Explorer les mécanismes moléculaires pour améliorer les traitements
La mucoviscidose est une maladie génétique rare et grave qui touche environ 7 000 personnes en France. Affectant principalement les systèmes respiratoire et digestif, elle est causée par une mutation du gène CFTR, entraînant un épaississement du mucus dans les organes. Le dépistage néonatal permet un diagnostic précoce de la maladie, qui est essentiel pour une prise en charge adaptée. Grâce aux avancées médicales, notamment aux modulateurs de CFTR, la qualité de vie et l’espérance de vie des patients s’améliorent constamment.
Les recherches se poursuivent pour développer des traitements encore plus efficaces.
La mucoviscidose en chiffres
La mucoviscidose concerne environ 1 naissance sur 4 500 en France, soit 200 naissances par an selon l’Inserm. En 2021, 9 220 personnes étaient prises en charge pour cette pathologie dans l’hexagone, enfants comme adultes, d’après Ameli. Les patients atteints ont en moyenne 22 ans. La prévalence de la mucoviscidose est très variable selon les régions. L’ouest de la France, comme la Bretagne, est par exemple plus concerné que le reste du pays. Les Hauts-de-France et l’est sont aussi particulièrement touchés.
Les symptômes de la mucoviscidose peuvent se déclencher à n’importe quel âge, mais les formes les plus graves de la maladie sont généralement celles qui se déclarent dès la petite enfance. La mucoviscidose touche les hommes et les femmes sans distinction, les chiffres récents de l’Assurance maladie signalant 52,2 % d’hommes et 47,8 % de femmes atteints.
Enfin, dans les années 1960, la médiane de survie des malades de la mucoviscidose était de 5 ans. Grâce aux progrès thérapeutiques, elle est aujourd’hui comprise entre 40 et 50 ans, selon l’Inserm.
Qu’est-ce que la mucoviscidose ?
La mucoviscidose est une maladie génétique rare due à la mutation du gène CFTR. Comme son nom l’indique, la pathologie est liée au mucus visqueux. Elle se caractérise en effet par une augmentation de la viscosité du mucus produit par les cellules, qui exerce différentes fonctions, notamment le nettoyage de l’organisme. La mucoviscidose touche principalement les poumons et donc la fonction respiratoire, mais également le système digestif, les voies sexuelles, les voies ORL et le pancréas. La gravité des atteintes est variable selon les individus et dépend du type de mutation portée.
La mucoviscidose est une maladie héréditaire, c’est-à-dire que le gène muté est transmis par les parents, sans pour autant qu’eux-mêmes soient malades. Elle se manifeste le plus souvent dans les premiers mois de vie ou tôt dans l’enfance. Il s’agit d’une maladie complexe, qui peut être mal comprise, d’où l’importance de démêler le vrai du faux.
Quelles sont les causes de la mucoviscidose ?
La mutation du gène CFTR à l’origine de la mucoviscidose
La mucoviscidose est une maladie génétique liée à l’altération d’un gène localisé sur le chromosome 7, le gène CFTR (cystic fibrosis transmembrane conductance regulator), qui contrôle la synthèse de la protéine du même nom. La protéine CFTR joue quant à elle le rôle de « canal » dans la paroi cellulaire. Sa fonction normale est de réguler le transport des ions chlorures au travers de cette paroi. Dans la mucoviscidose, le gène CFTR est muté, rendant cette protéine soit anormale, soit absente. Le chlore ne circule plus correctement à travers la paroi cellulaire, entraînant des déséquilibres importants. Les fluides corporels n’ont notamment plus assez d’eau, engendrant une augmentation de leur viscosité, une mauvaise évacuation et une inflammation locale.
On connaît aujourd’hui plus de 2 000 variants, ou formes mutées, du gène CFTR. Parmi eux, 400 variants sont liés à la déclaration d’une mucoviscidose. Certains sont sans conséquence, d’autres provoquent des pathologies plus ou moins graves. En France, environ 82 % des malades atteints de mucoviscidose sont porteurs de la mutation F508del, ou ΔF508, selon l’AP-HP. Cette mutation provoque un mauvais repliement de la protéine CFTR, ce qui a pour conséquence son élimination par les cellules ou un mauvais fonctionnement au niveau de la paroi cellulaire.
Comment se transmet la mucoviscidose ?
La mutation du gène CFTR est à transmission autosomique récessive. Le chromosome 7 sur lequel la mutation est présente est un chromosome autosome par opposition aux chromosomes sexuels. La récessivité signifie qu’il faut être porteur de deux copies mutées du gène CFTR pour déclarer la maladie. C’est pour cette raison que les parents d’un enfant malade peuvent être des porteurs sains. Ils ne possèdent chacun qu’une seule copie du gène muté et ne présentent donc pas la pathologie. Mais un enfant issu de deux parents porteurs d’une seule version mutée du gène CFTR présente des risques d’avoir deux copies mutées du gène et donc de déclarer la maladie.
Si les deux parents sont atteints de mucoviscidose, l’enfant hérite forcément de deux copies mutées du gène CFTR. Il est donc inévitablement touché par la pathologie. Si les deux parents sont des porteurs sains, l’enfant a 25 % de chances d’être atteint de mucoviscidose, 50 % de chances d’être porteur sain à son tour, et 25 % de chances de n’hériter d’aucune mutation du gène. Si un seul parent présente une mutation du gène CFTR, l’enfant peut en hériter, mais ne développera pas la maladie. Lorsqu’il y a des antécédents familiaux de mucoviscidose, même lointains, un test génétique peut être réalisé pour vérifier la présence ou l’absence de la mutation CFTR chez un descendant.
Quels sont les symptômes de la mucoviscidose ?
La mucoviscidose se caractérise par une augmentation de la viscosité des sécrétions corporelles et par une inflammation au niveau des épithéliums sécrétoires, les tissus qui recouvrent la surface du corps ou ses cavités internes et qui sécrètent des substances au profit de l’organisme. La mucoviscidose atteint donc tous les organes, et plus particulièrement les voies respiratoires et digestives.
Les complications respiratoires de la mucoviscidose
Dans la mucoviscidose, le mucus produit par les bronches devient plus épais et s’évacue beaucoup moins bien. Il en résulte un encombrement des voies aériennes qui favorise les infections pulmonaires chroniques. L’épaississement du mucus bronchique se traduit également par une gêne respiratoire, une toux récurrente et des expectorations. Ces symptômes peuvent s’aggraver et une insuffisance respiratoire chronique peut se mettre en place.
Les atteintes digestives de la mucoviscidose
Du point de vue digestif, la mucoviscidose altère la consistance du mucus intestinal, ce qui empêche une absorption normale des nutriments et agit sur la consistance des selles en provoquant notamment une constipation chronique. La maladie peut également toucher les organes sécréteurs tels que le pancréas et le foie. Les atteintes du pancréas entraînent des troubles digestifs, liés à une diminution de la digestion des graisses (diarrhées), ainsi que du diabète par le blocage de la sécrétion d’insuline. Les lésions hépatiques peuvent quant à elles conduire à une cirrhose. Globalement, les atteintes digestives peuvent conduire à une dénutrition, elle-même source d’autres problèmes.
Les autres symptômes de la mucoviscidose
Outre les atteintes respiratoires et digestives, la mucoviscidose s’accompagne très souvent d’une infertilité, surtout chez l’homme, ainsi que de problèmes dans la sphère ORL, ou oto-rhino-laryngologique, avec notamment l’apparition de polypes nasaux.
Comment se fait le diagnostic de la mucoviscidose ?
Le test de Guthrie pour le dépistage néonatal de la mucoviscidose
Depuis 2002, un test néonatal est quasi systématiquement réalisé à partir d’un prélèvement sanguin au quatrième jour de vie. C’est le test de Guthrie, qui vise à dépister de manière précoce plusieurs maladies graves. Dans le cas de la mucoviscidose, on recherche une teneur anormale en « trypsine immunoréactive », un dérivé du trypsinogène, qui est une enzyme principalement produite par le pancréas. En temps normal, le trypsinogène est envoyé vers l’intestin grêle, où il intervient dans la digestion des protéines. Chez les enfants atteints de mucoviscidose, l’épaississement du mucus empêche ce transfert du pancréas vers l’intestin grêle. L’enzyme s’accumule alors dans le sang. C’est ce qui est relevé lors de l’examen. Si le test de Guthrie s’avère positif pour la mucoviscidose, deux examens complémentaires sont réalisés avec l’accord des parents : un test sudoral et une analyse génétique.
Le test sudoral pour confirmer le diagnostic
Pour confirmer une mucoviscidose, les praticiens peuvent avoir recours à un « test sudoral ». Il s’agit de recueillir la sueur du patient afin de déterminer sa teneur en chlore. Les personnes atteintes de mucoviscidose présentent en effet une concentration en chlore dans la sueur supérieure à la normale.
L’analyse génétique pour préciser le diagnostic
Une analyse génétique peut aussi être réalisée afin de connaître les mutations du gène CFTR impliquées dans la pathologie, et donc de préciser le diagnostic, le pronostic et la prise en charge la plus adaptée. Cette analyse est aussi l’occasion de proposer aux parents un conseil génétique éclairé pour les grossesses ultérieures, par exemple le recours à un diagnostic préimplantatoire visant à éviter la transmission des mutations à la descendance.
Le bilan post-diagnostic pour évaluer les atteintes
Une fois le diagnostic de mucoviscidose posé, un bilan complet est réalisé afin de mettre en place une prise en charge adaptée. Cela comprend un examen des fonctions respiratoires et digestives pour mesurer l’atteinte causée par la maladie, ainsi que la recherche d’un diabète, car il peut s’agir d’une des conséquences de la détérioration du pancréas.
Quels sont les traitements de la mucoviscidose ?
Les patients atteints de mucoviscidose sont le plus souvent pris en charge de manière pluridisciplinaire dans des centres spécialisés sur cette pathologie.
Les mesures hygiénodiététiques
La prise en charge des malades atteints de mucoviscidose implique des mesures diététiques : régime équilibré hypercalorique éventuellement supplémenté en éléments essentiels, apport d’enzymes pancréatiques et de sodium avec des adaptations en cas de diabète… Le maintien d’une activité physique est également un point important de la prise en charge.
La kinésithérapie pour améliorer la fonction respiratoire
Dès le diagnostic de la mucoviscidose, des séances de kinésithérapie respiratoire quotidiennes sont mises en place pour évacuer le mucus avec une aide mécanique éventuelle. Le rythme des séances varie selon le besoin du patient, et peuvent aller jusqu’à deux par jour. Des médicaments sont aussi utilisés pour fluidifier les sécrétions bronchiques ou dilater les bronches. Enfin, des thérapies permettent de prévenir et de traiter les éventuelles infections pulmonaires.
La greffe pulmonaire pour gagner de l’espérance de vie
Lorsque la maladie a beaucoup progressé, la transplantation pulmonaire peut parfois se montrer nécessaire pour remplacer les deux poumons du patient. Elle améliore l’espérance de vie et la capacité respiratoire mais ne guérit pas la mucoviscidose. Il faut donc continuer à suivre les traitements.
La révolution des médicaments modulateurs de CFTR
Ces dernières années, des progrès considérables ont été faits dans la prise en charge de la mucoviscidose grâce à la découverte des médicaments modulateurs de CFTR. Le premier d’entre eux, l’ivacaftor (Kalydeco), permet d’augmenter la probabilité d’ouverture du canal CFTR. Il est autorisé en France depuis 2012 pour les malades porteurs de certaines mutations rares du gène CFTR, soit environ 5 % des patients français selon la Haute autorité de santé (HAS). Dès les premières semaines de traitement, ce médicament améliore la fonction respiratoire et augmente la prise de poids, offrant une meilleure qualité de vie aux patients.
D’autres molécules, comme le lumacaftor, le tezacaftor et l’elexacaftor, permettent de corriger l’acheminement de la protéine CFTR jusqu’à la paroi cellulaire. Depuis 2015, des bithérapies associant l’ivacaftor et le lumacaftor (Orkambi) ou le tezcaftor (Symkevi) sont ainsi utilisées pour améliorer la fonction pulmonaire et la qualité de vie des malades porteurs de deux copies de la mutation F508del.
Depuis 2020, une trithérapie associant l’ivacaftor, le tezacaftor et l’elexacaftor (Kaftrio) est aussi disponible en France. Elle a transformé la vie et certainement le pronostic des patients porteurs d’une ou deux mutations F508del, en permettant une amélioration sensible de la fonction respiratoire.
Quels sont les axes de recherche sur la mucoviscidose ?
Le principal volet de la recherche dans le domaine de la mucoviscidose réside dans la poursuite des travaux menés sur les traitements curatifs. Un grand nombre de thérapies en cours de développement visent à rétablir la fonction normale de la protéine CFTR. D’autres ciblent les réseaux de protéines secondaires ou directement le gène en cause dans le développement de la maladie.
Analyser et augmenter l’efficacité des modulateurs de CFTR
Les nouveaux traitements développés contre la mucoviscidose, tels que le Kaftrio, ont montré des effets impressionnants et une capacité à changer le cours de la maladie. Ces thérapies soulèvent néanmoins de nouvelles questions, par exemple concernant leurs mécanismes d’action ou leurs effets à long terme. Les chercheurs s’intéressent à ces différentes questions en vue d’optimiser l’efficacité et l’utilisation de ces médicaments.
Un autre axe exploré est la différence d’efficacité selon les patients. Certains malades ne répondent peu, voire pas, à ces nouveaux traitements. Chez d’autres, les effets secondaires sont très importants. Des recherches sont menées afin de mieux comprendre les raisons de ces observations et de prévoir à l’avance la meilleure combinaison de molécules pour chaque patient. Une étude réunissant plusieurs équipes de recherche françaises a récemment montré qu’un traitement, combinant le Kaftrio et le Kalydeco, et initialement indiqué pour les patients porteurs de la mutation F508del, pouvait également fonctionner chez la moitié de patients ne présentant pas cette altération génétique.
Les investigations menées sur les modulateurs de CFTR pourraient s’avérer utiles dans d’autres pathologies où cette protéine est en cause, comme certaines maladies du foie ou du pancréas, la bronchopathie obstructive du fumeur ou encore la stérilité masculine. Continuer à explorer ce domaine pourrait ainsi avoir des retombées plus larges que la seule prise en charge de la mucoviscidose.
Identifier de nouvelles cibles pour soigner la mucoviscidose
La découverte des modulateurs de CFTR ne freine pas les recherches pour l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques exploitables dans la pathologie. Les scientifiques étudient notamment les réseaux de protéines indirectement touchés par les dysfonctionnements de la protéine CFTR. La correction des défauts engendrés au niveau de ces réseaux pourrait constituer une approche complémentaire pertinente pour mieux prendre en charge les patients.
Cibler directement la mutation responsable de la pathologie est aussi une piste envisagée. Des travaux ont par exemple montré dans des modèles cellulaires et précliniques que la substance active d’un champignon pouvait réparer un type de mutation en cause dans la mucoviscidose. Des approches de thérapie génique visent elles aussi à corriger directement les mutations impliquées, ou leurs conséquences primaires, comme la production d’ARN messagers défectueux conduisant à la synthèse d’une protéine CFTR anormale.
Alléger les symptômes de la mucoviscidose
En parallèle de la recherche de traitements curatifs, un autre objectif est de prévenir et soulager les symptômes vécus par les malades. La mucoviscidose accroît par exemple le risque d’infection pulmonaire d’origine bactérienne, qui peut être particulièrement résistante. Des travaux ont mis en évidence un mécanisme associé à cette persistance qui pourrait être ciblé pour mieux combattre ces bactéries et diminuer le risque de complication chez les patients atteints de mucoviscidose. Dans cette même ligne, des travaux ont également été menées pour apporter des solutions aux problèmes osseux pouvant se manifester au cours de la maladie.
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