Santé cardiovasculaire des femmes : une adhésion aux traitements cardiovasculaires associée à l’adhésion à l’hormonothérapie chez les femmes atteintes d’un cancer du sein
Les maladies cardiovasculaires représentent, avec le cancer, les premières causes de mortalité chez les femmes. Pourtant les femmes sont souvent moins bien prises en charge que les hommes en matière de risques cardiovasculaires, car le sexe biologique et le genre social font le lit de profondes inégalités. Une tendance que de nombreux experts souhaitent inverser en informant les femmes des menaces particulières qui pèsent sur leur santé, et en développant des programmes de prévention et de recherche qui leurs sont tout particulièrement dédiés.
Santé cardiovasculaire de la femme : les chiffres clés
Près de 75 000 femmes meurent chaque année en France d’une maladie cardiovasculaire. Aujourd’hui, un infarctus sur quatre chez la femme survient avant 65 ans, contre un sur six il y a 20 ans.
Chaque année, près de 400 000 femmes sont hospitalisées à la suite d’une maladie cardiovasculaire, dont 33 % avant 65 ans.
D’après la Pr Claire Mounier Véhier, cardiologue et médecin vasculaire au CHU de Lille, plus des trois quarts des maladies cardiovasculaires pourraient être évitées par une bonne hygiène de vie et des mesures de prévention adaptées aux femmes.
De nombreuses questions soulevées
Chaque jour, en France, 204 femmes meurent d’une maladie cardiovasculaire contre 35 d’un cancer du sein. Pourtant, si nous avons toutes et tous entendu parler d’Octobre rose et du programme national de dépistage du cancer du sein, qui sait qu’il existe aussi une Journée mondiale du cœur, le 29 septembre, destinée à mieux informer sur les facteurs de risque cardiovasculaires ? Et comment ne pas s’inquiéter que près d’une femme sur deux entre 18 et 25 ans estime, à tort, que les maladies cardiovasculaires frappent avant tout les hommes (sondage réalisé par l’Ifop pour la Fédération française de cardiologie en 2023) ? Les experts s’accordent à dire que nous sommes en face d’une véritable crise sanitaire. Un constat d’autant plus inquiétant que cela concerne des femmes de plus en plus jeunes, et que la tendance n’est pas à la baisse.
En effet, une étude publiée en 2016 montrait que le taux d’hospitalisation pour infarctus du myocarde chez des femmes de 45 à 54 ans augmente d’environ 5 % par an alors qu’une autre datant de 2018 signalait une diminution importante de la prise en charge de l’hypertension chez les femmes, alors qu’elles sont toujours aussi nombreuses à en souffrir ! Or l’hypertension est le principal facteur de risque d’accident vasculaire cérébral. Comment expliquer une telle situation et surtout, comment y remédier ? Autant de questions auxquelles chercheuses et chercheurs tentent de répondre.
Des inégalités multiples
Les femmes sont particulièrement touchées par les pathologies cardiovasculaires. En effet, la première cause de mortalité féminine est l’accident vasculaire cérébral (AVC). Arrive ensuite l’infarctus du myocarde, dû le plus souvent à l’obstruction d’une artère coronaire qui alimente le cœur. Les artères coronaires sont fragilisées par l’athérosclérose, une pathologie favorisée par un excès de cholestérol et le tabac, mais aussi par la ménopause… Il y aussi les thromboses veineuses profondes qui sont des occlusions des veines des jambes par un caillot susceptible de migrer et de boucher une artère pulmonaire : survient alors une embolie pulmonaire, qui peut être fatale.
Un risque majoré dans certaines situations
Ce qui est paradoxal, c’est que les femmes sont naturellement plus protégées que les hommes face au risque cardiovasculaire, probablement grâce aux hormones œstrogènes. Mais il y a trois périodes clés dans leur vie où ce risque est majoré : - lorsqu’elles prennent une contraception à base d’œstrogènes non naturels qui favorisent la coagulation et augmentent donc le risque d’événement cardiovasculaire ; - pendant une grossesse où elles peuvent souffrir d’hypertension, de prééclampsie et/ou de diabète qui sont aussi des facteurs de risques cardiovasculaires ; - enfin, à la ménopause, où la chute brutale des hormones féminines leur fait rejoindre les hommes en matière de risques pour le cœur et les artères.
À cela il faut ajouter qu’elles sont de plus en plus nombreuses à fumer, à boire de l’alcool, à être sédentaires et à souffrir de stress. C’est d’autant plus inquiétant que les études montrent que face à ces facteurs de risque modifiables, les femmes sont plus vulnérables que les hommes.
Elles présentent également des risques qui leur sont propres : les femmes qui souffrent de migraines avec aura, d’un syndrome des ovaires polykystiques ou d’endométriose, celles qui ont subi une stimulation ovarienne ou une radiothérapie du thorax pour traiter un cancer du sein par exemple sont plus à risque cardiovasculaire.
Un dépistage moins bien réalisé et une prise en charge moins efficace
Plus à risque mais aussi moins bien dépistées, soignées et suivies que les hommes : pour les femmes c’est véritablement la double peine. En effet, si la mortalité globale par infarctus du myocarde a diminué de près de 80 % ces 30 dernières années, les femmes semblent ne pas en bénéficier, d’après les dernières données.
Les femmes payent un lourd tribut aux stéréotypes à tous les niveaux : elles se sentent moins concernées que les hommes en matière de risques, elles ont moins accès à la prévention, et lors de la phase aiguë d’un accident cardiovasculaire, les études montrent qu’elles sont prises en charge 15 à 30 min plus tard que les hommes et moins bien qu’eux. Enfin, elles sont aussi victimes de formes d’infarctus très particulières qui se manifestent par des symptômes spécifiques.
Étudier et réduire ces inégalités
Pour mieux comprendre ces inégalités et mettre en place des actions de prévention voire des traitements spécifiques, de nombreux projets de recherche existent.
- Ainsi, l’étude WAMIF vise à caractériser les femmes qui font un infarctus du myocarde avant 40 ans. Les résultats publiés en décembre dernier révèlent plusieurs facteurs de risque majeurs : 75 % des patientes hospitalisées sont fumeuses, et l’obésité est un facteur de risque dans 28 % des cas.
- Un travail est mené à partir du registre DISCO qui recense l’ensemble des dissections coronaires spontanées survenues en France depuis 2010, une pathologie qui concerne essentiellement la femme jeune et peut conduire à un infarctus.
- L’étude WHY-RDN vise à évaluer l’intérêt d’une approche interventionnelle appelée dénervation rénale, pour traiter l’hypertension artérielle pendant la grossesse, qui n’est pas toujours correctement prise en charge par les médicaments hypertenseurs.
- L’étude clinique PREDYNAMIQUES a pour but d’évaluer l’intérêt d’un coaching infirmier par téléphone pour améliorer l’adhésion aux traitements chez des femmes souffrant d’hypertension.
Compréhension, prévention, traitements, les recherches sont menées sur tous les fronts.
Améliorer l’information auprès des femmes
Pour améliorer l’information et le dépistage auprès des femmes, diverses initiatives ont aussi été lancées. C’est le cas par exemple du Bus du Cœur des femmes, qui va bientôt se décliner sous forme de Journées du Cœur des femmes : en amont de ces journées, qui auront lieu à différentes dates selon les villes, des professionnels de santé seront formés pour une meilleure sensibilisation et prise en charge des femmes ; puis durant deux jours, un établissement de santé accueillera les femmes pour leur proposer un parcours de dépistage et l’établissement d’un bilan de risque cardiovasculaire, et si besoin un suivi auprès d’un gynécologue ou d’un cardiologue.
Plus des trois quarts des maladies cardiovasculaires pourraient être évitées par une bonne hygiène de vie et des mesures de prévention adaptées aux femmes. C’est un levier essentiel que nous ne pouvons plus négliger.
Un bus pour le cœur des femmes
La prévention permettrait d’éviter 80 % des maladies cardiovasculaires, pourtant les femmes sont en général sous dépistées. Elles rencontrent aussi beaucoup de difficultés à trouver certains professionnels de santé (gynécologues, cardiologues…) et les plus précaires d’entre elles se retrouvent bien souvent en rupture de soins.
Pour toutes ces raisons, le fonds de dotation Agir pour le cœur des femmes a lancé en 2021 le Bus du cœur des femmes. Objectif : sillonner les routes de France pour venir à la rencontre des femmes et leur proposer gratuitement un bilan cardiovasculaire. Chaque année, le bus se rend dans dix à vingt villes. Les femmes sont invitées à s’y rendre par l’Assurance maladie et les centres de santé, ou peuvent s’y présenter spontanément pour réaliser un parcours en 10 étapes, avec notamment la réalisation d’un électrocardiogramme au repos et d’un dépistage artériel pour les femmes les plus à risque.
À l’issu de ces examens, pour celles qui en ont besoin, une proposition d’un parcours de soins est faite avec lettre au médecin traitant, prises de rendez-vous auprès d’un médecin cardiovasculaire et/ou d’un gynécologue ou sage-femme. Depuis septembre 2021 ce sont plus de 8 000 femmes qui ont pu bénéficier d’un dépistage gratuit dans le Bus du cœur des femmes.
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