Cancers du sein : etudier un acide gras impliqué dans l’agressivité des tumeurs triple négatives


Le cancer du sein tient le triste palmarès de premier cancer féminin en termes de fréquence. Il représente aussi la première cause de décès par cancer chez les femmes, avec environ 12 600 victimes estimées en 2021. Le dépistage organisé et les progrès réalisés dans les traitements ont permis d’améliorer le pronostic des patientes. Détecté à un stade précoce, il peut être guéri dans 99 % des cas, mais certains cancers, comme le cancer du sein triple négatif, se soignent encore mal.
Les chercheurs scrutent de nouvelles pistes thérapeutiques pour optimiser la prise en charge de la pathologie.
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme. Il représente 33 % des cas de cancers féminins selon l’Institut national du cancer (INCa). En 2023, environ 61 000 nouveaux cas de cancer du sein ont été diagnostiqués en France. Si cette maladie a encore été responsable de 12 600 décès en 2021, le taux de mortalité associé diminue régulièrement. L’Assurance maladie ajoute que cette même année, 735 790 femmes ont été prises en charge pour cette pathologie.
L’amélioration de la survie observée pour le cancer du sein s’expliquerait par un meilleur dépistage et par le développement de thérapies toujours plus efficaces. 60 % des cancers du sein sont aujourd’hui détectés à un stade précoce et 88 % des patientes, tous stades confondus, sont en vie 5 ans après le diagnostic. Mais contrairement aux idées reçues, le cancer du sein touche aussi les hommes, dans moins de 1 % des cas.
Le sein est composé de nombreux lobes glandulaires, des structures de production du lait elles-mêmes constituées de plusieurs lobules. Chacun de ces lobes se poursuit par un canal galactophore, qui l’amène jusqu’au mamelon. Les lobes glandulaires sont entourés de tissu adipeux, c’est-à-dire de tissu graisseux, ainsi que de vaisseaux sanguins et lymphatiques. Les vaisseaux lymphatiques conduisent la lymphe au niveau des ganglions axillaires situés sous le bras. Ces ganglions sont des sortes de réservoirs de cellules immunitaires. Ils peuvent être atteints par les cellules tumorales.
Il existe plusieurs types de cancers du sein, ou adénocarcinomes, qui diffèrent selon leur localisation et leur extension. Les plus rencontrés sont les carcinomes in situ et les carcinomes infiltrants. Les carcinomes in situ correspondent à des cellules cancéreuses qui sont restées confinées dans les canaux (cancers canalaires in situ) ou dans les lobules (cancers lobulaires in situ), et qui n’ont pas diffusé dans les tissus environnants. Les cancers canalaires in situ sont les cancers du sein les plus fréquents, représentant 85 à 90 % des cas selon l’INCa.
Les carcinomes infiltrants correspondent à des cellules cancéreuses qui ont envahi les tissus entourant les canaux et lobules. Ces cancers sont le plus souvent d’origine canalaire. S’ils ne sont pas pris en charge à temps, ils conduisent à la formation de métastases dans les ganglions axillaires et le reste du corps. Il y a aussi d’autres formes plus rares de cancers du sein, comme les carcinomes inflammatoires, qui envahissent les vaisseaux lymphatiques et se répercutent en surface au niveau de la peau, les carcinomes mucineux, les carcinomes tubuleux, les carcinomes tubulaires, les carcinomes papillaires, ou encore la maladie de Paget du mamelon, qui est un cancer de « haut grade » très agressif.
Les études menées sur le génome ont permis d’établir une classification plus fine des cancers du sein, basée sur la présence de marqueurs à la surface des tumeurs. Ainsi, on cherche la protéine RE, un récepteur aux œstrogènes, la protéine RP, un récepteur à la progestérone, et la protéine HER2, un récepteur du facteur de croissance épidermique 2, afin de classer les cancers dans un groupe.
Les cancers du sein hormonodépendants (RH+), encore appelés cancers luminaux ou de type luminal, sont les formes les plus fréquentes. Ces cancers sont positifs pour les récepteurs hormonaux aux œstrogènes (RE+) et à la progestérone (RP+). On distingue ensuite les cancers positifs pour HER2 (cancers de type B), de plus haut grade, et les cancers négatifs pour ce récepteur (cancers de type A), généralement de plus bas grade et proliférant peu. Les cancers négatifs pour les trois marqueurs RE, RP et HER2 sont appelés « cancers du sein triples négatifs ». Ils sont souvent graves, notamment du fait de leur résistance à l’hormonothérapie et aux thérapies ciblées contre HER2. Cette hétérogénéité d’expression permet d’orienter la prise en charge des patientes.
Le cancer du sein est très rare chez l’homme, mais il est possible, et cela ne doit pas être négligé. En effet, cette rareté est à l’origine d’un diagnostic tardif et donc d’un mauvais pronostic. Le risque de mortalité pour le cancer du sein est ainsi supérieur chez l’homme, par rapport à la femme. Les cancers du sein masculins sont dans leur grande majorité des cancers hormonodépendants. Hormis l’âge, les prédispositions génétiques et les antécédents familiaux, qui augmentent les risques de cancer du sein chez les deux sexes, il existe des facteurs de risque spécifiques aux hommes, comme le syndrome de Klinefelter et la cirrhose du foie.
Le cancer du sein est une maladie multifactorielle, dont l’apparition résulte d’une combinaison entre des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux.
Il y a quatre principaux facteurs de risque de développer un cancer du sein. L’âge est le premier, ce cancer apparaissant souvent autour de 60 ans. Ensuite, il y a les prédispositions génétiques : lorsque plusieurs personnes d’une même famille sont atteintes du même cancer, il peut s’agir d’un cancer héréditaire. C’est le cas de 5 à 10 % des cancers du sein selon l’INCa. Dans cette situation, une mutation dite « de prédisposition » est transmise de génération en génération. Les principaux gènes en cause sont les gènes BRCA1 et BRCA2.
Les antécédents familiaux de cancer du sein représentent un troisième facteur de risque. Ils concernent la présence d’au moins un cas isolé dans la famille proche. Enfin, il y a les antécédents personnels de cancer du sein, d’hyperplasies atypiques, de maladies bénignes du tissu mammaire, ou d’exposition à des radiations dans le cadre de précédents traitements.
D’autres facteurs de risque plus secondaires ont également été identifiés pour le cancer du sein, comme la puberté précoce et la ménopause tardive, les traitements hormonaux substitutifs de la ménopause, l’absence de grossesse et les grossesses tardives, l’absence d’allaitement, la consommation régulière d’alcool, le tabagisme, la sédentarité et enfin, la surcharge pondérale.
Les symptômes du cancer du sein sont essentiellement locaux. Parmi eux, on trouve une grosseur au niveau d’un sein ou la présence de ganglions à l’aisselle, des déformations, des rougeurs, des changements d’aspect comme l’apparition d’une peau d’orange, des douleurs, ou des écoulements anormaux par le mamelon. L’ensemble de ces symptômes doivent alerter et pousser à consulter.
Avant 50 ans, il est essentiel pour les femmes de consulter chaque année un gynécologue pour qu’il procède à un examen clinique des seins. En cas de doute ou d’anomalie, le médecin peut alors programmer des examens complémentaires. Les femmes âgées de 50 à 74 ans sont invitées à se faire dépister du cancer du sein tous les deux ans avec une mammographie, ou si besoin une échographie et ce, sans avance de frais. Plusieurs outils sont utilisés pour établir un diagnostic du cancer du sein.
La palpation permet la mise en évidence d’une grosseur anormale au niveau des seins et de creux axillaires sous les aisselles. L’autopalpation régulière des seins est également recommandée dans le cadre de la prévention du cancer du sein. En cas de doute, il est important de consulter au plus vite afin d’obtenir un avis et éventuellement, de suivre des examens complémentaires.
La mammographie est un examen radiologique révélant des lésions de quelques millimètres indétectables par la palpation. Depuis mars 2023, la Haute autorité de santé (HAS) recommande d’associer la mammographie classique en deux dimensions à la mammographie par tomosynthèse dans le cadre du dépistage organisé. Cette technique fournit un cliché en trois dimensions, obtenu par reconstruction numérique.
L’échographie est un examen utilisant les ultrasons, prescrit lorsque la mammographie a mis en évidence une anomalie, ou lorsque la densité des seins ne permet pas d’avoir une mammographie de qualité. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est quant à elle réalisée pour obtenir des renseignements complémentaires aux informations données par la mammographie et l’échographie.
Lorsqu’une image est suspecte, seul l’examen au microscope d’un prélèvement biologique permet de confirmer le diagnostic d’un cancer du sein. Le geste peut également être réalisé avec l’aide de l’imagerie. Il existe plusieurs techniques de prélèvement. La cytoponction consiste à prélever quelques cellules avec une aiguille très fine, alors que la biopsie correspond au prélèvement d’un fragment de tissu réalisé sous anesthésie locale. Lorsque la ponction est impossible, une chirurgie peut être programmée pour extraire une partie de la zone anormale à vérifier. L’analyse anatomopathologique permet ensuite de déterminer le type de cancer, son grade et ses caractéristiques moléculaires, qui orienteront vers un traitement spécifique et fourniront des informations sur le pronostic.
La prise en charge des patientes atteintes de cancer du sein dépend des caractéristiques de la tumeur et de son extension. Suivant la démarche thérapeutique choisie, cinq types de traitements peuvent être utilisés, seuls ou en combinaison.
La chirurgie est une étape incontournable, qui permet de supprimer la masse tumorale. Durant l’opération, le chirurgien peut retirer les ganglions sentinelles, c’est-à-dire les ganglions lymphatiques les plus proches de la tumeur. Ils sont maintenant analysés directement afin de savoir si les cellules cancéreuses se sont disséminées. En fonction du résultat, le chirurgien adapte son geste. Deux types de chirurgie peuvent alors être menés : la tumorectomie ou mastectomie partielle, pour extraire la tumeur et une partie du tissu environnant, et la mastectomie totale, qui consiste à retirer l’entièreté du sein.
À la suite de la chirurgie, une reconstruction mammaire est proposée aux patientes. Celle-ci peut être complétée par un tatouage médical pour redessiner l’aréole. La HAS offre une plateforme d’accompagnement dans le processus de reconstruction mammaire après un cancer du sein.
Après la chirurgie, la chimiothérapie post-opératoire permet de prévenir le développement de métastases ou de les éliminer en cas d’extension du cancer. Dans de rares cas, elle peut être donnée en préopératoire, en tant que traitement néoadjuvant pour faire diminuer la taille de la tumeur à enlever.
La radiothérapie à base de rayons ionisants est souvent réalisée en post-opératoire, en complément de la chirurgie au niveau de la région de la tumeur, et en association avec la chimiothérapie. Elle peut aussi être prescrite avant l’opération, en tant que radiothérapie néoadjuvante, pour réduire le volume de la tumeur et faciliter son ablation. La radiothérapie peut cibler la glande mammaire, la zone d’extraction de la tumeur, la cage thoracique et les ganglions lymphatiques.
L’hormonothérapie est utilisée dans le cas des cancers hormonodépendants dont les cellules tumorales expriment des récepteurs à la progestérone, aux œstrogènes ou les deux. Il s’agit d’un traitement au long cours, qui s’étale en général sur une durée de 5 ans. Son objectif est d’empêcher la tumeur d’utiliser ces hormones pour stimuler sa croissance. L’hormonothérapie peut être prescrite avant ou après la chirurgie selon les situations, ou pour le traitement des métastases.
Les thérapies ciblées s’attaquent de manière spécifique aux tumeurs en ciblant un mécanisme particulier. Ainsi, on peut citer les thérapies ciblées sur HER2, comme le trastuzumab (Herceptin), ou celles qui empêchent le développement de nouveaux vaisseaux autour de la tumeur, réduisant ainsi sa croissance, comme le bévacizumab (Avastin). D’autres thérapies ciblées peuvent être employées selon le type de tumeur, par exemple le lapatinib (Tyverb) ou l’évérolimus (Afinitor), qui sont des inhibiteurs de protéines tyrosine kinase.
Aujourd’hui, la recherche sur le cancer du sein est de plus en plus tournée vers le développement d’une médecine de précision pour une prise en charge personnalisée des patientes.
Tout un champ de recherche sur le cancer du sein explore les facteurs de risque génétiques et environnementaux de la pathologie. Concernant les facteurs environnementaux, des études sont menées pour analyser l’impact de la pollution atmosphérique, mais aussi organique et plastique dans l’alimentation. Les conséquences du mode de vie, et notamment de l’obésité, sont analysées dans la même optique de prévenir les risques. Du côté de la génétique, des travaux se poursuivent sur les mutations impliquées dans le cancer du sein, comme celles qui touchent les gènes BRCA1 et BRCA2, afin de mieux comprendre les mécanismes à l’origine du développement tumoral et d’améliorer le dépistage de la maladie.
D’autre part, pouvoir prédire les meilleures combinaisons et séquences de traitements pour chaque patiente représente un enjeu majeur pour les années à venir. À cette fin, les chercheurs identifient des biomarqueurs permettant d’anticiper l’évolution du cancer et le développement de métastases, ou la réponse aux traitements, en vue d’adapter les thérapies à chaque cas. Des études récentes ont par exemple mis au jour un biomarqueur de l’efficacité du tamoxifène dans le cancer hormonodépendant et un biomarqueur de la réponse à la chimiothérapie dans le cancer du sein triple négatif.
Particulièrement agressif et difficile à traiter, le cancer du sein triple négatif est au centre de nombreux travaux. Ils visent à repérer de nouvelles cibles thérapeutiques pour développer des traitements plus efficaces, en s’attaquant par exemple à un acide gras associé à l’agressivité des tumeurs. Les chercheurs ont aussi pour objectif d’améliorer la chimiothérapie et de trouver des approches innovantes de thérapie ciblée pour faire face à la résistance aux traitements de ces cancers aux molécules de chimiothérapie. Très prometteuse en oncologie, l’immunothérapie est une autre piste explorée. Elle apporte de premières preuves d’efficacité pour soigner le cancer du sein triple négatif.
Les métastases constituent une complication majeure du cancer du sein, en particulier des formes triples négatives. Un enjeu important de la recherche est d’abord de comprendre comment se forment ces métastases. Il s’agit d’identifier les acteurs moléculaires impliqués, tels que les protéines SMYD2 ou EB1, mais aussi les caractéristiques propres à chaque type de cancer, comme le cancer triple négatif, et à chaque zone de propagation des métastases, comme le tissu osseux. Un autre aspect de ces travaux consiste à détecter précocement les métastases et à bloquer leur formation en ciblant les mécanismes précédemment élucidés.
Les cancers du sein hormonodépendants représentent la majorité des cas de cancers du sein, posant des défis spécifiques tant en termes de traitement que de suivi. Une recherche récente vise à mieux caractériser les cellules tumorales afin de comprendre leur hétérogénéité et de trouver des stratégies pour renforcer l’efficacité des protocoles. Par ailleurs, le traitement de ces cancers par hormonothérapie s’inscrit dans la durée, avec des prises de médicaments sur plusieurs années. Cette thérapie au long cours est essentielle pour prévenir les récidives, mais s’avère contraignante. Une étude a montré que l’adhésion des patientes à l’hormonothérapie est liée à leur capacité à suivre d’autres traitements comme ceux visant la santé cardiovasculaire. Anticiper le risque de non-observance des traitements est un aspect crucial dont il faut tenir compte pour optimiser la prise en charge globale de la maladie.
Dans le domaine de la radiothérapie, l’hypofractionnement, voire l’ultra-hypofractionnement, dont l’objectif est de diminuer au maximum le nombre de séances en utilisant des doses plus importantes de rayons à chaque session, a fait ses preuves dans certaines conditions de traitement. Cette approche est déjà proposée à des patientes dans des centres spécialisés, et pourrait s’étendre ces prochaines années. Les chercheurs et praticiens s’intéressent aussi à la radiothérapie peropératoire pour irradier le sein de l’intérieur, en une seule fois, directement au bloc juste après l’opération. Cette technique est expérimentée dans quelques services hospitaliers. Le recours à des nanoscintillateurs, des petites particules capables d’augmenter l’effet des rayons de la radiothérapie, est également une piste étudiée.
La recherche de nouvelles cibles thérapeutiques pour le cancer du sein explore des mécanismes variés. Une étude s’est par exemple penchée sur les processus moléculaires régulant le développement des glandes mammaires dans le but de révéler des cibles potentielles contre les tumeurs. D’autres travaux se concentrent sur le système immunitaire, sa diversité et son rôle dans la croissance tumorale pour trouver des moyens de bloquer les interactions néfastes.
Cindy, 39 ans, est atteinte d'un cancer du sein HER2+ hormonodépendant, avec une tumeur au sein droit et des métastases au niveau du fémur, du bassin et du bas du dos. Grâce à une thérapie ciblée, Cindy va mieux aujourd’hui mais d'ici 5 ans son traitement pourrait ne plus être efficace. L'espoir repose sur les progrès de la recherche pour vaincre les cancers les plus redoutables.
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