Maladie de Parkinson : la sévérité de certaines atteintes cérébrales est corrélée aux troubles non moteurs
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La maladie de Parkinson, deuxième maladie neurodégénérative la plus fréquente après la maladie d’Alzheimer, touche plus de 270 000 personnes en France, avec 25 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année. Liée à la perte progressive de neurones dopaminergiques, elle provoque chez les patients des troubles moteurs et cognitifs. Les traitements actuellement utilisés, comme la L-dopa ou la stimulation cérébrale profonde, soulagent les symptômes, sans stopper la progression de la pathologie.
La recherche explore des approches novatrices, telles que l’immunothérapie, la thérapie génique et la thérapie cellulaire, pour ralentir la maladie et améliorer la qualité de vie des patients.
Neurologue à l'hôpital de la Pitié-Salpétrière (AP-HP Paris), il nous éclaire sur la maladie de Parkinson et les enjeux de la recherche médicale pour stopper sa progression.
La France compte environ 272 500 personnes atteintes de la maladie de Parkinson, selon le Ministère des solidarités et de la santé. En moyenne, 25 000 nouveaux cas sont dépistés chaque année, dont 83 % après 50 ans. La maladie de Parkinson est ainsi la deuxième maladie neurodégénérative la plus fréquente derrière la maladie d’Alzheimer et la deuxième cause de handicap moteur chez l’adulte après les accidents vasculaires cérébraux (AVC). Enfin, Santé publique France précise que cette pathologie est 1,5 fois plus fréquente chez l’homme que chez la femme.
La maladie de Parkinson est due à la disparition progressive de certains neurones, les neurones dopaminergiques, qui produisent la dopamine. Ce phénomène se déroule d’abord dans une région particulière du cerveau, la substance noire, avant de s’étendre à d’autres zones et types de neurones. Cette dégénérescence provoque une baisse de la synthèse de dopamine, une substance qui permet la transmission de l’information entre les neurones, et qui est essentielle au contrôle des mouvements, à la motivation et à bien d’autres fonctions cognitives et émotionnelles.
L’étude de formes génétiques rares a permis de mettre en évidence une protéine, l’alpha-synucléine, impliquée dans la physiopathologie de la maladie de Parkinson. Cette molécule s’accumule de manière anormale dans les neurones pour former des agrégats appelés « corps de Lewy ». On parle alors de « synucléinopathie ». À l’image de la protéine tau dans la maladie d’Alzheimer, l’alpha-synucléine est une protéine existant naturellement dans le cerveau, mais dans la maladie de Parkinson, elle change de conformation et s’agrège. Cette modification a par ailleurs la capacité de se propager d’un neurone à l’autre. Les chercheurs pensent que les corps de Lewy sont à l’origine de la dégénérescence des neurones dopaminergiques responsables des symptômes moteurs associés à la maladie. Présents dans d’autres types de neurones de diverses régions du cerveau, ils sont aussi très probablement la cause des autres symptômes de la maladie.
Deux mécanismes pathologiques supplémentaires seraient incriminés dans la maladie de Parkinson : une atteinte des mitochondries, les centrales énergétiques des cellules, et une inflammation dans le cerveau, liée à la neurodégénérescence.
La maladie de Parkinson est multifactorielle. Chez la grande majorité des malades, elle est le résultat d’une interaction entre des facteurs génétiques de type susceptibilité et des facteurs environnementaux, tels que l’âge, l’exposition aux pesticides ou à certains métaux, alors que le tabac et le café pourraient au contraire jouer un rôle protecteur.
En France, il existe des centaines de familles au sein desquelles plusieurs personnes sont atteintes de maladie de Parkinson. Il s’agit de formes héréditaires rares et qui se déclenchent en général tôt. Elles sont liées à des mutations affectant une vingtaine de gènes spécifiques, comme le gène de l’alpha-synucléine, le gène de la parkine, le gène LRRK-2 ou encore, le gène de la glucocérébrosidase. Ces gènes sont impliqués dans différents mécanismes biologiques, comme le fonctionnement des mitochondries, des voies de recyclage intracellulaire ou l’immunité. D’après l’Inserm, 5 % des cas sont héréditaires et 15 % sont associés à des antécédents familiaux de la pathologie.
Les symptômes de la maladie de Parkinson n’apparaissent pas avant que 50 à 70 % des neurones dopaminergiques soient détruits. Il y aurait donc avant cela une longue phase silencieuse et à première vue asymptomatique au cours de laquelle les processus pathologiques responsables de la mort des neurones se sont installés.
La maladie de Parkinson se caractérise par une combinaison variable de plusieurs symptômes moteurs. Une lenteur des mouvements (bradykinésie), une difficulté à les démarrer et à les arrêter (akinésie), une rigidité des membres (hypertonie) et enfin, des tremblements caractéristiques au repos. Mais contrairement aux idées reçues, seulement deux tiers des patients présentent des tremblements.
Avec le temps, l’atteinte causée par la maladie de Parkinson devient cognitive, avec des troubles de la mémoire et des troubles de la parole. On sait cependant que les premiers symptômes de la pathologie sont non moteurs. Ils peuvent comprendre une dépression, des problèmes de constipation, une perte d’odorat, une fatigue intense, des douleurs musculaires, des troubles du sommeil, mais aussi des troubles de l’attention et des troubles cognitifs de type exécutif. Ces symptômes, présents chez jusqu’à 70 % des patients selon l’Inserm, empirent avec l’avancée de la maladie et affectent grandement la qualité de vie. En moyenne, on estime que chaque malade exprime ainsi une quinzaine de symptômes tous types confondus.
Pour caractériser l’évolution de la maladie de Parkinson, on distingue trois phases selon l’atteinte fonctionnelle du patient : la phase précoce, qui signifie que les symptômes ne sont localisés que d’un seul côté du corps, la phase « compliquée », avec une atteinte bilatérale du corps, et enfin, la phase tardive, qui correspond à la perte d’autonomie, motrice en particulier.
Le diagnostic de la maladie de Parkinson est essentiellement clinique et repose sur la présence de symptômes moteurs. La pathologie est donc souvent détectée tardivement, puisque ces symptômes n’apparaissent que lorsque 50 à 70 % des neurones dopaminergiques ont disparu.
L’imagerie médicale, telle que l’imagerie par résonnance magnétique (IRM), est surtout utilisée pour exclure d’autres affections aux symptômes similaires, comme les tremblements essentiels. La réponse significative et prolongée à certains médicaments est également un critère important pour objectiver la pathologie.
Il n’existe actuellement aucun traitement curatif pour la maladie de Parkinson. Néanmoins, de multiples approches thérapeutiques permettent d’atténuer et de prévenir l’apparition des symptômes.
Le traitement de la maladie de Parkinson repose sur plusieurs types de médicaments administrés par voie orale. Aucun n’a une efficacité totale et tous provoquent des effets secondaires notables.
Le plus célèbre des composés est la lévodopa, ou L-dopa. Si son administration permet de restaurer la motricité pendant quelques années, elle perd malheureusement de son efficacité avec le temps et entraîne des effets secondaires conséquents, comme des mouvements involontaires. De plus, la molécule est rapidement dégradée par l’organisme et doit être prise à plusieurs moments de la journée. C’est pourquoi les médecins retardent au maximum son utilisation. Lorsque l’efficacité de la L-dopa devient fluctuante, des traitements de seconde ligne sont envisagés, comme la pompe à L-dopa, qui fonctionne sur le même principe qu’une pompe à insuline pour les diabétiques, en délivrant en continu la substance thérapeutique.
Les médecins peuvent par ailleurs prescrire des agonistes de la dopamine, et notamment de l’apomorphine. Ces molécules se lient aux mêmes récepteurs que la dopamine et ont donc un effet comparable. Elles sont en revanches moins bien supportées par les patients âgés et engendrent des risques de confusion ou de somnolence, ainsi que des risques de comportements compulsifs comme une addiction au jeu, aux achats ou au sexe.
En parallèle, on peut aussi utiliser des molécules qui inhibent la dégradation de la dopamine telles que les inhibiteurs de la catéchol-O-méthyltransférase (COMT) ou les inhibiteurs de la monoamine-oxydase (MAO), qui empêchent la dégradation de la dopamine naturelle.
Depuis maintenant une trentaine d’années, la stimulation cérébrale profonde est une réelle option thérapeutique dans le traitement de la maladie de Parkinson. Elle consiste à implanter de manière chirurgicale des électrodes dans les structures profondes du cerveau, notamment dans le noyau subthalamique, pour y délivrer un courant électrique. Cette méthode soulage efficacement les symptômes moteurs, sans induire d’effets adverses, mais elle n’agit pas pour autant sur la progression de la pathologie. Aussi, elle ne peut être employée que chez 15 à 20 % des patients selon France Parkinson, dans des conditions bien déterminées et selon le niveau de handicap.
Les thérapies d’accompagnement, telles que la kinésithérapie, l’orthophonie et l’ergothérapie, ont également un intérêt dans le traitement de la maladie de Parkinson. Elles peuvent en effet rendre de grands services aux patients, leur permettant notamment de conserver leur autonomie.
De nombreuses recherches visent à approfondir la compréhension des phénomènes à l’origine de la maladie de Parkinson. L’exposition à certains pesticides a été associée à l’inhibition de l’enzyme Park7, favorisant la formation d’agrégats d’alpha-synucléine et la dégénérescence des neurones. Face à cette accumulation d’alpha-synucléine, les cellules cérébrales pourraient mettre en place des stratégies de sauvegarde. Une découverte récente a notamment montré que les cellules gliales tentent de sauver les neurones étouffés par l’alpha-synucléine en leur transférant des mitochondries, suggérant une nouvelle cible thérapeutique potentielle.
Par ailleurs, l’identification de nouvelles mutations génétiques impliquées dans les formes héréditaires de la maladie éclaire des mécanismes moléculaires sous-jacents, comme la neuroinflammation ou le rôle des mitochondries, ouvrant la voie à des approches de traitement personnalisées.
La recherche s’intéresse aussi à la potentielle origine périphérique de la maladie de Parkinson, qui débuterait au niveau de l’intestin ou du bulbe olfactif. La pathologie est en effet associée à des troubles précoces de la digestion et de l’odorat, et certains neurones dans les régions du cerveau associées présentent des agrégats d’alpha-synucléine, comme les neurones dopaminergiques. Cette piste suggère également un rôle important du microbiote intestinal dans la pathologie.
En termes de diagnostic, différents travaux tentent de mettre au jour des biomarqueurs permettant de dépister la maladie de Parkinson de façon plus précoce. Des études sont menées sur des marqueurs détectables dans le sang ou dans le liquide céphalo-rachidien, avec comme objectif essentiel la mesure d’un seuil pour identifier et confirmer la pathologie. Les cohortes de patients les plus à risque, avec des symptômes précurseurs ou une anomalie génétique impliquée dans une forme héréditaire, devraient permettre d’avancer sur ce point. Des équipes de recherche se sont aussi intéressées aux différences entre hommes et femmes, grâce à une cohorte de près de 100 000 femmes. Chez certaines, le risque de développer la maladie serait augmenté en raison d’événements hormonaux particuliers, comme la prise de traitements hormonaux, tandis que l’activité physique éloignerait au contraire la pathologie.
Du côté de la pharmacologie, des substances sont testées pour empêcher la formation et l’accumulation des corps de Lewy dans le cerveau, voire même pour les détruire. L’immunothérapie consiste par exemple à administrer des anticorps anti-alpha-synucléine ou d’en stimuler la production par l’organisme lui-même via un vaccin. Des essais cliniques de phase 1 et 2 ont déjà eu lieu, avec dans certains cas des résultats prometteurs. L’utilisation d’ARN pour faire baisser la fabrication d’alpha-synucléine est aussi à l’étude. Seulement, la difficulté de ces approches est d’atteindre le cerveau et les neurones de manière spécifique. Des chercheurs essayent donc de perméabiliser la barrière hémato-encéphalique, la frontière physiologique plus ou moins étanche entre le sang et le système nerveux central, afin de faciliter la pénétration des molécules dans le cerveau.
Des équipes travaillent sur la mise au point de facteurs neurotrophiques, des substances qui protègent les neurones de leur disparition. Après plusieurs échecs, il y a une vingtaine d’années, cette piste est de nouveau explorée. Un essai clinique de phase 2 a été conduit pour évaluer l’intérêt de piéger le fer grâce à un « chélateur du fer » dans le cerveau, car cet élément chimique est suspecté de contribuer à la toxicité des corps de Lewy. Contrairement à de premiers essais, la dernière étude en date a donné des résultats inattendus. La stratégie a bien permis de diminuer la surcharge en fer, mais l’état des patients traités s’est dégradé par rapport au groupe contrôle, révélant le rôle essentiel du fer dans la synthèse de la dopamine et l’importance de combiner le chélateur à un traitement dopaminergique. Cette approche est aujourd’hui à l’étude.
Très récemment, une autre molécule a montré un potentiel neuroprotecteur prometteur dans la maladie de Parkinson. Il s’agit d’un analogue de GLP-1, un antidiabétique bien connu. Des explorations supplémentaires sont nécessaires pour confirmer le bénéfice de ce traitement, notamment à cause de la présence d’effets indésirables conséquents. Enfin, la doxycycline, qui est un antibiotique, pourrait aussi se montrer utile pour lutter contre la dégénérescence des neurones.
La thérapie génique se montre comme une nouvelle option de traitement pour substituer la perte de dopamine inhérente à la maladie de Parkinson. Elle consiste à introduire des gènes permettant de rétablir la production de dopamine dans les cellules du cerveau. Une combinaison de trois gènes a fait l’objet d’un essai de phase 1, dont les résultats sont encore attendus. Il faudra par la suite évaluer précisément la dose et la fréquence optimales des injections, et déterminer le type de patients le plus susceptible de répondre au traitement.
La thérapie cellulaire se propose quant à elle de restaurer les neurones disparus par une greffe de nouvelles cellules, ou de stimuler leur formation. Les avancées dans l’utilisation des cellules souches offrent désormais la possibilité de produire une source illimitée de neurones dopaminergiques. Une start-up française est ainsi parvenue à développer une méthode pour générer des neurones à grande échelle, mais de nombreux obstacles sont encore présents quant à la tolérance et à la survie de la greffe. Des recherches restent indispensables pour optimiser cette solution.
La stimulation cérébrale profonde du noyau subthalamique, qui agit sur les symptômes moteurs de la maladie de Parkinson, ne fonctionne que pour un nombre restreint de patients. Des travaux de recherche sont menés, tant pour améliorer les effets et le fonctionnement de la technique, que pour la rendre accessible à davantage de malades. De nouvelles stratégies de stimulation sont aussi en cours de développement. Elles ciblent une population de neurones plus en surface, ou des régions différentes du système nerveux comme la moelle épinière ou le cervelet. La stimulation par infrarouge représente également une piste prometteuse pour stabiliser la maladie. Les premiers résultats d’un essai lancé chez des patients viennent d’être publiés.
Pour finir, la recherche s’intéresse à la prise en charge des symptômes non moteurs de la maladie de Parkinson, tels que les symptômes cognitifs, qui peuvent nuire gravement à la qualité de vie des patients. Un algorithme clinico-génétique a été mis au point pour prédire avec précision le déclin cognitif attendu chez les patients dans les dix ans suivant le début de la maladie. En parallèle, des études d’imagerie cérébrale ont révélé que la sévérité des symptômes non moteurs, tels que la dépression et l’apathie, était corrélée à la dégradation des neurones sérotoninergiques, suggérant un rôle clé de ces cellules dans la manifestation de ces symptômes.
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