Les promesses de l’immunité ancestrale
09 décembre 2024
Le biomimétisme connaît un essor exponentiel depuis plusieurs années. Cette approche pluridisciplinaire, qui consiste à s’inspirer du vivant pour développer des solutions innovantes et durables, se développe dans les laboratoires de recherche biomédicale. Robot chirurgical mobile calqué sur les tentacules du poulpe, caméras inspirées de la vision de la crevette-mante ou encore nez bioélectroniques pour diagnostiquer certaines affections… du diagnostic aux traitements en passant par les matériaux et dispositifs médicaux, le concept pourrait révolutionner la médecine de demain.
Deux expertes nous livrent leur vision du sujet.
Laura Magro
Directrice du développement scientifique du Ceebios (Centre d’études et d’expertises en biomimétisme)
Catherine Picart
Directrice de l’unité de recherche Biosanté et responsable de l’équipe « Biomimétisme et Médecine régénérative » au CEA de Grenoble
Au fil de l’évolution, la nature a sélectionné une diversité de stratégies performantes, résilientes et frugales en énergie : le vivant n’utilise que peu de matériaux, il s’autorépare, il recycle… Il constitue ainsi une source d’inspiration inépuisable pour innover, en particulier dans le domaine de la santé. C’est l’essence même du biomimétisme. Cette démarche durable s’appuie d’abord sur un panel de méthodologies dédié, par exemple la consultation de bases de données spécialisées qui répertorient les processus naturels. Et l’arrivée des technologies d’exploration de pointe, comme l’intelligence artificielle, permettent aujourd’hui d’analyser comme jamais l’ensemble des connaissances du vivant. Ensuite, sont pris en compte la notion de durabilité et le concept « One health », une approche globale mettant en lien santé humaine et environnement. Le biomimétisme est une méthodologie puissante pour répondre aux nombreux défis de notre époque. De fait, les pistes d’application sont infinies ! La medtech (les technologies au service de la santé) est un domaine qui bénéficie déjà du biomimétisme, avec par exemple la conception d’aiguilles de seringue indolores imitant la trompe du moustique, de matériaux antibactériens reproduisant la texture de la peau de requin, d’une solution de conservation de greffons issue de l’hémoglobine de ver marin. Du côté thérapeutique, on tente par exemple de puiser dans la « pharmacie » utilisée par certaines espèces animales. Et ce n’est qu’un petit aperçu du potentiel considérable de cette approche.
Toute démarche biomimétique démarre par l’étude et la compréhension des mécanismes biologiques. L’objectif ? Élaborer des modèles s’approchant des processus complexes du vivant. Ils visent à reproduire le fonctionnement d’une cellule, d’un groupe de cellules et jusqu’à un organe. Il peut s’agir, par exemple, d’un biomatériau en 2D ou en 3D imitant le milieu qui environne les cellules dans l’organisme et sur lequel on cultive les cellules étudiées. En ajoutant de manière contrôlée différents facteurs biologiques, il est ainsi possible de décortiquer, pas à pas, les cascades moléculaires et cellulaires d’un processus d’intérêt. Les biologistes s’associent fréquemment aux physiciens, aux chimistes, aux ingénieurs, aux bio-informaticiens. Ces derniers apportent leur concours à la méthodologie rigoureuse indispensable pour trier et extraire les informations qui permettront de s’orienter vers telle ou telle application. Parmi les voies d’avenir du biomimétisme, la médecine régénératrice sera certainement majeure : par exemple, en utilisant des biomatériaux implantables qui pourront être recolonisés localement par les cellules pour reconstruire un tissu endommagé. Autre grande voie prometteuse, les applications pour une médecine personnalisée. En utilisant des modèles biomimétiques adaptés, issus des échantillons biologiques de chaque patient, comme la reconstitution d’une tumeur miniature par exemple, il sera possible d’établir un diagnostic puis de tester préalablement un traitement. Autre exemple, la délivrance de médicaments via des nanocapsules qui miment la communication entre cellules et permettront un ciblage précis dans l’organisme. Et il y a encore bien d’autres pistes !
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