Cancer de l’estomac : lutter contre la bactérie Helicobacter pylori, un facteur de risque
Le cancer de l’estomac est souvent associé à une infection à la bactérie Helicobacter pylori. Chaque année, il touche environ 6 600 personnes en France. Les symptômes se manifestent par des douleurs abdominales, une fatigue et une perte de poids. Le diagnostic de ce cancer repose quant à lui sur une endoscopie et un bilan d’imagerie. Ces examens orientent la décision de traitement, qui peut combiner chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie.
La recherche explore le potentiel d’autres solutions, comme l’immunothérapie et les thérapies ciblées, ainsi que de nouvelles approches pour prévenir l’infection bactérienne présente dans 80 % des cas.
Quelques chiffres sur le cancer de l’estomac
En 2018, environ 6 600 nouveaux cas de cancer de l’estomac ont été diagnostiqués dans l’hexagone, d’après Santé publique France. Près de 4 300 personnes en seraient décédées cette même année. Selon l’Institut national du cancer (INCa), ces chiffres sont en diminution depuis une trentaine d’années.
Les hommes sont plus touchés que les femmes, représentant 65 % des cas. Aussi, le cancer de l’estomac affecte plutôt les personnes âgées de plus de 65 ans.
D’un point de vue pronostic, le taux de survie des patients serait de 25 % à 5 ans, mais diminué en cas de diagnostic tardif. Comme le précise l’INCa, il s’agit d’une moyenne, tous stades de cancers de l’estomac confondus, ce qui ne reflète donc pas la variabilité individuelle.
Qu’est-ce qu’un cancer de l’estomac ?
Dans 90 % des cas de cancers de l’estomac, le processus tumoral débute au niveau de la couche superficielle interne de l’organe. Ces cancers sont des adénocarcinomes. Les 10 % restant regroupent des cancers plus rares de l’estomac, comme les tumeurs endocrines et les tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST), qui affectent les tissus de soutien de l’estomac et des intestins, ou encore les lymphomes gastriques, qui se développent au niveau des cellules immunitaires de la paroi de l’estomac.
Les cancers de l’estomac se répartissent généralement dans deux grandes catégories : ceux touchant le cardia, la zone de jonction entre l’estomac et l’œsophage, et les « non cardia », qui atteignent le reste de l’estomac.
Quels sont les facteurs de risque du cancer de l’estomac ?
Les facteurs favorisant le développement d’un cancer de l’estomac sont nombreux, mais la plupart sont des facteurs modifiables, c’est-à-dire qu’il est possible d’agir sur eux pour diminuer le risque de cancer.
L’infection à Helicobacter pylori
Le rôle cancérigène de la bactérie Helicobacter pylori au niveau de l’estomac est confirmé depuis plusieurs décennies. En provoquant une infection chronique, la bactérie favoriserait l’apparition d’ulcérations et de cancers. Elle serait impliquée dans 80 % des cas de cancers de l’estomac, selon l’INCa, qui précise cependant que seules 1 % des personnes porteuses de la bactérie développent effectivement un cancer. Néanmoins, il est important de savoir si l’on est infecté ou non par Helicobacter pylori, d’autant plus si un proche l’est et a déclaré un cancer, car des traitements existent, associant une antibiothérapie à des molécules antiacides efficaces pour éliminer la bactérie.
Une alimentation déséquilibrée, l’alcool et le tabac
Une forte consommation d’aliments salés et fumés peut faciliter l’apparition du cancer de l’estomac. Le sel, combiné aux nitrites présents dans les charcuteries et les viandes transformées, forme notamment des produits cancérigènes. A contrario, une faible consommation de fruits, de légumes et de céréales augmente aussi le risque de développer un cancer de l’estomac, tout comme le tabac et une consommation excessive d’alcool.
Les ulcères et autres pathologies gastriques
Les ulcères gastriques sont des lésions de la paroi de l’estomac pouvant provoquer une inflammation chronique, augmentant le risque de cancer. La bactérie Helicobacter pylori est réputée pour favoriser leur apparition. Même après traitement et cicatrisation, les ulcères restent un facteur de risque conséquent, nécessitant une surveillance médicale régulière.
D’autres pathologies de l’estomac, à l’origine d’une inflammation de celui-ci ou de lésions, augmentent le risque de développer un cancer de l’estomac. Parmi elles, on retrouve le reflux gastro-œsophagien, et des affections plus rares comme la maladie de Biermer, la maladie de Ménétrier ou le syndrome de Barrett. Enfin, l’obésité serait aussi un facteur de risque potentiel du cancer de l’estomac, via l’inflammation qui se manifeste au cours de cette pathologie.
Les facteurs de risque génétiques
D’après l’INCa, 10 à 30 % des cas de cancers de l’estomac seraient associés à une prédisposition familiale. Celle-ci est suspectée lorsqu’un proche, les parents ou les frères et sœurs, rapporte un antécédent de cancer de l’estomac. Dans 1 à 3 % des cas, une mutation génétique est incriminée et peut engendrer un cancer héréditaire. Les mutations les plus fréquentes sont des anomalies au niveau du gène CDH1, associées au cancer gastrique diffus héréditaire (CGDH), ou des anomalies au niveau de gènes contrôlant la réparation de l’ADN. Par ailleurs, des travaux ont aussi montré que la mutation d’autres gènes, comme TLR1, ou l’absence du facteur de transcription USF1 favorisaient l’infection à Helicobacter pylori et donc le risque de cancer.
Zoom surComment prévenir un cancer de l’estomac ou une infection à Helicobacter pylori ?
Pour éviter de développer une infection par la bactérie Helicobacter pylori et courir le risque d’un cancer de l’estomac, un certain nombre de bonnes pratiques s’imposent :
- Se laver régulièrement les mains à l’eau savonneuse, en particulier après avoir été aux toilettes, après avoir touché un animal, avant de cuisiner ou de prendre un repas,
- Éviter les viandes rouges, la charcuterie, les aliments transformés, gras, fumés, trop salés ou trop sucrés, et les épices,
- Privilégier une alimentation saine, riche en céréales et en végétaux,
- Ne consommer que de l’eau potable et si possible des aliments bien cuits,
- Bien nettoyer les fruits et les légumes crus avant de les consommer,
- Réduire sa consommation d’alcool et de tabac, qui créent un terrain favorable à l’infection,
- Éviter de partager ses couverts ou sa brosse à dent pour limiter les transmissions.
Quels sont les symptômes du cancer de l’estomac ?
Les manifestations physiques du cancer de l’estomac sont nombreuses et trompeuses, car non spécifiques. De plus, les symptômes surviennent généralement après une période silencieuse au cours de laquelle le cancer a eu le temps de se développer et de s’installer.
La douleur du creux de l’estomac est fréquente et ressemble à celle de l’ulcère. On peut aussi retrouver des sensations de ballonnements, ou de brûlures. Il existe souvent une altération de l’état général qui se manifeste par une fatigue majeure, une perte d’appétit ou une perte de poids. D’autres signes sont moins évocateurs, comme le dégoût pour la viande, une fièvre prolongée et des vomissements. Par conséquent, le diagnostic d’un cancer gastrique ne peut être parfois établi que devant des signes tardifs, tels que des vomissements de sang ou des selles noires, également appelées méléna.
Comment le cancer de l’estomac est-il diagnostiqué ?
L’endoscopie pour dépister un cancer de l’estomac
L’examen de première intention pour diagnostiquer un cancer de l’estomac est l’endoscopie. Cet examen vise à introduire un tube flexible par la bouche sous anesthésie locale ou générale. Il permet une visualisation directe des parois stomacales et de leurs éventuelles lésions. Des prélèvements biologiques peuvent être effectués au cours du même examen afin de confirmer la présence de cellules cancéreuses. L’analyse de ces dernières permet de caractériser la nature de la tumeur, son lien éventuel avec Helicobacter pylori par exemple, ou la présence de changements moléculaires.
Le bilan de l’extension cancéreuse
En cas de cancer de l’estomac avéré, un scanner de l’abdomen permet de faire le bilan de l’extension cancéreuse. Il peut être complété par d’autres examens tels que l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) ou la tomographie par émission de positons (TEP). De nouvelles endoscopies peuvent aussi être réalisées, comme l’écho-endoscopie, une endoscopie couplée à une échographie, pour caractériser plus finement le stade de la tumeur et la profondeur de son infiltration dans la paroi de l’estomac, voire dans les ganglions. La cœlioscopie, qui consiste à introduire une caméra directement dans l’abdomen après incision, permet quant à elle de savoir si le cancer s’est étendu à d’autres zones voisines de l’estomac comme le péritoine ou le foie.
Quels sont les traitements du cancer de l’estomac ?
Plusieurs traitements peuvent être utilisés, seuls ou associés, pour soigner les patients atteints d’un cancer de l’estomac. Le choix de la thérapie dépend de l’avancée et de l’étendue de la maladie. Il est déterminé selon les résultats des différents examens précités.
La chirurgie
La chirurgie est la première possibilité de traitement pour les cancers localisés. L’objectif est de retirer au maximum les cellules cancéreuses. On parle de gastrectomie totale quand l’estomac est totalement enlevé, et de gastrectomie partielle lorsque seulement une partie est concernée. Le choix entre ces deux options est dirigé à la fois par la localisation de la tumeur et son étendue. Dans le cas d’une tumeur du cardia ou d’une tumeur du corps de l’estomac, la gastrectomie est totale et suivie d’une reconstruction, l’anastomose œso-jéjunale, qui vise à relier l’œsophage au jéjunum, la première partie de l’intestin grêle. Au contraire, si la tumeur touche l’antre ou le pylore de l’estomac, éloignés de l’œsophage, et qu’elle n’est évidemment pas trop étendue, une gastrectomie partielle reste possible.
Trois méthodes chirurgicales existent pour réaliser une gastrectomie. La chirurgie ouverte nécessite l’incision de l’abdomen. La **chirurgie laparoscopiqueùù, ou cœliochirurgie, est moins invasive. Elle est réalisée à l’aide d’une caméra introduite dans l’abdomen, permettant au chirurgien de limiter au maximum la taille des incisions abdominales, avec un risque plus faible de complications et un temps de récupération plus court. Enfin, la résection endoscopique s’effectue en passant par la bouche, avec une caméra associée à des outils chirurgicaux. Elle est réservée aux tumeurs précoces, de petite taille et non diffuses, c’est-à-dire limitées à la muqueuse, sans atteinte ganglionnaire.
La radiothérapie
La radiothérapie utilise des rayonnements ionisants à haute énergie pour détruire localement les cellules cancéreuses. Cette technique n’est utilisée que dans des cas spécifiques de cancers de l’estomac, comme les cancers avancés et métastatiques, ou les cancers touchant le cardia. La radiothérapie peut être associée à la chirurgie ou à la chimiothérapie pour augmenter les chances de succès du traitement.
La chimiothérapie
Elle vise à détruire les cellules cancéreuses et à empêcher leur multiplication grâce à des médicaments. Elle peut être combinée à la chirurgie et réalisée avant celle-ci (chimiothérapie néoadjuvante) pour diminuer la taille de la tumeur, ou après (chimiothérapie adjuvante) pour détruire les cellules tumorales résiduelles. Dans le cas des cancers de l’estomac localisés, ces deux options peuvent être associées. On parle alors de chimiothérapie périopératoire. Le protocole le plus courant pour celle-ci est appelé FLOT et consiste en la combinaison de plusieurs médicaments, en particulier le 5-fluorouracile, l’oxaliplatine, le docétaxel et l’acide folique. Dans le cas de cancers avancés et non opérables, la chimiothérapie permet de ralentir la progression de la maladie en diminuant le volume de la tumeur et sa diffusion, mais aussi de réduire les symptômes.
L’immunothérapie
L’immunothérapie vise quant à elle à stimuler le système immunitaire avec des médicaments pour qu’il combatte lui-même la tumeur. Comme pour d’autres cancers, cette voie de traitement s’avère prometteuse, mais fait encore face à des échecs, car tous les patients n’y sont pas sensibles. Les traitements les plus utilisés pour le cancer de l’estomac sont le nivolumab et pembrolizumab, prescrits lorsque des caractéristiques spécifiques ont été identifiées dans les tumeurs des patients, comme par exemple l’expression de la protéine PD-L1 ou une instabilité des microsatellites à l’origine d’hypermutations dans l’ADN. L’utilisation du nivolumab a récemment été approuvée pour une utilisation plus large, en post-opératoire pendant un an dans le cas de tumeurs du cardia.
Quels sont les axes de recherche sur le cancer de l’estomac ?
Comme pour tous les cancers, il est indispensable de comprendre les mécanismes de développement des tumeurs, afin d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques. La recherche actuellement menée sur le cancer de l’estomac se focalise sur deux principaux aspects : la prévention de la maladie et la mise au point de nouveaux traitements plus efficaces.
Lutter contre la bactérie Helicobacter pylori
En matière de prévention, une des voies privilégiées est la lutte contre les infections à Helicobacter pylori, qui favorisent l’apparition du cancer de l’estomac. Les scientifiques étudient comment la bactérie se multiplie, ainsi que ses effets sur les cellules de l’estomac. Ils ont identifié un des mécanismes d’action de la bactérie : elle injecte une toxine, CagA, dans les cellules saines de l’estomac, modifiant leur taille et leur multiplication, les transformant à terme en cellules tumorales. En élucidant plus finement ce mécanisme, les chercheurs espèrent trouver de nouvelles voies thérapeutiques, notamment antibiotiques.
De plus, tous les individus ne seraient pas égaux face à l’infection à Helicobacter pylori et au risque de développer un cancer de l’estomac. Des équipes ont identifié un marqueur de susceptibilité, USF1, associé au potentiel cancérigène de la bactérie. Un faible taux de cette molécule est associé à un mauvais pronostic du cancer.
Par ailleurs, en plus d’augmenter le risque de cancer de l’estomac, Helicobacter pylori empêcherait aussi certaines immunothérapies d’être pleinement efficace. La prévention et le traitement de cette infection bactérienne s’avèrent donc cruciaux dans la lutte contre les cancers de l’estomac.
Élargir les traitements pour le cancer de l’estomac
Du côté des thérapies, les chercheurs se concentrent sur deux voies de traitements innovantes du cancer de l’estomac : les immunothérapies et les thérapies ciblées. Pour ce qui est des immunothérapies, ils planchent sur la technologie des cellules CAR-T, qui consiste à prélever des cellules immunitaires du patient et à les modifier en laboratoire pour les rendre efficaces contre la tumeur une fois réinjectées.
En ce qui concerne les thérapies ciblées, l’objectif est de mieux caractériser les tumeurs de l’estomac d’un point de vue moléculaire afin de mettre au point des molécules les ciblant spécifiquement. Des essais cliniques sont en cours pour valider certaines stratégies. Les molécules testées visent la protéine FGFR2, surexprimée dans 20 à 30 % des cancers de l’estomac, la protéine HER2 et la claudine 18.2. Cette dernière est ciblée par le zolbetuximab, un composé qui, combiné à la chimiothérapie, a récemment montré sa capacité à prolonger la survie des patients atteints d’un cancer de l’estomac avancé ou métastatique. Le traitement est en attente d’approbation par les autorités sanitaires.
Le repositionnement de médicaments est aussi à l’étude. Des chercheurs américains ont par exemple mis en évidence la capacité du pyrvinium, utilisé dans le traitement de l’oxyurose, une infection intestinale, à détruire les cellules dans un état précancéreux, tout en protégeant la muqueuse gastrique. Cette molécule pourrait ainsi permettre de prévenir la survenue du cancer de l’estomac chez des personnes à risque.
Newsletter
Restez informé(e) !
Abonnez-vous pour recevoir les actualités et communications de la FRM, les projets et découvertes sur toutes les maladies…
Avec la FRM, votre don est un espoir de guérison
Soutenez les projets de recherche les plus prometteurs contre les cancers
Projets & découvertes financées grâce à vos dons
Voir tous les projets et découvertesNOS DOMAINES D'ACTION
Cancers