Impact des épisodes extrêmes sur la santé : quand le climat s’emballe, la santé trinque

Canicules, inondations, incendies, sécheresses, tempêtes… Les événements climatiques extrêmes n’épargnent aucune région dans le monde.

Ils sont même devenus de plus en plus fréquents et de plus en plus violents à cause du changement climatique que nous vivons actuellement.

Or ces situations extrêmes ne sont pas sans effets sur notre santé physique aussi bien que mentale. Identifier ces conséquences et les comprendre, c’est pouvoir mieux s’y préparer, voire les empêcher, en mettant en place des actions de prévention ciblées.

Quelques chiffres sur le changement climatique et la santé

En 2023, sur les 26 événements climatiques extrêmes répertoriés à travers le monde, 23 étaient liés au changement climatique d’origine humaine, selon le Consortium européen de recherche XAIDA.

En France, les épisodes de canicule survenus entre 2014 et 2022 seraient à l’origine de près de 33 000 décès, d’après Santé publique France.

Une prise de conscience collective

En août 2003, l’Europe connaît une vague de chaleur exceptionnelle par sa durée, son intensité et son extension géographique. En France, selon un rapport de l’Inserm, cette canicule est à l’origine de « 15 000 décès supplémentaires par rapport à la mortalité habituelle à cette période ». Un chiffre qui va brutalement ouvrir les consciences : météo et santé sont intimement liées.

Vingt ans plus tard, l’humanité sait qu’elle fait désormais face au bouleversement climatique le plus important et le plus rapide qu’elle ait jamais connu. Les événements climatiques extrêmes se multiplient, entraînant avec eux son lot de conséquences sur la santé des populations. De nouveaux thèmes de recherche sur lesquels médecins et épidémiologistes travaillent en lien avec les spécialistes du climat.

Des liens entre climat et météo

La température moyenne actuelle du globe a augmenté de 1,4 °C par rapport à l’ère préindustrielle. L’année 2023 a même battu tous les records ! Principale cause de cette évolution brutale, les gaz à effet de serre émis par les activités humaines, au premier rang desquels le dioxyde de carbone.

Parallèlement, on observe une hausse des événements climatiques extrêmes. En France métropolitaine, un rapport de l’Observatoire national des effets du réchauffement climatique publié en 2018 signale que, depuis 1947, « l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur est sans équivoque » ; « on observe également une augmentation en fréquence et en intensité des sécheresses » ; « pour ce qui concerne l’évolution du risque de feux de forêts et de broussailles, on constate une hausse marquée de l’Indice feu météo (IFM) moyen de 18 % sur la période 1958-2008 » ; enfin, « l’amplitude des pluies journalières les plus fortes sur le pourtour méditerranéen [les événements cévenols, ndlr] a augmenté de 20 % environ entre 1960 et aujourd’hui ». Ce rapport ajoute aussi que « pris de manière indépendante, aucun événement climatique ne peut être attribué en tant que tel au changement climatique. Toutefois, les travaux de recherche établissent que le changement climatique augmente la probabilité d’occurrence de certains aléas ».

L’impact des canicules

Le coup de chaleur

Lors d’une canicule, les seniors sont les plus fragilisés, mais tous les organismes sont concernés. « Le risque le plus immédiat, c’est le coup de chaleur, explique Karine Laaidi, chargée de projet Climat & santé à Santé publique France. Quand la température corporelle dépasse les 40 °C de façon durable, cela provoque des malaises, nausées, vertiges… et, dans les cas extrêmes, le décès chez des personnes très exposées, comme les travailleurs du secteur du bâtiment ou les agriculteurs. »


Une augmentation du risque de déshydratation

Il y a aussi un risque important de déshydratation, surtout chez les personnes âgées et les plus jeunes enfants, qui ressentent moins la soif ou ne peuvent boire seuls. Avec, pour conséquence, une diminution de la vigilance et des capacités cognitives, augmentant ainsi le risque d’accidents domestiques.


Des effets sur les pathologies chroniques

Par ailleurs, la canicule « a des effets sur certaines maladies chroniques, notamment les pathologies cardiovasculaires, rénales ou pulmonaires », ajoute Karine Laaidi. Dans ce cas, le risque majeur, c’est la décompensation, c’est-à-dire l’augmentation soudaine et importante des symptômes. La canicule n’est alors pas la cause directe du décès, mais elle le précipite.

« Depuis 2023, grâce à de nouveaux modèles d’étude, nous sommes capables de distinguer les décès attribuables à la chaleur, explique l’épidémiologiste. Nous comprenons aussi mieux l’influence de la durée et de l’intensité d’une canicule. » De quoi adapter les campagnes de prévention selon les risques et les populations ciblées. Dès cette année, celles-ci devraient d’ailleurs évoluer en France : « Nous allons communiquer plus en amont et de façon plus générale. »

Inondations et incendies : la santé en danger

Le risque des inondations

Si les canicules retiennent l’attention, la France connaît d’autres événements majeurs.

Lors d’une inondation, il y a bien sûr les décès directs liés à des comportements à risques. Mais d’autres menaces pèsent sur les organismes : « En France, le risque principal, c’est le débordement des égouts et des stations d’épuration, qui peut conduire à une contamination du réseau d’eau ou de zones d’aquaculture et d’agriculture, explique Roger Frutos, directeur de recherche au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, sous nos latitudes, les inondations ne favorisent pas le développement des moustiques et donc le risque de maladies vectorielles. »

En revanche, ce qui a pu être observé par le passé, c’est le développement d’affections respiratoires, notamment chez les plus fragiles, comme les enfants et les personnes ayant une prédisposition à développer des maladies respiratoires.

En effet, l’humidité résiduelle qui perdure dans les bâtiments favorise le développement de moisissures et donc de certaines formes d’allergies respiratoires ou d’aspergillose.


Les incendies et les pathologies chroniques

Notre santé respiratoire peut aussi être affectée par des incendies majeurs. En 2022, la France a été marquée par des feux « hors normes » par leur intensité, leur durée et le nombre de régions touchées. Plus de 66 000 hectares ont été ravagés des Landes à la Bretagne en passant par le Jura.

Les effets sur la qualité de l’air sont importants, avec des conséquences sur la santé : la fumée irrite les bronches et exacerbe des maladies comme l’asthme ou la bronchopneumopathie chronique obstructive (ou BPCO). Des études récentes menées aux États-Unis après les incendies massifs de Californie montrent également que la fumée peut entraîner une exacerbation des pathologies cardiovasculaires, à l’instar de la pollution atmosphérique. Ces effets peuvent se faire ressentir jusqu’à des centaines de kilomètres.

En collaboration avec l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) et la plateforme nationale de prévision de la qualité de l’air Prev’air, des chercheurs du CNRS ont mis au point des modèles permettant de prévoir la dispersion des nuages de fumée et donc mieux anticiper les risques.

Ne pas négliger la santé mentale

Dans son 6e rapport publié en 2022, le GIEC a rappelé que les événements climatiques extrêmes peuvent aussi avoir un impact sur la santé mentale. « Il y a un effet direct entre l’exposition à un incendie, une tempête ou une inondation et l’augmentation du niveau de stress, qui peut notamment exacerber une maladie psychiatrique préexistante, explique le Pr Antoine Pelissolo, psychiatre et chef de service au CHU Henri Mondor (AP-HP, Créteil). Il existe également un risque à plus long terme, qui peut aussi concerner les personnes en bonne santé : le stress post-traumatique. » D’où l’intérêt des cellules de prise en charge psychologique dépêchées sur place lors de tels événements, « mais il ne faut pas négliger le suivi à long terme des personnes touchées », insiste le psychiatre.

Ainsi, l’urgence liée à un événement climatique, ne doit pas faire perdre de vue les conséquences à moyen et long terme sur la santé des populations, qu’elle soit physique ou mentale.

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