Portraits de chercheur.euses obstiné.e.s : Emmanuel Farge

18 novembre 2019

Le Pr Catherine Chaussain, Emmanuel Farge, Jennifer Bordenave… Ces chercheur.euse.s dont les pistes innovantes ont contribué à faire avancer la recherche médicale sont unanimes : la première qualité d'un chercheur est l'obstination. Si l'échec et le doute ont parfois traversé leur trajectoire, ils ne les ont jamais empêchés d'avancer.

Portrait d'Emmanuel Farge

Directeur de recherche Inserm, responsable de l'équipe « Mécanique et génétique du développement embryonnaire et tumoral » à l'Institut Curie à Paris.

Pouvez-vous présenter l'objet de votre recherche ?

Emmanuel Farge : Nous travaillons sur le contrôle mécanique de l'activation des gènes responsables du développement embryonnaire par les contraintes liées aux changements de forme de l'embryon au cours de son développement, et des gènes tumoraux par les contraintes liées à la croissance des tumeurs dans le tissu adulte. Pour le dire simplement, notre projet de recherche a permis de montrer que tout n'est pas purement génétique dans la régulation de l'activité biologique du développement embryonnaire et tumoral, mais aussi mécanique, et ce de façon intimement liée à la forme de nos tissus. Donc que le fonctionnement de notre corps n'est pas prédéterminé de façon absolue par notre seul génome.


Avez-vous été particulièrement persévérant ?

EF : Cette idée de recherche m'est venue il y a 20 ans, dans un contexte scientifique où l'idée du rôle central exclusif du génome dans la régulation des activités biologiques de nos tissus était la norme, et prépondérante. Il nous a fallu, avec l'équipe, beaucoup de patience pour arriver a caractériser dans son entièreté cette nouvelle découverte et ce changement de paradigme ; un certain nombre d'années et plusieurs publications ont été nécessaires. Étant physicien de formation, j'ai dû aussi apprendre la biologie. Ce qui a été un très grand plaisir intellectuel.


Quelle a été votre plus grande difficulté ?

EF : J'ai été confronté à un blocage qui m'a paru long, suite à une idée que l'on pouvait se faire a priori sur le capteur mécanique moléculaire permettant un tel processus. Mais je ne l'ai jamais vu s'activer, durant 6 mois. J'ai alors eu peur d'être contraint à abandonner. Suite à de nombreux échanges, j'ai fini par trouver le bon senseur mécanique moléculaire. Que nous avons dans l'équipe depuis, de surcroit, trouvé impliqué dans le développement tumoral.


Quelle est la place du doute, de la remise en cause, dans votre métier de chercheur ?

EF : Ce que je trouve particulièrement intéressant dans ce métier, c'est que vous ne trouvez jamais entièrement ce que vous cherchiez au départ. Vous pouvez développer des idées très intéressantes sur un point particulier, mais si la nature ne fonctionne pas sur ce point comme vous l'aviez intuité, certaines expériences vous résistent, et vous font nécessairement douter. Il faut alors développer des stratégies intellectuelles et d'expérimentation alternatives, pour trouver la solution. Le doute est donc un moteur de progrès.


Êtes-vous un obstiné raisonnable ou jusqu'au-boutiste ?

EF : Un obstiné raisonnable. En cas d'obstacle, il est essentiel d'échanger avec les autres pour avancer dans la meilleure direction.


La dernière fois où vous vous êtes obstiné ?

EF : Je m'obstine tous les jours ! À essayer de résoudre un problème qui me tient à cœur humainement, intellectuellement, financièrement.


Qu'est-ce qui vous fait vous lever le matin ?

EF : Les concepts qui sont en jeu dans la recherche et les applications thérapeutiques qui en résultent.


L'obstination en… Un mot ?

EF : Intuition, conviction, rationalité.


Une phrase ?

EF : Être en phase avec soi-même, et les enjeux conceptuels, médicaux et humains de la société.


Un objet ?

EF : Un cerveau

Savez-vous que transmettre à la Fondation pour la Recherche Médicale peut sauver des vies ?

Inscrire la FRM dans son testament ou son assurance-vie, c'est un geste de solidarité et d'humanité qui contribue à protéger les générations futures.