Solidarité Ukraine : les témoignages

26 mars 2023

Nataliia est arrivée en France depuis le 11 mars 2022, elle travaille actuellement sur la chimiorésistance dans les cancers pédiatriques au sein de l'équipe de Catherine Brenner, grâce au Programme PAUSE soutenu par la FRM. Elles témoignent.

Témoignage

Nataliia Naumova, Scientifique ukrainienne, docteure en biologie/biochimie

Solidarité Ukraine : le témoignage de Nataliia Naumova, scientifique soutenue par la FRM et PAUSE

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Nataliia Naumova : Je m'appelle Nataliia Naumova, docteure en biologie/biochimie. Depuis le début de ma carrière, j'ai déjà occupé plusieurs postes de postdoc ou de professeure adjointe des universités en Lettonie, en Ukraine, en Allemagne, aux États-Unis, en République Tchèque, en Italie… jusqu'en janvier 2022, date à laquelle je suis revenue en Ukraine, dans mon institution d'origine : l'Université nationale Taras Shevchenko de Kiev.

Je suis également engagée dans la vulgarisation scientifique biomédicale. Je réalise notamment des interviews pour la radio et la chaîne ukrainienne « Science ».

Actuellement, je poursuis mes recherches scientifiques en France à l'Institut Gustave Roussy, METSY - CNRS UMR 9018 sous la direction du Dr Catherine Brenner, où je travaille dans le domaine de la recherche sur le cancer pédiatrique.


Où étiez-vous lorsque le conflit a éclaté ?

NN : J'étais dans une petite ville dans la maison familiale de mon mari à Gorenka, près de Hostomel, quand la guerre a commencé. J'ai passé 6 jours sous des bruits d'attaque permanents (la lutte anti-aérienne était à proximité de notre maison) et 5 jours sans électricité ni eau, presque en permanence au sous-sol. Je sais aujourd'hui ce que signifie avoir « soif » et je sais ce que signifie « peur animale ». Je n'étais pas sûre de survivre.


Quand et comment êtes-vous arrivée en France ?

NN : Après 6 jours à Gorenka, j'ai enfin pu rejoindre Kiev puis Lviv. Jai pu prendre le train interurbain de Lviv vers la Pologne (Przemyśl, puis Cracovie). Je suis arrivée en Pologne le 1er mars et j'ai immédiatement postulé pour le programme PAUSE en France. Je suis arrivée à Paris le 11 mars 2022. Je suis venue seule, ma famille, mes parents et grands-parents, mon mari, tous sont actuellement encore à Kiev.


Aviez-vous déjà travaillé en France avant cela ?

NN : Je n'avais jamais travaillé en France auparavant mais travailler pour le CNRS a toujours été l'un de mes rêves, j'avais d'ailleurs essayé de collaborer avec le Dr Catherine Brenner en postulant pour la bourse Marie Curie en 2013 !


Comment se déroule votre intégration dans le laboratoire ?

NN : J'apprécie vraiment l'ambiance très conviviale et accueillante du laboratoire et de l'équipe du Dr Brenner. Je m'y sens très à l'aise psychologiquement, tout le monde dans l'équipe est très solidaire et serviable.


Sur quel sujet travailliez-vous en Ukraine ?

NN : Mes principales activités de recherche et mon expérience se sont concentrées sur le fonctionnement des mitochondries, le transport du calcium dans les mitochondries polarisées et dépolarisées, la signalisation du calcium lors du couplage excitation-contraction, la diaphonie du calcium entre les mitochondries et le RE, les changements de stress oxydatif dans les mitochondries des cardiomyocytes, des cellules musculaires lisses et des neurones (mitochondries isolées, cellules permibialisées et culture cellulaire).


Sur quelle thématique de recherche travaillez-vous actuellement en France ?

NN : Le projet sur lequel nous travaillons au sein de l'équipe de Catherine Brenner porte sur la prévention de la chimiorésistance dans les cancers pédiatriques (la résistance à la doxorubicine et au méthothrexate). Je travaille avec des lignées cellulaires d'ostéosarcome humain HOS. Mon principal domaine d'intérêt scientifique est le fonctionnement des mitochondries, le transport du calcium dans les mitochondries, la dynamique mitochondriale, la mitophagie et l'autophagie.


L'allocation dont vous bénéficiez est d'une durée de trois mois, comment imaginez-vous l'après ?

NN : J'aimerais poursuivre mes recherches dans le domaine des cancers pédiatriques à l'Institut Gustave Roussy, dans le laboratoire METSY. Je suis déjà impliquée dans le projet et je pense pouvoir apporter mon expérience de recherche et mon enthousiasme scientifique dans l'équipe du Dr Brenner. Je serais heureuse de poursuivre mon travail dans ce laboratoire.


Un dernier mot à propos de ce soutien ?

NN : Je suis très reconnaissante envers le programme PAUSE. Il s'agit littéralement d'un programme « salvateur » et je n'ai pas de mots pour le remercier suffisamment de ce soutien pendant la période la plus difficile de ma vie. Je suis extrêmement reconnaissante pour cette aide.

 Son parcours 

  • 2007 : diplômée en biochimie avec mention en 2007 à l'Université nationale Taras Shevchenko de Kiev
  • 2007 à 2012 : chercheuse junior à l'Institut Palladin de biochimie, à lAcadémie nationale des sciences d'Ukraine
  • 2012 : obtention de son doctorat en biologie spécialité « Biochimie » - réalisation de plusieurs Post-Doc/Projets Internationaux en Allemagne, à l'Institut des Bio et Nano Systèmes Complexes, Forschungszentrum Jülich et en Lettonie à l'Institut de Biologie et Centre de Recherche en Photonique de l'Université de Lettonie
  • 2012-2013 : professeure adjointe à l'Université technique nationale d'Ukraine, professeure associée à l'Université nationale des technologies alimentaires en Ukraine
  • 2013 à 2018 : professeure adjointe/chargée de cours à l'Institut de biologie et de médecine de l'Université nationale Taras Shevchenko de Kiev, enseignement de la biomédecine, recherches sur la biochimie de la fonction mitochondriale et le stress oxydatif
  • 2015 : Prix DAAD (Deutscher Akademischer Austausch Dienst)
  • 2017 : Prix de la Fondation Heinrich Hertz
  • 2018 : US Fulbright Foundation Scholarship Award
  • 2019-2020 : chercheuse postdoctorale à l'Institut J. Heyrovsky de chimie physique, Académie tchèque des sciences à Prague, en République tchèque
  • 2020-2021 : chercheuse postdoctorale à la faculté de médecine de l'Université de Padoue, en Italie

Témoignage

Catherine Brenner, Directrice de recherche et d'unité au CNRS-Gustave Roussy-Université Paris Saclay

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Catherine Brenner : Je suis directrice de recherche DR1 CNRS et dirige une unité CNRS-Gustave Roussy-Université Paris Saclay d'une quarantaine de chercheurs, cliniciens et étudiants/postdocs. Nous travaillons dans le champ du métabolisme et de sa dérégulation dans le cancer à des fins thérapeutiques. Nous développons de nouveaux candidats médicaments, de nouveaux nanovecteurs et adénovirus pour la vaccination anti-tumorale.


Comment et pourquoi votre laboratoire s'est-il porté volontaire pour accueillir des chercheuses exilées dans le cadre du conflit ukrainien ?

CB : Notre unité regroupe plus de 10 nationalités et recrute de nombreux étudiants étrangers. Je suis donc sensibilisée aux différences interculturelles et, bien que la science soit apolitique, il est clair que les chercheurs voient leurs travaux et carrières influencés par les conflits dans le monde. J'ai trouvé de mon devoir d'accueillir des scientifiques poussés à fuir cette guerre. Deux directeurs de recherche d'origine russe m'avaient alertée sur la situation avant le début du conflit.


Comment s'est passée l'arrivée de la chercheuse au sein du laboratoire ?

CB : Plusieurs personnes (chercheurs, administratrice) se sont mobilisées pour organiser son arrivée par avion et prévoir un logement mis à disposition par le CNRS. Je pouvais correspondre avec Nataliia par mail et avec son père, scientifique lui-même, qui restait à Kiev. Tout s'est déroulé en une dizaine de jours.


Sur quoi travaillez-vous ? En quoi Nataliia participe-t-elle à vos travaux de recherche ?

CB : Mes travaux personnels portent sur le métabolisme, la mort cellulaire et la mitochondrie depuis 25 ans environ. Je travaille avec des chimistes et des cliniciens pour identifier des cibles thérapeutiques et des candidats médicaments pour les cancers pédiatriques. Un des mécanismes biologiques étudié est la signalisation calcique intracellulaire et particulièrement au niveau de la mitochondrie.
Nataliia est une experte de ces processus en termes de connaissances et de méthodologie. Elle a pu s'insérer directement dans le programme de recherche, m'aider à finaliser un article de revue et participe à l'encadrement d'étudiants de thèse sur plusieurs projets de recherche, à leur grande satisfaction.


L'allocation est d'une durée de trois mois, comment imaginez-vous l'après pour la chercheuse ? Pour vous ?

CB : J'espère qu'elle pourra bénéficier d'une prolongation du programme PAUSE et afin de la stabiliser, j'ai déposé deux demandes de financement de chercheur post-doctoral pour elle. Un chercheur de l'unité lui propose un CDD pour lui permettre d'attendre le résultat de ces demandes. A moyen terme, nous envisageons qu'elle postule sur un programme ATIP avenir ou une position plus stable, à l'université par exemple, ou au CNRS.


Auriez-vous quelques mots à dire sur le Programme PAUSE et sur le soutien de la FRM à une telle initiative ?

CB : Je suis admirative et fière que ce programme PAUSE puisse être proposé grâce à la FRM. J'ai moi-même bénéficié d'un programme FRM de création d'équipe et sais comment il est difficile de débuter dans la science. Nataliia a pu quitter son pays très rapidement au début du conflit et ce programme lui a donc permis de se mettre à l'abri et d'avoir un statut de scientifique ce qui est moralement très important. Je remercie infiniment PAUSE et la FRM.

Lesia est arrivée en France depuis le mois d'avril 2022, elle travaille actuellement sur l'insuffisance cardiaque dans l'équipe dirigée par Oksana Kunduzova et Angelo Parini, à Toulouse, grâce au Programme PAUSE soutenu par la FRM. Voici leur témoignage.

Témoignage

Lesia Savchenko, Scientifique ukrainienne, travaille sur l'insuffisance cardiaque

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Lesia Savchenko : Je m'appelle Lesia Savchenko et je suis assistante (chercheuse postdoctorale) du Département de médecine interne de l'Université médicale d'État de Poltava, en Ukraine. Parallèlement, je me consacre à mes recherches scientifiques.


Où étiez-vous lorsque le conflit a éclaté ?

LS : J'étais en Ukraine, dans ma ville natale de Poltava.


Quand et comment êtes-vous arrivée en France ?

LS : Je suis arrivée en France le 04 avril 2022 en bus, sans ma famille.


Aviez-vous déjà travaillé en France avant cela ?

LS : Oui, en 2017, dans le cadre du projet ERASMUS+ coordonné par l'Université Paul Sabatier. C'est là que j'ai travaillé une première fois dans l'équipe d'Oksana Kunduzova.


Comment se déroule votre intégration dans le laboratoire ?

LS : Je peux dire que ça marche bien et que j'aime vraiment ça. Les normes de travail scientifiques de ce laboratoire sont élevées, et l'équipement est très moderne, permettent de mener à bien mes travaux de recherche. Deux points auxquels j'accorde une grande importance. J'aime aussi beaucoup l'équipe du laboratoire et l'ambiance générale qui y règne.


Sur quelle thématique de recherche travaillez-vous actuellement en France ?

LS : Je poursuis mes travaux de recherche sur le remodelage fibrotique myocardique dans la progression de l'insuffisance cardiaque. C'était déjà le sujet de mes recherches en Ukraine également.


L'allocation dont vous bénéficiez est d'une durée de trois mois, comment imaginez-vous l'après ?

LS : Ce soutien du programme PAUSE et de la FRM me permet d'avoir une expérience précieuse que je pourrai utiliser dans ma future activité professionnelle et ma carrière, en Ukraine.

Un dernier mot à propos de ce soutien ?

LS : J'apprécie sincèrement l'aide que j'ai reçue grâce à ce soutien. En tant que scientifique dévouée, la chose la plus importante pour moi est de pouvoir mener mes recherches, et grâce à ce soutien, j'ai cette chance. J'en suis extrêmement reconnaissante.

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Les réponses d'Oksana Kunduzova et Angelo Parini, directeurs de l'équipe dans laquelle travaille Lesia en France

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Dirigée par Oksana Kunduzova (directeur) et Angelo Parini (co-directeur), l'équipe CERAMIC (Remodelage Cardiométabolique : Mécanismes et Microenvironnement) est implantée sur le site de l'hôpital Rangueil à lI2MC, INSERM UMR 1297 à Toulouse. Notre équipe associe des chercheurs et des cliniciens dont l'intérêt commun est de décrypter les mécanismes moléculaires et cellulaires impliqués dans l'initiation et la progression de l'insuffisance cardiaque. Au travers d'approches multidisciplinaires, nous caractérisons la nature des réseaux métaboliques dans le cœur dérégulés dans les maladies cardiovasculaires afin de déterminer si leur ciblage pharmacologique peut contribuer au développement de nouvelles stratégies de traitement.


Comment et pourquoi votre laboratoire s'est-il porté volontaire pour accueillir des chercheuses exilées dans le cadre du conflit ukrainien ?

Notre laboratoire entretient depuis de nombreuses années des liens étroits avec l'Université Médicale de Poltava et l'Université d'État de Médecine de Ternopol en Ukraine. Ces collaborations se concrétisent par l'accompagnement de doctorants, postdoctorants et des projets de recherche communs :

  • En 2013, notre équipe a piloté le projet MEDEA dans le cadre du programme Erasmus Mundus avec les universités d'Ukraine.
  • En 2017-2019, notre équipe a coordonné les deux projets de mobilité avec l'Ukraine dans le cadre du programme Erasmus+
  • 5 Publications communes

A travers cette collaboration de longue date, notre équipe est, et restera, la « maison d'accueil » pour les scientifiques réfugiés dans le cadre du conflit ukrainien.


Comment s'est passée l'arrivée de la chercheuse au sein du laboratoire ?

Lesia Savchenko a rejoint notre équipe dans le cadre du programme Erasmus+ en 2017 afin de finaliser son projet PhD. Face à la guerre, notre équipe a exprimé sa solidarité avec nos collègues ukrainiens, donc Lesia est arrivée à Toulouse au début du conflit ukrainien. Elle connaît déjà notre équipe et l'intégration a été facile.


Sur quoi travaillez-vous ? En quoi Lesia participe-t-elle à vos travaux de recherche ?

Notre équipe réunit une expertise unique et des outils issus de la recherche fondamentale et clinique pour caractériser les mécanismes moléculaires des réponses adaptatives/maladaptatives des cellules cardiaques dans la progression de l'insuffisance cardiaque. Au travers d'approches complémentaires comme la métabolomique, la transcriptomique, la culture 3D et le développement de modèles physiopathologiques cardiaques, nous caractérisons la nature des dérégulations métaboliques dans le cœur afin de développer de cibles thérapeutiques efficaces. Le projet de recherche de Lesia porte sur la description des mécanismes à l'origine de la fibrose cardiaque, un élément clé dans l'apparition et la progression de l'insuffisance cardiaque.


L'allocation est d'une durée de trois mois, comment imaginez-vous l'après pour la chercheuse ? Pour vous ?

Il s'agit d'une nouvelle étape dans notre collaboration de longue date entre I2MC (Toulouse) et l'Université Médicale de Poltava (Ukraine). Cet accueil de chercheuses ukrainiennes doit favoriser le transfert de certaines techniques issues de la recherche vers l'exploration en milieu hospitalier, dans la biologie. Elle doit également accélérer la diffusion des connaissances dans un cadre interdisciplinaire et permettre la montée en compétence des chercheurs de l'Université Médicale de Poltava, afin de retourner en Ukraine pour reconstruire le pays.


Auriez-vous quelques mots à dire sur le Programme PAUSE et sur le soutien de la FRM a une telle initiative ?

Les crises géopolitiques en Ukraine affectent les libertés académiques de nombreux chercheurs et mettent parfois en péril leurs recherches, leur vie et celle de leurs proches. Le soutien de la FRM dans le cadre du Programme national d'Accueil en Urgence des Scientifiques en Exil (PAUSE) permet à ces chercheurs en danger de poursuivre leurs travaux en France. Cette mission d'accueil et d'accompagnement est possible grâce à la générosité de donateurs de la FRM afin d'aider les chercheurs à faire évoluer leur carrière ; les lauréats PAUSE font face à des conditions personnelles difficiles et l'enjeu est de les aider à retrouver une stabilité professionnelle.

Nos remerciements s'adressent à l'ensemble des partenaires du programme pour leur mobilisation et l'accompagnement au quotidien des scientifiques en exil lauréats du programme PAUSE, en particulier la FRM et le Ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation.

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Inscrire la FRM dans son testament ou son assurance-vie, c'est un geste de solidarité et d'humanité qui contribue à protéger les générations futures.