une tumeur quelconque, au sein de laquelle existe par exemple une sous-population de cellules présentant un gène de résistance à la chimiothérapie. Lorsque le traitement va être mis en œuvre, ces cellules particulières vont avoir un avantage sélectif par rapport aux autres. Et à l'instar du processus darwinien de sélection naturelle où les plus adaptés survivent, seules ces cellules cancéreuses résistantes à la chimiothérapie vont perdurer après le traitement et donc avoir toute liberté pour se multiplier. Il s'agit du phénomène de résistance primaire.

La notion de résistance secondaire

Un tel échappement au traitement peut aussi s'observer à cause d'une résistance secondaire. En effet, le génome des cellules cancéreuses a une capacité accrue à muter. Ces cellules peuvent donc acquérir très rapidement de nouvelles caractéristiques qui peuvent éventuellement leur donner un avantage en cours de traitement.

Par ailleurs, une autre sélection peut s'opérer, de type « lamarckienne » cette fois. Dans ce cas, c'est le traitement lui-même qui provoque l'apparition de caractéristiques favorisant la résistance des cellules cancéreuses. Et cela passe le plus souvent par des mécanismes épigénétiques : ce n'est pas la séquence même des gènes des cellules cancéreuses qui est affectée, mais seulement la façon dont ils s'expriment.

Pour contrer ces phénomènes de résistance innée ou acquise, la plupart des traitements anticancéreux s'envisagent désormais en combinaison, afin de cibler plusieurs mécanismes en même temps ou successivement. Les chercheurs tentent aussi de découvrir des biomarqueurs, des molécules biologiques que l'on peut doser, qui permettent de connaître et de suivre dans le temps l'apparition de ces résistances.

Lutter contre l'échappement au système immunitaire

Il existe une surveillance naturelle du système immunitaire, qui théoriquement détecte et élimine toute cellule anormale. Mais certaines cellules échappent à cette surveillance et forment une tumeur. En cause notamment, la présence à la surface des cellules cancéreuses de molécules qui inhibent les lymphocytes, les cellules tueuses du système immunitaire. Pour contrer ce phénomène, des immunothérapies ont été mises au point ces dernières années, et ont permis de grands progrès notamment dans la prise en charge des cancers du poumon et des mélanomes. Il s'agit de médicaments anti-checkpoints : ils empêchent les cellules cancéreuses d'inhiber le système immunitaire. Malheureusement ils ne fonctionnent pas chez tous les patients : certaines tumeurs ne sont pas sensibles aux anti-check-points. Dans d'autres cas, on peut être face à des cellules cancéreuses qui présentent très peu d'antigènes spécifiques, elles ne sont donc tout simplement pas reconnues comme anormales par le système immunitaire.

Pour contourner ces résistances aux immunothérapies, il faut s'assurer de sélectionner les « bons » patients : ceux dont le système immunitaire est capable de reconnaître les cellules cancéreuses et d'être stimulé par des médicaments. Là aussi, l'enjeu pour les chercheurs est donc de prédire la sensibilité des cancers aux immunothérapies pour les utiliser à bon escient.

Cibler les cellules dormantes

Les avancées récentes dans le domaine de la cancérologie ont démontré l'existence des cellules souches cancéreuses, qui possèdent des caractéristiques associées aux cellules souches normales. Ce sont des cellules qui au sein d'une tumeur ont la particularité de se diviser très peu et très lentement, elles sont donc peu voire pas du tout sensibles à la chimiothérapie et la radiothérapie. Mais elles sont aussi capables de se « réveiller » même après un temps de latence important et d'acquérir une capacité de multiplication et dévolution rapide comme n'importe quelle cellule cancéreuse classique.

L'une des pistes pour éradiquer ces cellules particulières, et éviter ainsi qu'elles soient à l'origine de métastases ou d'une récidive, serait de les empêcher d'entrer en dormance ou de les forcer à en sortir pour pouvoir les traiter plus facilement. Le problème c'est que ces cellules sont rares et difficiles à isoler.

Aujourd'hui, la combinaison et la personnalisation des traitements sont les pistes les plus prometteuses pour gagner en puissance contre le cancer, elles passent notamment par le repérage des résistances, que ce soit au début, mais aussi tout au long de la prise en charge.

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