Réparer la rétine grâce à un matériau biodégradable et biocompatible
21 janvier 2025
Thierry Lhermitte, parrain de la FRM, s'est rendu au Laboratoire de recherche vasculaire translationnelle, à l’hôpital Bichat (Paris). Il y a été accueilli par Didier Letourneur, directeur de recherche au CNRS, qui dirigeait ce laboratoire de 250 personnes et une équipe de recherche jusqu'à fin 2024. Depuis le 1er janvier, c’est Teresa Simon-Yarza qui l’a remplacé à la tête de l’équipe, soutenue depuis longtemps par la FRM.
Il a pu y découvrir le projet de Chloé Dujardin, ingénieure polytechnicienne, qui y effectue son doctorat, en collaboration avec la Dre Xiaochen Huang, l’Institut de la Vision et i-Stem, une équipe d’Evry spécialisée dans les cellules souches. L’objectif est de mettre au point un matériau biodégradable et biocompatible pour réparer la rétine.
Cette rencontre a fait l'objet de la Chronique Santé de Thierry Lhermitte, diffusée le 20 janvier dernier sur France Inter, à (ré)écouter en replay ci-dessous.
Quelles sont les maladies contre lesquelles ce projet pourrait lutter ?
Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), œdème maculaire diabétique, maladies génétiques comme la rétinite pigmentaire… Autant de maladies qui finissent par provoquer la cécité.
Le problème ? La rétine, qui tapisse le fond de l’œil et qui permet la vision, est une structure complexe, formée de différentes couches de cellules qui sont alimentées par des vaisseaux sanguins, qui peuvent parfois aussi s’atrophier.
Le défi est donc de recréer un matériau en un seul bloc, que l’on puisse injecter à l’endroit où la rétine est lésée, et dont l’architecture permette une colonisation naturelle par tous ces éléments pour constituer un tissu semblable à la rétine originelle.
Ce matériau doit-il être biocompatible pour ne pas être rejeté ?
Exactement, c’est la spécialité de l’équipe, qui conçoit aussi ces supports pour être biodégradables : pour qu’une fois implantés, ils finissent par disparaître en ne laissant en place que les nouvelles cellules.
Avec aussi, évidemment, des propriétés mécaniques appropriées.
Comment Chloé Dujardin a-t-elle procédé ?
Le matériau de base est un gel extrêmement fin, formé de sucres produits par des micro-organismes et qu’il faut ensuite assembler en une sorte de réseau.
L’une des difficultés a été de créer un matériau avec deux faces différentes pour mimer les couches les plus profondes de la rétine :
=> une face assez lisse, pour accueillir la couche de cellules (appelées cellules épithéliales) qui ancrent et protègent les cônes et les bâtonnets (qui sont les cellules sensibles à la lumière) ;
=> une face avec des « trous » pour accueillir les vaisseaux sanguins nourrissant la rétine.
Pour vous aider à visualiser, c’est un peu à l’image d'une éponge de cuisine avec ses deux faces différentes, mais qui ferait seulement 250 microns d’épaisseur, soit un quart de millimètre !
Cette phase délicate de conception du biomatériau a nécessité un an et demi de mise au point. Pour créer la face poreuse, par exemple, les chercheurs congèlent le matériau puis le lyophilisent : en passant directement de la glace à la vapeur, les cristaux de glace qu’il contenait laissent des trous. En modifiant les paramètres comme la vitesse de congélation, etc., on peut ajuster leur taille.
C’est la combinaison précise de tout un ensemble de paramètres, que Chloé a testés, qui donne ses propriétés au gel. Le procédé a été breveté en décembre dernier.
Quelle est l’étape suivante ?
Sur la face lisse de ce matériau, des cellules dérivées de cellules souches sont cultivées pour recréer le tapis de « cellules protectrices » de la rétine (qui s’appelle l’épithélium rétinien).
Puis la face poreuse est ensemencée avec des cellules formant les vaisseaux sanguins de la rétine. En se multipliant, elles s’organisent en réseau qui colonise les pores du matériau.
L’objectif est de permettre aux vaisseaux sanguins de se développer, pour que le matériau implanté reconstitue toutes les couches de cellules qui existent et dialoguent entre elles dans la rétine naturelle.
L’équipe en est où aujourd’hui ?
Le projet a reçu un nouveau financement de la Fondation pour la Recherche Médicale pour une étape de prématuration : elle va consister en 2025 à faire les tests préliminaires aux essais cliniques, notamment en mimant la circulation sanguine dans le biomatériau.
L’objectif est évidemment l’application en clinique, pour réparer la rétine endommagée, mais l’idée est aussi d’utiliser ce biomatériau complexe comme modèle de laboratoire, pour tester des médicaments dans différentes maladies, pour étudier la rétine aussi, par exemple l’effet de la lumière bleue.
C’est un projet extrêmement ambitieux et prometteur !
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