Développer de nouvelles thérapies contre le cancer de l'ovaire
05 février 2025
Le parrain de la FRM, Thierry Lhermitte, s'est intéressé ce mois-ci pour sa chronique santé à un projet de recherche qui associe deux équipes situées à l’école Chimie ParisTech : celle de Gilles Gasser et celle de Christophe Thomas, et une troisième équipe, celle de Didier Decaudin à l’Institut Curie.
C’est Marta Redrado Domingo, une jeune chercheuse espagnole financée depuis 2023 par la FRM qui lui a présenté ses travaux sur un traitement innovant dans le cancer de l’ovaire.
Cette rencontre a fait l'objet de la Chronique Santé de Thierry Lhermitte diffusée le 03 février dernier dans Grand Bien Vous Fasse sur France Inter, à (ré)écouter en replay ci-dessous.
Pourquoi est-ce important de travailler sur de nouvelles thérapies dans le cancer de l’ovaire ?
Thierry Lhermitte : Parce que ce cancer a encore un pronostic très sombre : la raison principale, c’est qu’il est découvert à un stade très avancé car il ne provoque pas de symptômes pendant longtemps. Et puis les traitements proposés, qui combinent chirurgie et chimiothérapie, ont une efficacité limitée, avec des résistances à la chimio qui apparaissent. Sans compter les effets secondaires, qui sont dus à sa toxicité envers tous les tissus… Bref, le taux de guérison n’a pas progressé de manière décisive depuis 40 ans, contrairement à la grande majorité des autres tumeurs. Et s’il est environ 10 fois moins fréquent que le cancer du sein, le cancer de l’ovaire touche plus de 5 000 femmes chaque année en France.
En quoi consiste le projet de Marta ?
Thierry Lhermitte : Elle se propose de développer une nouvelle approche de chimiothérapie, qui combine à la fois des molécules nouvelles et un mode d’acheminement plus sélectif, pour atteindre la tumeur sans détruire les cellules saines de l’organisme.
Parlons d’abord de la molécule thérapeutique : elle est dérivée de métaux qui appartiennent au groupe du platine. Le platine est le métal très souvent utilisé en chimiothérapie, et notamment dans le cancer de l’ovaire, sous forme de carboplatine.
Quels sont les métaux choisis par Marta ?
Thierry Lhermitte : Ce sont le ruthénium et l’iridium, utilisés eux aussi sous forme de dérivés chimiques. Ils sont toxiques pour les cellules, avec un mode d’action différent de celui des dérivés du platine. Ces métaux ont montré leur efficacité puisqu’ils sont actuellement en essais cliniques aux Etats-Unis et au Canada dans le cancer de la vessie et le cancer du sein.
Le défi est donc « d’envoyer » spécifiquement ces dérivés de métaux sur la tumeur pour éviter la toxicité sur les cellules saines ?
Thierry Lhermitte : Exactement. Et pour cela, l’idée de l’équipe est de greffer au métal un polymère biodégradable, une longue molécule formée à partir de nombreuses unités d’acide lactique (le même acide naturel que nos muscles produisent à l’effort).
Une fois ce polymère fabriqué, les chercheurs appliquent un processus simple pour qu’il se présente sous une forme compacte, des petites particules d’une centaine de nanomètres de diamètre, soit 100 millionièmes de millimètres.
Quels sont les avantages de cette formulation ?
Thierry Lhermitte : D’abord, ces particules protègent le métal durant son trajet dans l’organisme. Ensuite, la taille des particules, qui peut être modifiée chimiquement, permet de cibler la tumeur. En effet, les vaisseaux qui irriguent une tumeur s’organisent très rapidement et présentent des défauts : les espaces entre les cellules qui forment leur paroi sont plus larges. Le médicament va pénétrer plus facilement dans ces interstices pour aller au cœur de la tumeur. Le polymère biodégradable va disparaître et le métal va tuer les cellules cancéreuses.
Et ça marche ?
Thierry Lhermitte : Oui ! Les premiers résultats obtenus par l’équipe avec le ruthénium sont prometteurs :
-Une fois injectée dans le sang, la molécule innovante s’accumule presque 20 fois plus dans la tumeur (par rapport au métal seul) sans atteindre les autres organes (sauf un peu le foie et les reins, qui sont chargés de l’élimination).
-Et elle n’a pas d’effet toxique dans l’organisme.
-Le projet se poursuit pour essayer d’améliorer encore ces résultats et tester l’effet de l’iridium. Sous cette forme conjuguée avec un polymère biodégradable, il semble d’ores et déjà que l’iridium soit efficace pour réduire le volume de la tumeur.
Voilà un projet innovant qui semble être sur de bons rails !
Thierry Lhermitte : À condition qu’il puisse continuer à être financé… Car les chercheurs m’ont confié être inquiets par la baisse du budget de la recherche. Il faut être conscient du coût de tels travaux : pour cette approche, c’est environ 25 000 euros pour faire un essai préclinique, c’est-à-dire avant même de pouvoir faire les premiers essais chez l’homme !
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