Infections nosocomiales : identifier de nouvelles thérapies contre Pseudomonas aeruginosa
Les infections nosocomiales, contractées dans les établissements de santé, concernent 1 patient sur 20 en France et provoquent 4 000 décès chaque année. Ces infections sont souvent dues à des bactéries comme Escherichia coli ou Staphylococcus aureus. Elles touchent principalement les voies urinaires, les voies respiratoires, les voies opératoires et le sang. Traitées par des antibiotiques, elles posent des défis face à la résistance bactérienne.
La recherche explore de nouvelles molécules pour contourner cette résistance, ainsi que des innovations telles que l’asepsie renforcée et les surfaces en cuivre, pour prévenir les infections nosocomiales en milieu hospitalier.
Quelques chiffres sur les infections nosocomiales
Les infections nosocomiales sont des infections liées aux soins contractées dans les établissements de santé tels que les hôpitaux et les cliniques. Santé publique France estime que plus de 1 patient hospitalisé sur 20, soit environ 5 % des personnes hospitalisées y ont été confrontées dans l’hexagone en 2017. La pandémie de Covid-19 a bouleversé les statistiques des infections nosocomiales. Ces chiffres excluent donc les contaminations au virus SARS-CoV-2.
Le Ministère de la santé précise que les infections nosocomiales seraient responsables de 4 000 décès annuels en France. Les 4 infections nosocomiales les plus fréquentes sont, par ordre d’importance, les infections urinaires, les infections des voies respiratoires, les infections du site opératoire, c’est-à-dire de la zone du corps opérée, et les infections du sang.
Qu’est-ce qu’une infection nosocomiales ?
Une infection contractée dans un établissement de santé
Une infection est considérée comme nosocomiale si elle était absente au moment de l’admission du patient à l’hôpital ou en clinique et qu’elle a été contractée pendant les soins. Généralement, cette possibilité est envisagée lorsque l’infection se déclare dans les 48 heures après l’admission et que les symptômes diffèrent du motif d’hospitalisation. Les infections relatives au site opératoire, la zone du corps opérée, sont quant à elles considérées comme nosocomiales si elles sont apparues dans les 30 jours suivant l’opération. Ce délai peut même être porté à un an dans le cas de la pose d’une prothèse ou d’un implant. Il existe aussi un risque pour les patients de contracter une infection sans présenter de symptômes, ce qui n’empêche pas une transmission à leur entourage à leur sortie de l’hôpital.
Quelles sont les causes des maladies nosocomiales ?
Les bactéries responsables des infections nosocomiales
Une étude publiée par Santé publique France en 2023 a montré que les micro-organismes les plus impliqués dans les infections nosocomiales sont des bactéries de type Escherichia coli (22,2 % des germes isolés), Staphylococcus aureus (12,2 %), Enterococcus faecalis (7 %) et Pseudomonas aeruginosa (6,9 %). La bactérie Escherichia coli fait partie de notre microbiote intestinal. Comme Enterococcus faecalis, elle vit naturellement dans nos intestins, où elle ne provoque en général aucun symptôme. La bactérie Staphylococcus aureus est quant à elle présente dans la muqueuse du nez, de la gorge et sur le périnée chez environ 15 à 30 % des êtres humains. En revanche, Pseudomonas aeruginosa se retrouve plutôt dans l’environnement, et en particulier à l’hôpital.
Ces bactéries sont la plupart du temps inoffensives, mais elles deviennent dangereuses en cas de déséquilibre ou d’exposition à des conditions favorables à leur prolifération, provoquant des maladies.
Comment attrape-t-on une infection nosocomiale ?
On distingue principalement deux modes de transmission pour les infections nosocomiales. Dans le premier cas, les agents infectieux proviennent du patient lui-même. Ils sont présents à la surface de la peau ou au niveau des muqueuses. La contamination a lieu lors de l’ouverture de la peau pour un acte invasif tel que l’introduction d’un cathéter, la pose de sondes ou de drains. Dans le second cas, les agents infectieux proviennent de l’environnement du patient. L’infection est alors transmise par un autre malade, le personnel soignant ou un élément contaminé, par exemple le système d’air, d’eau ou d’alimentation.
Quels sont les facteurs de risque des infections nosocomiales ?
Certains patients sont plus vulnérables que d’autres. Le risque de contamination lié à une maladie nosocomiale est ainsi plus important chez les personnes dont le système immunitaire est affaibli en raison de certaines pathologies comme le sida et les leucémies, ou de traitements tels que la chimiothérapie. Le risque de contracter une maladie nosocomiale est aussi augmenté chez les prématurés, les personnes âgées de plus de 65 ans, les polytraumatisés, les grands brûlés et les patients porteurs de dispositifs ouverts vers l’extérieur, comme des sondes urinaires ou cathéters.
Logiquement, le risque augmente avec la durée du séjour et le type d’hospitalisation. Ainsi, selon l’Inserm, 23,2 % des patients admis en réanimation ont contracté une infection nosocomiale en 2022.
Quels sont les symptômes des infections nosocomiales ?
Les symptômes des infections nosocomiales varient selon la localisation de l’infection dans l’organisme. Pour les infections les plus fréquentes citées précédemment, les symptômes habituellement observés sont les suivants.
Les symptômes des infections urinaires
Les infections urinaires, qui sont les plus courantes, se traduisent par des douleurs de la miction, des envies fréquentes d’uriner et plus rapprochées que d’habitude, avec parfois du sang dans les urines. Les infections urinaires sont souvent observées après la pose d’une sonde urinaire ou lors d’une chirurgie des voies urinaires.
Les symptômes des infections respiratoires
Les infections respiratoires, ou pneumonies, présentent des signes inconstants. Les symptômes s’expriment principalement sous la forme de toux, d’essoufflements, de fièvres pouvant être élevées, de frissons ou de douleurs thoraciques. Les personnes à risque sont les patients atteints d’une maladie chronique des voies aériennes, qui sont intubés ou placés sous ventilation mécanique. Les voies respiratoires supérieures, comprenant la sphère oto-rhino-laryngologique (ORL), peuvent également être concernées par une infection.
Les symptômes des infections du site opératoire
Les symptômes d’une infection au niveau de la zone opérée sont très variés et dépendent de l’intervention et de l’organe en cause. Pêle-mêle, on peut retrouver des signes d’inflammation, des écoulements liquidiens ou de pus, des abcès, de la fièvre ou des douleurs.
Les symptômes des infections du sang
Les infections du sang, ou septicémies, présentent elles aussi des symptômes peu spécifiques. Elles peuvent se traduire par des accès de fièvre élevée alternant avec des périodes d’hypothermie, des frissons, des sueurs, une tachycardie ou une fréquence respiratoire élevée. Ici encore, les personnes âgées et les patients dont l’état de santé est dégradé par d’autres maladies ou sous traitements immunosuppresseurs sont les plus à risque.
Quels sont les traitements des infections nosocomiales ?
La majeure partie des infections nosocomiales sont dues à des bactéries. Le traitement de choix est donc le recours aux antibiotiques, des médicaments qui s’attaquent spécifiquement à un type de bactéries. Ils agissent en bloquant leur croissance ou en les détruisant. Le traitement est guidé par l’isolement du germe en cause et par un antibiogramme, un examen de laboratoire visant à détecter la sensibilité de la souche bactérienne vis-à-vis d’un ou plusieurs antibiotiques.
Certaines infections, notamment au niveau de zones opérées, peuvent nécessiter une réintervention chirurgicale en vue de drainer et de traiter le foyer infectieux.
Quels sont les axes de recherche sur les infections nosocomiales ?
Comprendre les résistances aux antibiotiques
Les infections nosocomiales sont habituellement traitées avec des antibiotiques. Malheureusement, les bactéries soumises à ces traitements de manière répétée finissent par développer des mécanismes de résistance, comme la mutation de gènes ou la sécrétion de composés inactivant les antibiotiques. Ce problème est retrouvé dans toutes les maladies infectieuses, mais il est beaucoup plus marqué dans le cas des maladies nosocomiales. En effet, les micro-organismes sont davantage soumis à la pression des traitements en milieu de soins. Ainsi, les infections nosocomiales deviennent de plus en plus difficiles à éradiquer et nécessitent la mise au point de nouveaux traitements efficaces.
Une grande partie de la recherche menée autour des infections nosocomiales consiste donc à élucider les stratégies de défense des bactéries. Dans le cas de Staphylococcus aureus, des chercheurs ont mis en évidence un mécanisme par lequel la bactérie échappe à l’action de la daptomycine, un des traitements de référence utilisé contre celle-ci, suggérant de nouvelles approches thérapeutiques pour contrer cette résistance. Un autre type de bactérie, Acinetobacter baumannii, est quant à elle capable de se cacher à l’intérieur des cellules, sans les détruire, pour échapper non seulement aux cellules immunitaires, mais aussi aux traitements.
Développer de nouveaux traitements antibiotiques
Si aucune nouvelle famille d’antibiotiques n’a été mise à la disposition des médecins en vingt ans, plusieurs innovations thérapeutiques ont cependant vu le jour. La piste la plus intéressante est celle des inhibiteurs de bêta-lactamases. Ces molécules bloquent les enzymes bactériennes qui détruisent les antibiotiques de type bêta-lactamines, comme la pénicilline et la céphalosporine.
Ainsi, depuis 2016 en France, on dispose de nouveaux médicaments combinant une forme inédite de céphalosporine et un inhibiteur de bêta-lactamases appelé avibactam. Actuellement, plusieurs inhibiteurs de la famille chimique de l’avibactam, en association avec différents antibiotiques, sont en cours de développement ou d’évaluation dans le cadre d’essais cliniques. En 2024, une autre molécule, le zosurabalpin, a suscité beaucoup d’espoir pour sa capacité à détruire des souches résistantes d’Acinetobacter baumannii. Des essais cliniques sont menés pour confirmer son potentiel.
En parallèle de ce volet scientifique, des mesures de « prescription raisonnée » des antibiotiques sont en place pour limiter l’émergence de résistances bactériennes.
Creuser les mécanismes de l’infection bactérienne
Un aspect indissociable du développement de nouvelles molécules antibiotiques est la compréhension des mécanismes d’infection et de multiplication des bactéries incriminées dans les maladies nosocomiales. La bactérie Pseudomonas aeruginosa utilise par exemple le fer présent chez son hôte pour se développer dans son organisme. Ce mécanisme partagé par d’autres bactéries comme Escherichia coli pourrait représenter une cible intéressante pour de futurs traitements. Les recherches entreprises sur le microbiote intestinal pourraient également fournir des informations précieuses sur certaines entérobactéries, elles aussi responsables d’infections nosocomiales.
Prévenir les infections en milieu hospitalier
Un autre élément très important de la lutte contre les infections nosocomiales est la prévention par l’hygiène. Des recherches sont actuellement menées pour renforcer l’asepsie des instruments médicaux ou limiter le portage de germes par les personnels soignants ou les patients. Dans ce cadre, le recours à des outils numériques et à l’intelligence artificielle est évaluée pour prévenir les contaminations et accompagner le personnel médical dans leur quotidien.
Une meilleure compréhension de la formation des biofilms, la substance qui protège les bactéries sur les surfaces, pourrait être prometteuse dans la lutte contre les maladies nosocomiales. Ainsi, il a été constaté que recouvrir de cuivre les éléments habituellement en inox dans les établissements de santé, en particulier la robinetterie et les poignées de porte, pouvait limiter le développement bactérien sur ces supports. De cette manière, les micro-organismes perdraient une partie de leur pouvoir de propagation entre les malades.
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