Sclérose en plaques : mieux caractériser les mécanismes immunitaires protecteurs


La sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune affectant plus de 120 000 personnes en France et 2,8 millions d’individus dans le monde. Elle se manifeste par une destruction de la myéline qui entoure et protège les fibres nerveuses dans le cerveau et la moelle épinière, entraînant des symptômes moteurs et cognitifs variables selon les patients. La sclérose en plaques constitue la première cause de handicap non traumatique chez les jeunes adultes.
Grâce à des recherches sur le processus de remyélinisation et à de nouvelles molécules comme les inhibiteurs de BTK, des progrès sont réalisés pour améliorer les traitements et la qualité de vie des patients atteints de SEP.
La sclérose en plaques (SEP) atteint préférentiellement les adultes jeunes, en moyenne autour de l’âge de 30 ans. Cette pathologie concerne 2,8 millions de personnes dans le monde selon la Fédération internationale de la sclérose en plaques (MSIF).
En France, l’Inserm précise que 4 000 à 6 000 nouveaux cas sont dépistés chaque année et que la maladie est la première cause de handicap sévère d’origine non traumatique chez les jeunes adultes. Parmi les près de 123 000 français pris en charge pour une sclérose en plaques en 2021, Ameli met en évidence 72 % de femmes.
La sclérose en plaques est une maladie auto-immune dans laquelle le système immunitaire du malade attaque la myéline dans le cerveau et la moelle épinière. La myéline est une membrane qui forme une gaine autour des prolongements des neurones, les axones, et permet une bonne conduction de l’influx électrique dans le cerveau, à l’instar des gaines des fils électriques. Lorsque la myéline est endommagée, l’information n’est plus transmise correctement. Par la suite, une inflammation s’installe au niveau des lésions, aussi appelées plaques de démyélinisation, accélérant le processus de destruction de la gaine. La fibre nerveuse, rendue vulnérable par la perte de myéline, finit souvent par dégénérer.
On distingue trois formes de scléroses en plaques : la forme rémittente, la forme secondairement progressive et la forme progressive d’emblée. D’après l’Inserm, 85 % des scléroses en plaques débutantes sont des formes rémittentes.
La forme rémittente est caractérisée par une alternance de poussées, associées à la dégradation de la myéline et à l’inflammation, et de phases de remyélinisation, avec une régression partielle ou totale des symptômes. Le temps entre deux poussées est très variable selon les patients. Il peut s’étendre de quelques mois à plusieurs années. Avec l’âge, la récupération lors des phases de rémission peut devenir plus difficile et laisser place à des handicaps. Après quelques années ou décennies d’évolution, une part importante des malades voient leurs symptômes s’aggraver de façon continue. On parle alors de forme secondairement évolutive ou progressive de la maladie.
La forme progressive d’emblée correspond quant à elle à la persistance et à l’aggravation des symptômes. Souvent plus sévère que les autres, cette forme se rencontre fréquemment chez les patients ayant déclaré la maladie après 40 ans.
Les facteurs de risque de la sclérose en plaques restent mal connus. Pour l’instant, aucun des facteurs identifiés ne permet à lui seul d’expliquer la survenue de la pathologie : la SEP est une maladie multifactorielle impliquant à la fois des paramètres génétiques et environnementaux.
Plus de 200 variants génétiques en cause dans la sclérose en plaques ont été mis au jour, mais il est important de préciser que cette pathologie n’est pas héréditaire. La présence de ces variants chez un individu augmente son risque de développer une SEP. Ce risque est plus élevé lorsqu’un parent du premier degré est atteint. Chez les jumeaux, si l’un d’eux est malade, le risque du frère ou de la sœur se situe entre 20 et 30 % d’après la MSIF.
Plusieurs facteurs de risque environnementaux sont en cours d’investigation, comme le tabagisme, actif ou passif, les polluants respiratoires ou la vitamine D. À propos de cette dernière, il a été montré qu’au niveau mondial, la sclérose en plaques suit une règle dite « gradient Nord-Sud » : les malades sont plus nombreux dans les pays scandinaves que sur le pourtour du bassin méditerranéen. Une explication se trouverait dans un manque d’ensoleillement et donc possiblement de vitamine D.
Le rôle d’un agent infectieux suspecté depuis longtemps, le virus d’Epstein-Bar, a par ailleurs été confirmé en 2022. Il faut tout de même préciser qu’une très large majorité de la population est porteuse de ce virus et ne développe pas pour autant une SEP. Enfin, contrairement aux idées reçues, il n’existe aucun lien entre la vaccination contre l’hépatite B ou le papillomavirus et le développement de la sclérose en plaques.
Les symptômes engendrés par la sclérose en plaques sont très variables. Ils dépendent des patients et de la zone où sont situés les neurones dont les prolongements sont touchés par la démyélinisation.
Enfin, la sclérose en plaques provoque d’autres symptômes, comme une fatigue intense, invisible, mais particulièrement handicapante, des troubles urinaires (difficultés à uriner), des troubles digestifs (constipation) et des troubles sexuels (troubles de l’érection). Tous ces symptômes peuvent avoir un fort retentissement sur la qualité de vie et conduire à un réel handicap. À terme, le patient peut rencontrer des problèmes pour maintenir son activité professionnelle.
Le diagnostic de la sclérose en plaques repose d’abord sur un examen neurologique et une imagerie par résonance magnétique (IRM) permettant de mettre en évidence les lésions cérébrales générées par la maladie, les fameuses « plaques » de démyélinisation. En revanche, ces plaques ne sont pas corrélées à la sévérité des symptômes. Les mécanismes de plasticité, c’est-à-dire du remodelage ou de la réorganisation des neurones au fil des expériences vécues, pourraient être impliqués, mais d’autres phénomènes à élucider sont très probablement à l’œuvre. Pour établir le diagnostic de la sclérose en plaques, il faut constater une dissémination dans le temps, avec des lésions d’âges différents, et dans au moins deux régions du système nerveux.
Des examens supplémentaires peuvent compléter ce premier bilan, comme une ponction lombaire, à la recherche d’une inflammation au niveau du système nerveux central, ou un fond d’œil, afin d’éliminer d’autres causes possibles aux symptômes.
Les traitements dits de fond ont pour objectif de diminuer la fréquence des poussées et de ralentir la progression de la SEP en agissant sur le système immunitaire. Différents médicaments sont envisagés, avec une efficacité et des effets secondaires variables. Les immunomodulateurs, comme l’interféron bêta, l’acétate de glatiramère, le dimethyl fumarate ou encore le teriflunomide, constituent souvent des traitements de première ligne de la sclérose en plaques. Ils visent à freiner le système immunitaire pour limiter l’intensité de la réaction inflammatoire. Ils réduisent de 30 à 50 % la fréquence des poussées selon l’Inserm.
Les immunosuppresseurs, comme le fingolimod, les anti-CD20 ou le natalizumab, sont généralement utilisés en tant que traitements de seconde ligne. Ils ciblent les cellules immunitaires afin de bloquer plus fortement l’inflammation. Leur efficacité sur la fréquence des poussées est supérieure à 50 %, toujours selon l’Inserm. L’usage des immunosuppresseurs est cependant réservé aux formes les plus graves de la maladie, car ils exposent à un risque d’infections opportunistes, le système immunitaire étant globalement très affaibli. De plus, certains traitements peuvent être prescrits sur le long temps, d’autres non.
Plusieurs stratégies sont possibles avec les immunosuppresseurs. L’escalade thérapeutique consiste à commencer par les moins puissants et moins risqués, et à augmenter progressivement et si besoin leur intensité. L’induction thérapeutique consiste au contraire à frapper fort d’emblée. Dans certains cas, des immunosuppresseurs comme l’ocrelizumab peuvent être employés en tant que traitement de première intention.
Lors des poussées de sclérose en plaques, de fortes doses de corticoïdes sont administrées aux patients pour calmer l’activité de leur système immunitaire et ainsi, réduire la durée des crises. En marge, d’autres thérapies peuvent permettre d’atténuer les symptômes de la maladie. La douleur peut être traitée par des antalgiques et les épisodes dépressifs par des antidépresseurs et une psychothérapie adaptée. Au quotidien, une rééducation par kinésithérapie et l’intervention d’un ergothérapeute peuvent être proposées aux malades pour améliorer leur qualité de vie, notamment leur mobilité.
Dans ce domaine, des chercheurs ont par exemple mis au point un test biologique pour mieux détecter les atteintes précoces du cervelet, qui informeraient sur la progression future de la sclérose en plaques. L’usage de l’intelligence artificielle commence également à faire ses preuves dans le diagnostic précoce de la pathologie. Par ailleurs, de nouvelles méthodes d’imagerie sont en cours de développement pour quantifier précisément l’atteinte neuronale, offrant une meilleure évaluation de l’évolution de la SEP. Enfin, les biomarqueurs digitaux pourraient s’avérer être une piste intéressante pour le suivi de la sclérose en plaques et l’amélioration de la prise en charge des patients.
La remyélinisation fait l’objet de nombreuses recherches. Des travaux ont montré que des défauts de ce processus dans certaines zones du cerveau sont associés à une neurodégénérescence accrue, et qu’au contraire une remyélinisation précoce avait un effet neuroprotecteur, renforçant l’urgence de la soutenir. Les chercheurs s’intéressent ainsi aux mécanismes qui permettent de restaurer la myéline, afin de les stimuler. Des molécules spécifiques comme la clémastine et ses dérivés sont en cours de développement pour favoriser la formation de nouvelles gaines de myéline. Des thérapies cellulaires telles que la greffe d’oligodendrocytes ou de cellules souches font aussi partie des voies explorées.
Un autre enjeu de la recherche en matière de remyélinisation est de comprendre les différences entre patients, qui peuvent être de « bons » ou « mauvais » remyélinisateurs. Ce phénomène pourrait impliquer des spécificités au niveau du système immunitaire, notamment des lymphocytes T et des macrophages. Les études se poursuivent tant à l’échelle moléculaire que dans le domaine de l’imagerie pour mieux appréhender ces différences individuelles.
Cibler avec précision les phénomènes moléculaires responsables de la destruction de la myéline dans le cerveau et la moelle épinière constitue une piste pour optimiser l’efficacité des thérapies dans le cadre de la sclérose en plaques. Ainsi, des anticorps monoclonaux de nouvelle génération sont conçus pour se fixer sur certaines cellules immunitaires et bloquer leur action contre la myéline, comme le frexalimab, dont un essai de phase 2 a récemment montré le potentiel. Au contraire, il est aussi possible de stimuler les cellules immunitaires ayant des effets protecteurs telles que les lymphocytes B régulateurs.
Pour finir, on peut également citer de premiers résultats prometteurs concernant les inhibiteurs de BTK. Ces molécules bloquent une enzyme produite par les cellules immunitaires et sont capables de pénétrer dans le système nerveux central, ce que ne font pas la plupart des médicaments actuels. Dans les formes rémittentes de SEP, ils diminuent efficacement l’inflammation et pourraient favoriser la remyélinisation. Plusieurs essais de phase 3 sont en cours pour les formes progressives de la maladie. L’un d’entre eux a ainsi confirmé la capacité du tolebrutinib à réduire l’accumulation du handicap.
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