Une approche inédite de thérapie génique contre les cécités génétiques neurodégénératives
08 janvier 2025
08 janvier 2025
Une technique innovante de thérapie génique permet pour la première fois de modifier à un taux significatif les photorécepteurs, les cellules nerveuses de la rétine. Cette approche prometteuse, développée par Juliette Pulman, à l’Institut de la Vision, à Paris, pourrait être utilisée pour éviter l’apparition de la cécité dans les maladies génétiques neurodégénératives de la rétine.
Postdoctorante dans l’équipe « Thérapie géniques et modèles des maladies neurodégénératives » à l’Institut de la vision, à Paris, Juliette Pulman a été financée par la FRM durant son premier postdoctorat. Elle nous livre ses dernières avancées et les perspectives de son projet.
Après mon doctorat de pharmacie, je me suis orientée vers la génétique, via un master puis une thèse de sciences à l'Institut Imagine, à Paris. J’étudiais les mécanismes de maladies mitochondriales, des maladies très sévères et incurables qui provoquent souvent le décès en bas âge des enfants atteints. C’est ce qui m’a incitée à me tourner vers la recherche sur des traitements innovants dans un organe où ce serait réalisable. Grâce au soutien de la FRM, j’ai débuté en 2019 un postdoctorat dans l'équipe de Deniz Dalkara, à l’Institut de la vision, pour travailler sur des thérapies géniques dans les maladies rétiniennes neurodégénératives.
Mon deuxième postdoctorat est aujourd’hui en cours. L’objectif du projet est d’empêcher la dégénérescence des photorécepteurs – les cellules nerveuses de la rétine – dans certaines maladies génétiques qui, du fait d’une mutation, entraînent la cécité progressive des patients. Comment ? En modifiant la séquence du gène altéré dans ces cellules pour qu’il retrouve une séquence normale et produise la protéine saine correspondante. Le principal défi est d’atteindre ces photorécepteurs, organisés en une couche très dense de cellules dans la rétine.
En effet, nous avons développé une approche originale de transfert transitoire via le système bactérien CRISPR-Cas9 *. Cette option permet de modifier le gène cible dans les cellules, avant que la protéine bactérienne ne soit dégradée en quelques jours. Pour cela, nous n’utilisons pas de virus comme vecteur **, comme c’est classiquement le cas en thérapie génique : nous injectons directement la protéine Cas9 accompagné d’un ARN guide - qui cible la séquence que Cas9 va couper - dans l’espace situé sous la rétine. C’est un geste très technique, mais réalisable potentiellement chez l’humain.
Et nos résultats sont particulièrement encourageants chez la souris, puisque nous sommes parvenus ainsi à modifier 10 % des photorécepteurs. Un résultat significatif qui est au-delà de ce qui avait été réalisé jusqu’alors ! Cela apporte donc la preuve que notre approche est pertinente. Ce n’est qu’un début pourtant, car selon le type de maladie, ces 10 % de cellules transformées ne suffiront probablement pas à enrayer la perte de vision.
Tout d’abord, nous cherchons à améliorer l’efficacité de notre technique pour modifier davantage de photorécepteurs. Pour y parvenir, nous tentons d’entourer le complexe de transfert d’un revêtement composé soit de peptides *** susceptibles de cibler de manière spécifique les photorécepteurs, soit de polymères particuliers qui facilitent la pénétration au cœur de la couche extrêmement dense de photorécepteurs.
En parallèle, nous allons nous attacher à tester notre outil de transfert dans des modèles de souris mimant certaines maladies génétiques rétiniennes et disponibles dans notre laboratoire. L’idée est de réaliser la thérapie génique très tôt pour éviter la dégénérescence des cellules de la rétine. Nous souhaiterions cibler notamment le syndrome d’Usher, une maladie génétique responsable à la fois d’une cécité progressive et d’une surdité chez des enfants et adultes jeunes. L’oreille est un organe très comparable à l’œil, la même technique pourrait lui être appliquée. On peut dire que la FRM a permis de lancer les bases de ce projet d’envergure ! Avec également une dimension personnelle, puisqu’aujourd’hui je prépare les concours Inserm et CNRS pour devenir chercheuse statutaire.
L’équipe « Thérapie géniques et modèles des maladies neurodégénératives » à l’Institut de la vision, à Paris
Financement FRM accordé en 2019 à Juliette Pulman pour la réalisation d’un post-doctorat
Lexique
Publication : Pulman, J., Botto, C., Malki, H. et al. Direct delivery of Cas9 or base editor protein and guide RNA complex enables genome editing in the retina. Molecular Therapy - Nucleic Acids Vol. 35, December 2024. Lien DOI.
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