Grand Prix FRM 2019

02 octobre 2019

Nathalie Cartier-Lacave est lauréate 2019 du Grand Prix de la Fondation pour la Recherche Médicale. Directrice de recherche de classe exceptionnelle à l'Inserm, Nathalie Cartier-Lacave est responsable de l'équipe « Biothérapie des maladies neurodégénératives » à l'Institut du Cerveau et de la Moelle Épinière, à Paris.

Quand technique, maladie et gène se rencontrent

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Après son internat en Pédiatrie, Nathalie Cartier-Lacave rejoint le laboratoire d'Axel Kahn, à l'Institut Cochin, où elle se forme aux techniques émergentes de la biologie moléculaire et crée les premiers modèles murins de cancer.

Interne dans le service d'endocrinologie-neurologie pédiatrique, à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul, elle est confrontée à des enfants souffrants d'adrénoleucodystrophie (ALD) ; cette maladie rare et fatale, due à la dégénérescence de neurones, entraîne des atteintes motrices, la démence, puis la défaillance des fonctions vitales.

Elle décide alors de poursuivre ses recherches dans l'unité Inserm associée au service et dirigée par Pierre Bougnères. Patrick Aubourg vient d'y identifier le gène de l'ALD : elle s'engage avec lui dans une approche ambitieuse de thérapie génique.

Son but, substituer un gène sain au gène muté déficient dans la maladie et tenter de guérir ces enfants en leur greffant leurs propres cellules de moelle osseuse corrigées.

Premières mondiales dans les leucodystrophies

Treize ans de travaux leur sont nécessaires pour aboutir, en 2006, au premier essai chez quatre enfants, en collaboration avec l'équipe d'Alain Fischer.

En 2009, la publication de l'effet bénéfique du traitement a un retentissement mondial. L'arrêt de la progression de la maladie valide la pertinence de l'approche qui, pour la première fois, utilise le virus du SIDA (le VIH, rendu inoffensif) comme vecteur pour apporter durablement le gène sain au coeur des cellules cibles. Ce succès ouvre la voie vers la correction d'autres maladies génétiques fréquentes, comme les thalassémies ou la drépanocytose.

À ce jour, aucun effet toxique n'a été rapporté. Avec Patrick Aubourg, Caroline Sevin et Michel Zerah, Nathalie Cartier-Lacave montre ensuite la faisabilité d'une stratégie de thérapie génique chez des enfants atteints de leucodystrophie métachromatique, une autre maladie génétique neurodégénérative. Elle est basée sur l'injection intracérébrale d'un vecteur viral appelé AAV (virus adéno-associé) qui transporte le gène sain. Un essai clinique est réalisé.

Le cholestérol cérébral comme fil rouge

En parallèle, l'équipe met en évidence le rôle du cholestérol cérébral dans la genèse et la progression de plusieurs maladies neurodégénératives sévères : la maladie d'Alzheimer, la maladie de Huntington, les ataxies spinocérébelleuses et, plus récemment, la sclérose latérale amyotrophique (SLA).

Le cholestérol est un constituant essentiel au cerveau, puisqu'il participe à la construction des membranes cellulaires ; mais une barrière, la barrière hémato-cérébrale, empêche le cholestérol sanguin d'atteindre le cerveau.

Le cholestérol cérébral doit être fabriqué localement et sa concentration finement régulée. Tout excès est éliminé via une enzyme, appelée CYP46A1.

Or, dans toutes les maladies précédemment citées on observe une diminution de cette enzyme dans les neurones du cerveau. En s'accumulant, le cholestérol cérébral devient toxique pour les neurones.

Forte des expériences précédentes, Nathalie Cartier- Lacave conçoit alors un nouvel objectif d'envergure : utiliser la technique de thérapie génique intracérébrale pour apporter le gène codant CYP46A1 dans le cerveau des patients et restaurer le métabolisme du cholestérol cérébral. Les résultats précliniques obtenus montrent une correction des symptômes dans de nombreux modèles animaux. Un mécanisme commun responsable de la dégénérescence des neurones dans plusieurs maladies sévères est ainsi identifié et une stratégie thérapeutique proposée. Un premier essai thérapeutique dans la maladie de Huntington est prévu en 2021, basé sur les travaux réalisés en collaboration avec l'équipe de Jocelyne Caboche et Sandrine Betuing, première étape vers une application pour d'autres maladies, particulièrement la maladie d'Alzheimer.

Les travaux de l'équipe de Nathalie Cartier-Lacave pourraient ainsi voir dans les prochaines années des avancées significatives dans le traitement de maladies neurodégénératives face auxquelles la médecine est démunie aujourd'hui.

Entretien avec Nathalie Cartier-Lacave

Pourquoi avoir fait le choix de la recherche ?

Il y a peut-être un peu de génétique dans cela ! Mon père était biochimiste, il dirigeait le service de Biochimie de l'hôpital Necker. Etudiante, il m'a fait lire la double Hélice de James Watson; j'ai décidé de devenir médecin et chercheur.


Qu'est-ce qui a été déterminant dans votre parcours ?

Mes débuts au moment fécond du développement de la biologie moléculaire et de ses outils pour établir des modèles de maladie, pour utiliser les gènes en thérapie. Ensuite la rencontre avec Patrick Aubourg : nous avons plongé dans la thérapie génique, déterminés à traiter l'adrénoleucodystrophie. Récemment, la caractérisation d'un mécanisme commun à plusieurs maladies neurodé-génératives qui permet à mon équipe de proposer une stratégie thérapeutique unique pour plusieurs maladies rares ou fréquentes, génétiques ou non.


Ce Grand Prix de la FRM, que signifie-t-il pour vous ?

La FRM a joué un rôle essentiel dans mon travail et dans les réalisations de mon équipe. Ce Grand Prix est une reconnaissance du travail de toute l'équipe, de la détermination de chacun à ne jamais se décourager, à avancer. Nous sommes passionnés par la recherche mais plus encore par notre volonté de soigner des patients, même si c'est très long, même si c'est dif-ficile.

Ce prix, c'est la reconnaissance du talent, des compétences et des qualités humaines des personnes exceptionnelles qui m'entourent. Les résultats obtenus sont leurs résultats.

Choisir de nous donner ce Grand Prix c'est nous dire que nous sommes dans la bonne voie, que nous devons continuer, c'est nous en donner les moyens.

Ce Prix c'est ma vie. Ma vie est ma famille. Je dédie ce Prix à mes parents, mon frère et ma sœur, mon mari Roger Lacave et mes enfants, Elise, Jean-Baptiste et Gaspard ainsi qu'à ceux qui nous ont quittés et nous manquent tellement.

Savez-vous que transmettre à la Fondation pour la Recherche Médicale peut sauver des vies ?

Inscrire la FRM dans son testament ou son assurance-vie, c'est un geste de solidarité et d'humanité qui contribue à protéger les générations futures.