SLA : cibler tous les mécanismes de neuro-inflammation
11 décembre 2024
Notre parrain Thierry Lhermitte a visité le laboratoire du Pr François Pattou à la Faculté de Médecine de l'Université de Lille.
L'équipe du Pr Pattou est soutenue par la FRM pour ses travaux de recherche sur la médecine de précision en chirurgie métabolique et ses travaux innovants pour prendre en charge les cas sévères de diabète de type 1.
Cette visite a fait l'objet de la chronique santé de Thierry Lhermitte diffusée le lundi 22 janvier dans « Grand Bien Vous Fasse » sur France Inter, à (ré)écouter en replay.
Ali Rebeihi : Thierry, votre première visite de l’année a été à la rencontre du professeur François Pattou. Il est chirurgien, chef du service de Chirurgie générale et endocrinienne au CHU de Lille. Il dirige aussi le Laboratoire de recherche translationnelle sur le diabète, qui est une unité de recherche qui associe l’Université de Lille, l’Inserm, le CHU et l’Institut Pasteur de Lille. Ça fait presque 30 ans qu’il travaille, avec son équipe, à développer des traitements innovants pour les cas sévères de diabète de type 1. Et il est aujourd’hui parvenu à une thérapie qui est non seulement efficace, mais même remboursée par la Sécurité sociale !
Thierry Lhermitte : Exactement. Il est reconnu internationalement pour ses travaux et il a d’ailleurs reçu de nombreux Prix.
Ali Rebeihi : Avant de nous raconter cette aventure, vous allez nous rappeler ce qu’est le diabète de type 1.
Thierry Lhermitte : Le diabète, on en a tous entendu parler car c’est une maladie métabolique fréquente : en 2019, plus de 3 millions et demi de personnes en France étaient traitées pour cela, et les chiffres sont en constante augmentation. La maladie se manifeste par un excès de sucre dans le sang, qui s’appelle l’hyperglycémie. C’est grave, car pour fonctionner notre cerveau a besoin d’un taux très constant de sucre dans le sang, autour de 1 g par litre de sang. Quand on a trop de sucre dans le sang, ça endommage les vaisseaux sanguins et les organes. Sans traitement on peut donc avoir des complications très sévères : des maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde, AVC), mais aussi une cécité, une atteinte des reins, du foie, etc. Il y a deux types de diabète, le type 1 et le type 2, qui diffèrent par leur origine. Le diabète de type 2 apparaît progressivement – et silencieusement – avec l’avancée en l’âge, même si aujourd’hui de plus en plus de jeunes sont touchés.
Ali Rebeihi : Il est dû à quoi ce diabète de type 2 ?
Thierry Lhermitte : Au fait que les cellules de l’organisme répondent de moins en moins bien à l’insuline, qui est l’hormone produite par le pancréas pour faire baisser le taux sanguin du sucre. On va y revenir. Des facteurs environnementaux bien connus sont en cause, notamment une alimentation trop grasse, trop sucrée, la sédentarité.
Ali Rebeihi : Et le diabète de type 1 alors ?
Thierry Lhermitte : Il est plus rare, il constitue moins de 10 % des cas de diabète. Il s’agit d’une maladie « auto-immune » : le système immunitaire du patient attaque les cellules du pancréas qui sécrètent l’insuline et les détruit progressivement, ce qui finit par abolir la production d’insuline. Sans insuline, la glycémie (le taux de sucre dans le sang) est trop élevée en permanence, ce qui est grave, on l’a vu. C’est une maladie qui apparaît plutôt jeune, souvent à l’adolescence ou chez le jeune adulte, parfois même chez le très jeune enfant. Heureusement on a un traitement depuis des dizaines d’années : c’est l’injection d’insuline. C’est efficace chez la plupart des patients, même si c’est très contraignant : le contrôle systématique de sa glycémie, plusieurs piqûres d’insuline par jour avant les repas, etc.
Ali Rebeihi : Donc on a quand même un traitement efficace…
Thierry Lhermitte : Oui, mais ce n’est pas si simple. Les patients doivent en permanence jongler avec leur taux de sucre, s’injecter l’insuline au bon moment, à la bonne dose. C’est délicat, car c’est une hormone très puissante. Et trop d’insuline provoque l’hypoglycémie, ce qui entraîne un malaise, voire un coma diabétique. De plus, certaines personnes n’arrivent jamais à stabiliser leur glycémie, d’autres n’y arrivent plus au bout de plusieurs dizaines d’années d’injection. Et là, le quotidien de ces patients devient un enfer, ils ont des malaises fréquents, la maladie met en jeu leur vie.
Ali Rebeihi : Le Pr Pattou est parvenu à mettre au point un traitement pour ces cas sévères ?
Thierry Lhermitte : Exactement, et ça change totalement la vie des malades, puisqu’ils n’ont plus besoin de s’injecter d’insuline. Ça consiste en quoi ? L’idée, c’est de remplacer les cellules du pancréas qui ont disparu en greffant les cellules qui produisent l’insuline provenant d’un donneur décédé. Dit comme ça, ça paraît facile. Sauf que depuis le début des années 1990, il a fallu presque 30 ans et la collaboration d’une dizaine d’équipes dans le monde, pour mettre au point cette technique et la valider. En 2021 la Haute Autorité de santé a donné son feu vert pour l’application clinique en France. Et aujourd’hui il y a un réseau de centres répartis en France qui collaborent et pratiquent cette thérapie innovante.
Ali Rebeihi : Comment cela se passe-t-il ?
Thierry Lhermitte : On prélève d’abord, sur un donneur décédé en état de mort cérébrale, le pancréas. Il faut ensuite en extraire les cellules bêta, qui sécrètent l’insuline. Ces cellules particulières forment dans le pancréas des îlots disséminés, constitués chacun à peu près de 1 000 cellules. Ces îlots ne font que quelques dizaines de millimètres à un millimètre maximum et ne représentent que 2 % de l’organe, c’est donc un travail très minutieux. Il y a environ 500 000 îlots dans un pancréas et il en faut au moins 200 000 pour une greffe. Une fois isolés, purifiés, ils tiennent dans un dé à coudre. Il y a un contrôle qualité et ces cellules sont prêtes à être implantées chez le receveur diabétique. Comme ce sont des cellules et non un organe, il est théoriquement possible de les implanter n’importe où dans le corps. Après différents essais, c’est le foie qui a été choisi comme étant la meilleure destination : le chirurgien installe un petit cathéter (un tube très fin) dans la veine porte, qui arrive au foie, et injecte les îlots en une demi-heure, en perfusion. Arrivés dans l’organe, les îlots s’installent et se vascularisent grâce à l’environnement très favorable du foie. C’est ce qui conditionne leur survie et la reprise de la production d’insuline.
Ali Rebeihi : Et le malade est guéri ?
Thierry Lhermitte : Avec une seule greffe le résultat est souvent insuffisant, probablement parce que les îlots ne sont pas toujours de qualité égale et que beaucoup de cellules meurent. Le Pr Pattou a donc eu l’idée de faire 2 ou 3 greffes chez le même patient, et là ça a été un vrai succès. C’est comme ça que son équipe a pointé l’importance de la quantité d’îlots au départ, et pas seulement leur qualité. Aujourd’hui encore c’est l’équipe lilloise qui a les meilleurs taux de réussite dans le monde. Par la suite, il faut quelques mois au malade pour retrouver un taux de sucre sanguin normal et arrêter les injections d’insuline. Récemment l’équipe a démontré que cette greffe d’îlots corrige le diabète de type 1 pendant au moins 10 ans, ce qui est extraordinaire ! D’ailleurs lors de ma visite j’ai rencontré une patiente greffée depuis 11 ans et qui est en pleine forme. Elle parle de renaissance… Je précise quand même qu’il faut un traitement immunosuppresseur (qui supprime l’immunité du receveur) pour qu’il n’y ait pas de rejet de greffe. C’est ce qui limite l’accès à cette greffe d’îlots, car c’est parfois difficile à supporter, il y a des effets secondaires. Certains sont bénins comme des aphtes, d’autres sont potentiellement plus graves comme le risque d’apparition de cancer.
Ali Rebeihi : C’est quand même fantastique pour les patients qui n’avaient plus de solution. Et maintenant quelle est la suite ?
Thierry Lhermitte : Un objectif est de s’affranchir du prélèvement sur donneur, en produisant en culture des cellules sécrétrices d’insuline à partir de cellules souches. Un essai clinique est en cours dans 14 centres dans le monde. Évidemment le CHU de Llille y participe activement. Mais il faudra probablement de nombreuses années pour valider cette approche très innovante. Je voudrais emprunter ma conclusion à François Pattou et saluer les patients pionniers courageux, grâce à qui ces avancées ont pu voir le jour. Et pour rappeler que le don d’organes sauve des vies et qu’il est important d’en parler avec ses proches !
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