Tout savoir sur le cancer de la peau

Le cancer de la peau, dont les formes principales incluent les carcinomes et les mélanomes, touche autour de 140 000 - 240 000 cas. Majoritairement lié à une exposition excessive aux UV, il peut être prévenu par des mesures de protection solaire. Le dépistage précoce du cancer de la peau est essentiel, et le traitement dépend de la gravité : chirurgie, immunothérapie et thérapies ciblées sont couramment utilisées. Les recherches actuellement menées sur ce cancer explorent des stratégies innovantes pour améliorer les soins et le diagnostic.

Cancer de la peau, on en parle ? Avec Pr Thierry Passeron, dermatologue

Le point de vue de l'expertPr Thierry Passeron

Quand on parle de cancer de la peau, il y en a beaucoup : il existe des cancers extrêmement fréquents, et à l'opposé il existe des cancers plus rares, d'une sévérité et d'une gravité plus importante.

Quelques chiffres sur les cancers de la peau

Selon Santé publique France, entre 141 200 et 243 500 cas de cancers de la peau sont diagnostiqués chaque année en France. Environ 70 % de ces cancers sont des carcinomes basocellulaires, 20 % des carcinomes épidermoïdes et 10 % des mélanomes, selon l’INCa.

L’INCa précise également que 17 922 nouveaux cas de mélanomes cutanés ont été recensés en 2023 en France métropolitaine et que 1 920 décès liés à ces cancers ont été observés en 2021. Les mélanomes surviennent généralement après 50 ans, mais ils affectent de plus en plus les jeunes adultes. Ces cancers sont parmi ceux ayant la plus forte augmentation d’incidence entre 2010 et 2018.

Qu'est-ce que le cancer de la peau ?

Il existe plusieurs types de cancers de la peau. Leurs caractéristiques sont différentes selon les cellules dont ils sont issus.


Les carcinomes cutanés

Les carcinomes « basocellulaires » prennent naissance à partir des cellules situées en profondeur de l’épiderme, la couche la plus superficielle de la peau. C’est la forme la plus fréquente de cancer de la peau. Les carcinomes basocellulaires n’évoluent que localement et ne forment presque jamais de métastases, c’est-à-dire qu’ils ne s’étendent pas à d’autres organes. Ils se situent généralement sur le visage, au niveau du cou, ou encore sur le haut du tronc.

Les carcinomes « spinocellulaires » ou « épidermoïdes » ont quant à eux pour point de départ des cellules situées en surface de l’épiderme. Ils présentent un risque plus élevé que les carcinomes basocellulaires, avec une plus grande capacité à former des métastases. Ces cancers peuvent se développer sur l'ensemble du corps, y compris sur les muqueuses buccales et génitales.


Les mélanomes cutanés

Les mélanomes sont des tumeurs qui se forment à partir des mélanocytes, les cellules en charge de la production de mélanine, molécule donnant sa pigmentation à la peau. Au départ, les mélanomes se développent horizontalement, soit à partir d’un grain de beauté existant, soit à partir d’une tâche pigmentée sur la peau. Ils s’étendent ensuite dans des couches plus profondes de la peau. On distingue ainsi les mélanomes in situ, restreints à l’épiderme, et les mélanomes invasifs, ayant atteint le derme, la couche moyenne de la peau localisée sous l’épiderme.

En outre, les mélanomes sont les cancers de la peau les plus agressifs. Comparés aux carcinomes, ils forment plus facilement des métastases étendues à l’ensemble de l’organisme.

Quels sont les facteurs de risque du cancer de la peau ?

On distingue deux grands types de facteurs de risque de cancer de la peau : les risques environnementaux, comme l’exposition au soleil, et les risques individuels, comme le phototype, les taches de rousseur, les grains de beauté et les antécédents familiaux.


L’exposition aux rayons UV

Le plus important facteur environnemental du cancer de la peau est l’exposition aux rayonnements ultraviolets (UV), qu’ils soient naturels, provenant du soleil, ou artificiels, comme dans les cabines de bronzage. Selon Santé publique France, plus de 85 % des cancers de la peau sont liés à une exposition excessive au soleil !

Les rayons UV ont la capacité de traverser les différentes couches de la peau et la membrane des cellules. Ils peuvent alors causer des lésions au niveau de l’ADN des cellules, ce qui peut conduire à leur transformation en cellules tumorales. On comprend alors pourquoi le principal moyen de prévention des cancers de la peau reste encore et toujours de se protéger du soleil : exposition à des heures où les rayons solaires sont les plus faibles en été, protection avec de la crème solaire et port de vêtements ne laissant pas passer les UV.


Le phototype et la couleur de la peau

Plusieurs phototypes ont été identifiés, suivant la couleur de la peau et la couleur des cheveux. Ces phototypes reflètent la sensibilité aux rayons UV : plus le phototype est clair, plus le risque de développer un cancer de la peau est élevé.


Les taches de rousseur et les grains de beauté

La présence de taches de rousseur en grand nombre est considérée comme un facteur de risque individuel. De même, le nombre de grains de beauté est associé au risque de développer un mélanome, d’autant plus s’ils sont atypiques.


D’autres facteurs de risque individuels

En dehors des principaux facteurs de risque précédemment mentionnés, d’autres paramètres peuvent accroître le risque de développer un cancer de la peau :

  • Les antécédents familiaux de cancer cutané,
  • Certaines maladies affectant la peau telles que l’albinisme oculocutané ou xeroderma pigmentosum, aussi connue sous le nom de « maladie des enfants de la lune »,
  • L’exposition au soleil durant l’enfance et les coups de soleil répétés à ce stade,
  • L’affaiblissement du système immunitaire lié à la prise d’un traitement immunosuppresseur ou à des infections ou maladies telles que le VIH et les leucémies.

Zoom surComment éviter un cancer de la peau ?

Pour prévenir l’apparition d’un cancer de la peau, il est primordial d’accorder une attention particulière à ses habitudes d’exposition aux rayons UV. Plusieurs règles de base s’appliquent :

  • Éviter de s’exposer au soleil entre 12 heures et 16 heures,
  • Limiter au maximum l’exposition et rechercher l’ombre,
  • Se couvrir le corps, si possible avec des vêtements anti-UV, et porter des lunettes de soleil,
  • Appliquer de la crème solaire avec un indice de protection 30 minimum (50 pour les enfants) toutes les 2 heures et systématiquement après la baignade,
  • Protéger tout particulièrement les enfants et les adolescents,
  • Ne pas s’exposer aux lampes de bronzage par UV car elles augmentent le risque de développer un mélanome et qu’il est inutile de chercher à préparer sa peau au soleil.

Comment dépister un cancer de la peau ?

L’importance d’un dépistage précoce

Le dépistage précoce du cancer de la peau est essentiel, car plus il est pris en charge tôt, plus le pronostic est bon. Les mélanomes ont en particulier un fort potentiel métastatique : ils peuvent se propager rapidement à d’autres tissus de l’organisme. Selon l’INCa, la survie à 5 ans est de 98 % pour un mélanome localisé, 62 % en cas d’extension locorégionale et seulement 15 % pour un mélanome métastasé.


Premier réflexe, l’auto-examen de la peau

Pour détecter tôt un éventuel cancer de la peau, un des meilleurs moyens est d’être soi-même vigilant, en observant l’évolution de ses grains de beauté et l’apparition d’anomalies sur la peau. Il est essentiel de ne pas hésiter à consulter un spécialiste en cas de doute. Prendre des photos de ses grains de beauté peut aussi aider à suivre leur évolution dans le temps.


La règle ABCDE pour analyser ses grains de beauté

Pour savoir si un grain de beauté doit alerter, il existe une méthode d’observation simple fondée sur 5 critères. Si un ou plusieurs de ces critères sont observés, il ne s’agit pas forcément d’un mélanome, mais cela devrait encourager à consulter un dermatologue.

  • Asymétrie : le grain de beauté n’est pas rond ou ovale, ou présente un relief irrégulier.
  • Bords irréguliers : le contour du grain de beauté est irrégulier ou mal délimité.
  • Couleur : la couleur du grain de beauté n’est pas uniforme.
  • Diamètre : le diamètre du grain de beauté est supérieur à 6 mm.
  • Évolution : la taille, l’épaisseur, la forme ou la couleur du grain de beauté change avec le temps.

À quelle fréquence faut-il contrôler ses grains de beauté ?

La fréquence de contrôle des grains de beauté dépend des antécédents et des facteurs de risque de développer un cancer de la peau. Selon Ameli, l’existence de facteurs de risque nécessite des contrôles réguliers, au moins une fois par an chez le dermatologue, ainsi que des auto-examens tous les 3-4 mois. Cette fréquence peut être adaptée par le médecin après un premier examen de la peau. En l’absence de facteurs de risque, il est toujours pertinent d’être vigilant sur l’état de sa peau et de ne pas hésiter à consulter un spécialiste en cas d’inquiétude.

Comment se fait le diagnostic du cancer de la peau ?

Le bilan dermatologique

Lors d’une consultation, le dermatologue observe la peau de l’ensemble du corps, en prenant note des observations du patient. En cas de doute sur une lésion cutanée, suggérant un cancer, il utilise un appareil spécifique, le dermatoscope, qui permet de visualiser la peau « en profondeur » avec un très fort grossissement.


La biopsie et son analyse

En cas de suspicion de cancer de la peau, le dermatologue peut pratiquer une biopsie totale ou partielle de la lésion, afin qu’une analyse anatomopathologique soit par la suite réalisée en laboratoire. Le plus souvent, la lésion est retirée en intégralité avant d’être d’analysée.


Le bilan complémentaire

Lorsque l’analyse de la biopsie confirme un cancer de la peau, un bilan complémentaire est réalisé. Il peut comprendre un examen sanguin et des examens d’imagerie visant à mieux caractériser l’extension du cancer. Diverses techniques sont utilisées, notamment la radiologie conventionnelle, l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) et le scanner. Une analyse moléculaire des cellules tumorales est également pratiquée pour rechercher des mutations génétiques spécifiques pouvant orienter la décision de traitement.

Quels sont les traitements du cancer de la peau?

Les traitements varient selon la gravité et l’extension du cancer de la peau au moment de sa découverte. Les différents examens réalisés lors du diagnostic sont clés dans la prise de décision thérapeutique.


La chirurgie

Qu’il s’agisse d’un carcinome ou d’un mélanome, la chirurgie est le traitement le plus courant du cancer de la peau. Elle consiste à retirer la lésion cutanée incriminée de manière totale et large pour éliminer l’ensemble des cellules cancéreuses et éviter ainsi l’extension et les récidives de la maladie. La chirurgie peut aussi être appliquée pour retirer les métastases qui se seraient formées ailleurs dans l’organisme.

Parmi les techniques utilisées, outre l’exérèse, on peut citer la cryothérapie, qui consiste à brûler par le froid les lésions superficielles telles que les carcinomes, ou encore la chirurgie au laser, pour les lésions peu avancées. La chirurgie peut aussi concerner les ganglions lymphatiques adjacents à la lésion. On parle dans ce cas d’exérèse du ganglion sentinelle. Elle a pour objectif de savoir si le ganglion contient lui aussi des cellules cancéreuses, signe de l’expansion d’un mélanome. Si davantage de ganglions sont retirés, l’opération est qualifiée de curage ganglionnaire.

La cicatrisation après la chirurgie d’un cancer de la peau est un sujet important, car dans le cas de lésions de taille importante, le résultat esthétique peut représenter un problème pour le patient. Plusieurs stratégies de cicatrisation existent. Elles ont recours à des pansements spéciaux, des lambeaux de peau ou des greffes de peau.


L’immunothérapie

Cette dernière décennie a été marquée par l’apparition d’un nouveau traitement indiqué pour la prise en charge des mélanomes : l’immunothérapie. Elle consiste à stimuler le système immunitaire afin qu’il s’attaque aux cellules cancéreuses. Ce traitement a permis une véritable amélioration du pronostic vital des patients atteints des formes les plus sévères de cancer de la peau.

Il existe plusieurs types d’immunothérapies. Certaines molécules sont administrées par voie intraveineuse à l’hôpital, comme le nivolumab ou le pembrolizumab, qui sont des anticorps monoclonaux. D’autres ont une action locale et peuvent être injectées directement au niveau de la lésion. C’est le cas du T-Vec (Imlygic), fabriqué à partir d’un virus de l’herpès modifié dans le but de cibler et de détruire les cellules du mélanome.


Les thérapies ciblées

Les thérapies ciblées constituent également une voie de traitement innovante dans le cas des mélanomes. Il s’agit de molécules qui ciblent certains mécanismes moléculaires spécifiques aux cellules cancéreuses afin de les bloquer. Ces thérapies sont proposées lorsque l’analyse moléculaire des cellules tumorales indique une mutation sur certains gènes, comme BRAF, CKIT, MEK ou NRAS. Elles sont administrées par voie orale sous la forme de cachets.


La chimiothérapie

La chimiothérapie, qui utilise des molécules anticancéreuses plus classiques, peut être testée si les autres thérapies ont échoué. Le recours à ces molécules tend cependant à diminuer depuis le développement des immunothérapies qui présentent moins d’effets secondaires.


La radiothérapie

La radiothérapie consiste à délivrer des rayonnements ionisants pour irradier et détruire les tissus cancéreux. Elle peut être utilisée dans le cas où la chirurgie ne suffit pas à éradiquer l’intégralité de la tumeur et des métastases associées.

Quels sont les axes de recherche sur le cancer de la peau ?

Identifier de nouvelles cibles thérapeutiques

Les chercheurs traquent de nouvelles cibles biologiques dans les cellules cancéreuses afin de mettre au point des thérapies plus performantes pour soigner le cancer de la peau. Pour cela, il leur est indispensable de comprendre les mécanismes en jeu dans le développement et la progression de la maladie. Ils étudient par exemple le rôle des modifications génétiques ou du microenvironnement tumoral, en particulier d’un point de vue immunitaire et vasculaire.

Dans le cas du mélanome métastatique, les chercheurs essaient de comprendre le rôle des lipides issus des cellules tumorales dans la propagation du cancer. Leur intérêt se porte également sur les adipocytes, les principales cellules du tissu graisseux, qui présentent un lien avec les lipides et la progression tumorale. Des travaux ont notamment montré que l’obésité, au-delà d’accroître le risque de cancer de la peau, augmente aussi leur agressivité. La protéine p16, suppresseur de tumeur, serait impliquée, car elle moins exprimée par les cellules adipeuses chez les sujets obèses.


Optimiser l’utilisation des traitements existants

Des essais associant immunothérapies et thérapies ciblées sont menés en vue de lutter contre les formes de cancer de la peau les plus agressives. De telles combinaisons thérapeutiques pourraient améliorer le pronostic des patients. Les chercheurs tentent également de savoir quand le recours à l’immunothérapie est le plus efficace. Ainsi, certains travaux visent à évaluer les effets de l’administration de l’immunothérapie avant la chirurgie, avec de premiers résultats prometteurs en faveur de cette approche.

D’autres études ont pour objectif d’identifier des biomarqueurs prédictifs de la réponse à l’immunothérapie, ce qui permettrait d’adapter les traitements aux caractéristiques de chaque patient. L’analyse du microbiome pourrait aussi permettre de prédire la réponse au traitement. En effet, la greffe de microbiote intestinal d’un donneur sain à un patient atteint par un mélanome a montré des effets bénéfiques sur l’efficacité de l’immunothérapie et ses effets secondaires.

Le repositionnement thérapeutique est enfin une autre voie envisagée, avec par exemple l’exploration du potentiel d’un antidiabétique courant, la metformine, dans le traitement des mélanomes.


Lutter contre les résistances aux thérapies et les récidives

La compréhension de l’origine des résistances aux immunothérapies et aux thérapies ciblées est un autre axe de recherche dans le domaine du cancer de la peau. En effet, l’efficacité de ces traitements peut être transitoire seulement, et les cancers peuvent reprendre leur progression au bout de quelque temps. Dans d’autres cas, les patients font face à des récidives : le cancer réapparaît après avoir été vaincu une première fois.

Tous ces phénomènes peuvent être liés au fonctionnement et aux propriétés des cellules tumorales en elles-mêmes ou à d’autres caractéristiques propres au patient, voire même à certains traitements. Mieux les comprendre pourrait permettre aux chercheurs d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques à même de détruire les cellules cancéreuses définitivement. Une équipe de recherche a récemment apporté les premières preuves du potentiel d’un antifibrotique, le nintedanib, contre la résistance aux thérapies ciblées dans le mélanome.


Améliorer le dépistage et le diagnostic

Il existe aussi des recherches effectuées du côté du dépistage du cancer de la peau. Des équipes se sont en particulier intéressées à l’utilisation de l’intelligence artificielle pour analyser des images cutanées, par exemple des grains de beauté, en vue de la recherche d’éventuels cancers de la peau en formation. Quelques expériences montrent l’intérêt de cette approche pour aider le dermatologue à poser son diagnostic.

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