Microbiote intestinal et production de vitamines : une interaction prometteuse dans la prise en charge de l’obésité
Le microbiote intestinal regroupe des milliards de microorganismes jouant un rôle essentiel dans la digestion, l’immunité et la santé mentale. Un déséquilibre, appelé dysbiose, peut entraîner l’apparition de diverses pathologies comme l’obésité, des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ou des troubles neuropsychiatriques.
Les approches thérapeutiques, incluant les probiotiques et la transplantation fécale, ouvrent de nouvelles perspectives pour rétablir l’équilibre du microbiote et optimiser la réponse des patients aux traitements.
Le point de vue de l'expertFrançois Leulier
Le microbiote intestinal est vraiment très important pour la santé puisqu'il contribue, de part les activités de ses composants qui sont des organismes vivants, au fonctionnement de notre organisme et en particulier de nos intestins.
Qu’est-ce que le microbiote intestinal ?
Le microbiote intestinal regroupe plusieurs milliers de milliards de microorganismes vivant principalement dans les intestins, en symbiose avec l’organisme, c’est-à-dire en association bénéfique à chacun. Il y a autant de microorganismes que de cellules dans notre corps, pour un poids total d’environ 1 à 2 kg ! Il s’agit essentiellement de bactéries, mais aussi de levures et de virus.
Au total, un millier d’espèces différentes de microorganismes ont été identifiées dans les microbiotes humains. Mais le microbiote de chaque individu est unique. Chez une personne en bonne santé, il y a en moyenne 160 espèces de bactéries, dont seule la moitié se retrouve généralement d’un individu à l’autre selon l’Inserm. Dans toute cette diversité, il n’y aurait finalement qu’entre 15 et 20 espèces présentes dans tous les microbiotes humains.
Comment se constitue le microbiote intestinal ?
Le microbiote intestinal, de la mère à l’enfant
Dans le ventre de sa mère, le fœtus est considéré comme stérile. C’est au moment de la naissance et dans les deux ou trois premières années de vie que le microbiote se constitue. Lors d’une naissance par voie basse, le bébé entre pour la première fois en contact avec les microorganismes vaginaux et intestinaux de sa mère, via les selles qui sont parfois expulsées. Lors d’un accouchement par césarienne, il est directement exposé aux microorganismes de l’environnement, mais des données récentes montrent que ce type d’accouchement n’est pas sans conséquences sur le microbiote intestinal de l’enfant. Puis, s’il est nourri au sein, le nouveau-né ingère des microorganismes de la peau, et peut recevoir, à travers le lait, certaines bactéries probiotiques, ayant une action bénéfique sur la santé. Le lait contient aussi des sucres qui ont une activité prébiotique, c’est-à-dire favorable à la croissance du microbiote.
L’évolution du microbiote intestinal après la naissance
Le développement du microbiote intestinal se fait de façon séquentielle après la naissance. Il démarre avec des bactéries aérobies, consommatrices d’oxygène, et se poursuit avec des bactéries anaérobies, qui n’en ont pas besoin pour se multiplier. Lors de la croissance, un certain nombre de facteurs influencent la composition du microbiote, comme la diversification alimentaire, les médicaments et les maladies, ou encore l’hygiène. À noter que la génétique rentre aussi en jeu dans ce processus.
À l’âge adulte, la composition et le fonctionnement du microbiote sont relativement stables, même si le système se régule en permanence et se rééquilibre en fonction de facteurs extérieurs, tels que l’alimentation ou les traitements antibiotiques. Ces derniers ont un impact sur le microbiote. Pris trop fréquemment, ils peuvent l’altérer de manière définitive. C’est pourquoi il est essentiel d’y avoir recours uniquement lorsque nécessaire.
Quelles sont les fonctions normales du microbiote intestinal ?
Les liens entre notre organisme et le microbiote intestinal sont très étroits. Notre flore intestinale influence ainsi notre système digestif, mais aussi notre système immunitaire, métabolique et nerveux.
Le microbiote intestinal et la digestion
Le microbiote intestinal joue un rôle fondamental dans la digestion. Il dégrade en effet des aliments complexes que notre organisme est incapable de digérer seul, en particulier les fibres végétales, comme la pectine ou certains amidons contenus dans les fruits, les légumes et les céréales. Diverses espèces bactériennes interviennent à tour de rôle pour transformer ces fibres en molécules qui nous sont indispensables, par exemple les vitamines telles que la vitamine K, ou certaines vitamines B. De ce fait, si l’alimentation n’est pas suffisamment riche et variée en fibres, le microbiote en pâtit, et perd de sa richesse.
La flore intestinale est très importante pour l’assimilation des nutriments par le biais de plusieurs voies métaboliques. Elle régule également la digestion en influençant le fonctionnement du tube digestif, sa vascularisation et le système immunitaire qui lui est propre.
Le microbiote intestinal et l’immunité
Autre rôle majeur du microbiote intestinal : nous protéger contre les pathogènes, tout d’abord en « occupant la place », ce qui les empêche de nous coloniser et d’avoir des effets délétères, mais aussi et surtout, en « dialoguant » avec le système immunitaire. En effet, le bébé naît avec un système immunitaire immature au niveau de l’intestin. En s’installant progressivement, le microbiote va permettre au système immunitaire d’apprendre à faire la différence entre les microorganismes « amis » et les pathogènes « ennemis ».
Cet apprentissage a des conséquences à long terme pour l’organisme, car la composition du microbiote influence également la réaction du système immunitaire vis-à-vis de la vaccination. Ainsi, la présence de certaines espèces de bactéries favoriserait une réponse immunitaire plus efficace et potentiellement, une meilleure protection.
Les autres rôles potentiels du microbiote intestinal
Plusieurs travaux de recherche suggèrent que le microbiote intestinal joue également un rôle dans bien d’autres fonctions de notre organisme. Il serait notamment impliqué dans la croissance, la satiété, la santé psychologique, la gestion de la douleur, la sensibilité au stress, la modulation des allergies et le contrôle des réactions inflammatoires.
Zoom surEt les autres microbiotes ?
Si le microbiote intestinal est le plus abondant de l’organisme, il n’est pas le seul. En effet, plusieurs régions du corps renferment également de nombreux microorganismes, comme la sphère ORL, qui comprend la bouche, le nez et la gorge, mais aussi la peau, le vagin, et le poumon. Comme dans les intestins, ces microbiotes jouent des rôles importants pour leur hôte.
Sur la peau ou dans le vagin, le microbiote participe à la lutte contre les pathogènes et les infections. Dans le poumon, que l’on a longtemps pensé stérile, il pourrait avoir une action similaire et exercer une influence sur le développement de certaines pathologies respiratoires comme l’asthme, la bronchopneumopathie obstructive (BPCO) ou la mucoviscidose. Mais le microbiote renferme encore des secrets et son impact sur la santé reste mystérieux par bien des aspects.
Quel est le lien entre le microbiote intestinal et certaines maladies ?
Microbiote, intestins et cardiométabolisme
Lorsque le microbiote intestinal est perturbé dans sa composition ou son fonctionnement, on parle de dysbiose. Celle-ci peut être due à un traitement antibiotique par exemple. Dans ce cas, le retour à l’équilibre est en général assez rapide.
La recherche a cependant montré qu’une dysbiose chronique peut être associée à une pathologie intestinale. C’est le cas dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), comme la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique. Le microbiote des patients renferme moins de bactéries ayant une action anti-inflammatoire, ce qui pourrait amplifier ces pathologies. De plus, dans ces maladies, de nombreux gènes de prédisposition identifiés ont montré un impact sur les liens entre microbiote, intestin et immunité.
Même constat avec l’obésité : certains patients obèses présentent une flore intestinale perturbée, avec une perte de diversité du microbiote, un excès de microorganismes délétères, ou une insuffisance en microorganismes bénéfiques. Ces changements ont des conséquences importantes et contribuent à la physiopathologie de l’obésité, comme la baisse de la capacité de fabrication d’une vitamine B, la biotine. De plus, ce déséquilibre des bactéries entraîne une inflammation chronique liée à la production d’une molécule, le LPS, par ces microorganismes.
La dysbiose du microbiote intestinal aurait également toute une série de répercussions au niveau cardiovasculaire. L’athérosclérose serait par exemple favorisée par une inflammation chronique issue d’un déséquilibre du microbiote, lui-même causé par un régime alimentaire pauvre en fibres. Dans cette pathologie, d’autres mécanismes sont suspectés, comme la présence de vésicules dans le sang, transportant des molécules inflammatoires issues de certaines bactéries du microbiote et néfastes pour les vaisseaux sanguins.
Microbiote intestinal et maladies neurologiques
On sait qu’il existe un dialogue direct entre les intestins et le cerveau. Les chercheurs se sont donc penchés sur les effets du microbiote intestinal sur les maladies neurodégénératives. Des études ont suggéré un lien entre la dysbiose et la sévérité des symptômes dans la maladie de Parkinson, mais aussi l’inflammation cérébrale observée dans la maladie d’Alzheimer.
Des travaux ont par ailleurs montré une influence du microbiote sur les maladies neuropsychiatriques telles que le trouble du spectre de l’autisme, la schizophrénie et les troubles de l’humeur, par exemple les troubles bipolaires et la dépression chronique. Le microbiote interviendrait dans le fonctionnement même du cerveau et la régulation des humeurs.
Enfin, des chercheurs ont mis en évidence que les troubles du microbiote pouvaient impacter l’efficacité des traitements contre ces affections neuropsychiatriques, en particulier les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine dans la dépression. Pour cette même maladie, il a été démontré que le transfert de microbiote de souris stressées à des souris saines induit des symptômes dépressifs ; un effet annulé par la section du nerf vague, interrogeant sur les relations exactes entre microbiote et système nerveux.
Microbiote intestinal et cancers
Des liens ont également été établis entre dysbiose et développement de cancers, tels que le cancer de l’estomac, le cancer colorectal et le cancer du sein. Le microbiote intestinal pourrait par la même occasion impacter la réponse à certains traitements anticancéreux comme l’immunothérapie dans le cas du cancer du poumon. Ainsi, certaines espèces bactériennes pourraient intervenir dans le succès de ces traitements.
Microbiote intestinal et infections
Il existe aussi des associations entre le microbiote et le système immunitaire. La recherche tend aujourd’hui à montrer que la dégradation du microbiote aurait une influence directe sur la gravité de plusieurs maladies infectieuses, telles que la grippe et la Covid-19. Une dysbiose favoriserait ainsi les surinfections pulmonaires dans la grippe et augmenterait la sévérité des symptômes dans les infections dues au SARS-CoV-2, le virus responsable de la Covid-19.
En outre, des études ont suggéré que des perturbations dans l’établissement du microbiote intestinal après la naissance pouvaient aussi se répercuter à plus long terme sur le développement du système immunitaire. Ainsi, dans les méningites bactériennes néonatales par exemple, l’immaturité du microbiote chez les nouveau-nés élèverait le risque d’infection.
Comment utiliser le microbiote pour traiter certaines pathologies ?
Pour le moment, il n’est pas toujours possible de déterminer si les déséquilibres du microbiote intestinal sont la cause ou la conséquence des pathologies. Les chercheurs s’intéressent à ces relations de cause à effet dans le cadre de nombreuses maladies.
Intégrer la dimension microbiotique dans les traitements
Pour les maladies déclenchées ou entretenues par une dysbiose, les scientifiques envisagent plusieurs approches thérapeutiques, seules ou combinées :
- Une alimentation riche et diversifiée en fibres, favorisant le rééquilibrage du microbiote,
- Un traitement antibiotique ciblant spécifiquement les bactéries impliquées dans la pathologie,
- L’apport de probiotiques, de prébiotiques, ou des deux pour un effet synergique, afin d’enrichir le microbiote avec certains microorganismes importants.
Ces approches ont été testées dans diverses maladies, sans pour autant montrer de résultats probants. Les chercheurs pensent que cela pourrait être dû en partie à la variabilité des microbiotes selon les patients.
Maximiser le potentiel du microbiote intestinal
Certaines stratégies visent à lutter contre les facteurs de perturbation du microbiote intestinal, comme les additifs alimentaires, qui augmentent le potentiel pathogène de certaines espèces de bactéries présentes dans l’organisme, ou de certains antibiotiques, qui ont montré un impact sur le risque de rechute après traitement d’un cancer du sang.
D’autres stratégies consistent à contrer les effets des molécules produites lors du déséquilibre du microbiote, comme le propionate d’imidazole dans le diabète de type 2. À l’inverse, des recherches s’intéressent à l’emploi de post-biotiques, c’est-à-dire à l’administration directe des molécules issues du microbiote que l’on pense bénéfiques pour la prise en charge de pathologies, comme le 4-Cresol dans le diabète de type 1 et 2, ou encore l’hippurate dans les maladies cardiovasculaires.
Utiliser le microbiote intestinal de patients sains
La transplantation fécale a déjà fait ses preuves dans l’infection intestinale sévère récidivante face à la bactérie Clostridium difficile. Elle a consisté à implanter chez une personne malade, à l’aide d’une sonde nasogastrique ou via une administration par voie rectale, le microbiote d’une personne saine, préparé à partir d’échantillons de selles. Cette stratégie est en cours d’investigation dans d’autres pathologies comme les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) et l’obésité.
Aussi, comme précisé précédemment, des travaux ont suggéré que la composition du microbiote influence l’efficacité de certaines thérapies anticancéreuses, en particulier les immunothérapies ciblant les points de contrôle immunitaire, aussi appelées inhibiteur de check-point immunitaire (ICI). La transplantation du microbiote issu de patients répondant bien à ces traitements s’est montrée efficace pour aider les patients y répondant moins bien dans des cas sévères de cancers du poumon ou du rein.
Partenariat
La FRM et The French Virologist sensibilisent aux enjeux de la recherche
Peut-on vraiment soigner un déséquilibre du microbiote pour guérir des maladies ? Les explications d'Océane Sorel, alias The French Virologist, en partenariat avec la FRM.
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