Stress et anxiété : quel est l’impact de la nicotine sur les troubles psychiatriques ? Entretien avec Jacques Barik
13 mars 2025
Stress et anxiété : quel est l’impact de la nicotine sur les troubles psychiatriques ? Entretien avec Jacques Barik
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En résumé
Jacques Barik est enseignant-chercheur, à la tête de l’équipe « Physiopathologie des Circuits Neuronaux et du Comportement » à l'Institut de Pharmacologie Moléculaire et Cellulaire de Sophia Antipolis.
Financement accordé à Jacques Barik en 2018 pour une équipe FRM sur 3 ans. La FRM a par la suite poursuivi son soutien, dont une somme de 450 000 allouée en 2024 dans le cadre de l’appel à projets « Equipe FRM ».
Le tabagisme est souvent retrouvé chez les patients atteints de pathologies psychiatriques.
Pourquoi ? Quel est l’effet de la nicotine dans ces maladies ?
Les réponses de Jacques Barik, enseignant-chercheur à la tête de l’équipe « Physiopathologie des Circuits Neuronaux et du Comportement » à l'Institut de Pharmacologie Moléculaire et Cellulaire de Sophia Antipolis.
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La découverte en détails
Pourquoi étudier la dépendance au tabac chez les patients atteints de maladies psychiatriques ?
Il existe une sur-représentation du tabagisme chez les patients touchés par une maladie psychiatrique. En population générale, environ 20 % des individus fument. Chez les patients dépressifs, ce chiffre grimpe à 40-45 % selon les formes de la maladie, et il atteint 90 % chez les schizophrènes.
Ces écarts ne sont pas anodins. Nous nous sommes interrogés : pourquoi ces deux phénomènes coexistent-ils ? Existe-t-il des mécanismes cérébraux communs ? Certains disent qu'il existe une forme d'automédication, c'est-à-dire que le tabac permettrait d'alléger certains symptômes dépressifs. Nous avons souhaité explorer cette hypothèse.
Vos recherches ont abouti à une découverte contre-intuitive sur la nicotine et le stress. Pouvez-vous nous en parler ?
Nous avons montré que la nicotine est un facteur de risque de dépression parce qu'elle exacerbe les effets du stress. Cette découverte nous a pris à contre-pied car il était communément admis que la nicotine, administrée de manière chronique, pouvait améliorer les symptômes dépressifs. Or, en analysant les mécanismes biologiques, nous avons observé l’inverse. Cette contradiction a donné lieu à plusieurs articles très intéressants et remis en question de nombreux a priori.
Les mécanismes ont-ils été caractérisés ?
Il existe probablement plusieurs voies communes au développement des états dépressifs et addictifs. Ainsi, la nicotine augmente la susceptibilité au stress favorisant ainsi l’apparition de symptômes de la dépression et inversement, le stress facilite le développement de l’addiction.
Parmi les voies communes concernées, il y a « le système de la récompense », dont le nom me semble relativement inapproprié. Traditionnellement, on associe le système de récompense à des expériences agréables : manger du chocolat, interagir socialement… Mais il est aussi activé de manière aberrante par des substances addictives comme la nicotine. Il est aussi fortement sensible aux évènements aversifs comme une exposition à un stress. Nos travaux ont montré que le stress social pouvait profondément déréguler ce système. Et que ces dérégulations étaient causalement liées à l’apparition des symptômes dépressifs.
Vous vous êtes également intéressés à l’impact de la nicotine sur les adolescents…
La période de l'adolescence est une période de vulnérabilité pour le cerveau, durant laquelle de nombreux troubles psychiatriques trouvent leur origine. C’est aussi une période où le cerveau est encore relativement malléable. Nous avons exploré l’effet du stress et de la nicotine sur son développement.
Dans une étude en collaboration avec l’équipe du Dr Philippe Faure 1, nous avons montré qu’une brève exposition à la nicotine chez un rongeur adolescent laisse une empreinte durable. Une fois adulte, l’animal conserve des altérations cérébrales, comme si la nicotine avait « congelé » le développement du circuit de la récompense, figeant ainsi certains comportements et entravant leur maturation. Les adolescents exposés à la nicotine pourraient ainsi développer une fragilité vis-à-vis de l’addiction.
Nous réalisons actuellement des expériences similaires avec le stress pour voir si les effets sont comparables, et comment ces deux facteurs se combinent.
Lexique
- Directeur de recherche, à la tête l’équipe « Neurophysiologie et comportements » au laboratoire « Plasticité du cerveau » de l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris.
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Pour aller plus loin
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Troubles anxieux : explorer le rôle de certaines cellules cérébrales dans la régulation émotionnelle
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